La business du rose

Par Jean-claude-tremblay

Certains l’appellent le « marketing rose » et d’autres le « pinkwashing », mais chose certaine, tout le monde est maintenant habitué de voir les entreprises rivaliser d’ingéniosité pour vous vendre leurs mille et un produits « rosés ».

Que l’on veuille ou non, le cancer est une industrie et une industrie très payante – les pharmaceutiques l’ont depuis longtemps compris et sont d’ailleurs à l’origine du « Mois de la sensibilisation du cancer du sein », qu’ils ont lancé dans les années 1980, dans la foulée d’une troublante opportunité pécuniaire. Des spécialistes en marketing et relations publiques ont ensuite contribué à la mise au monde commercial du célèbre ruban rose, sur lesquels capitalisent d’innombrables entreprises depuis les années 1990.

En 2011, le documentaire-choc « L’indus-trie du ruban rose » avait mis la table pour que les vraies questions soient enfin posées comme « Où va l’argent lorsqu’on achète un produit rose », ou encore « Qui profite le plus de ce battage publicitaire planétaire ? ». Tristement, on se pose un peu moins souvent ces importantes questions, car nous sommes inondés d’offres associées à cette triste maladie qui terrorise notre société.

L’exemple des compagnies d’assurances

J’ai été sidéré l’autre jour lorsque j’ai reçu un appel de ma compagnie d’assurance, un fleuron québécois, qui voulait me vendre à gros prix une protection supplémentaire au cas où le cancer frapperait notre famille. « Vous savez Monsieur Tremblay, le cancer touche tout le monde maintenant, il est donc plus prudent et responsable de souscrire à ce type de couverture ». En une minute, ce vendeur d’assurance sans pudeur met la main dans mes poches, et l’instant d’après, il me donne un cancer et des complexes au passage !

Comprenons-nous bien : je ne remets pas en question l’utilité ni même la légitimité dudit produit qui dans plusieurs cas a réellement aidé des gens, mais ce que je trouve épouvantable, c’est le manque d’humanité et de dignité à travers tout ce déploiement mercantile qui ne cesse de prendre de l’ampleur. La délicatesse et l’authenticité auront dans ma tête et mon cœur toujours préséance sur l’argumentaire crasse qui tente uniquement de me convaincre d’acheter.   

Insensibilité et conséquences

Le problème, c’est qu’à force d’avoir sucé la paparmane rose trop longtemps, elle a pâli et s’est diluée, comme l’important message de prévention, de guérison et d’espoir qui lentement est en train de s’effriter. La surenchère de publicités et de produits identifiés, dans ce cas-ci, amène une certaine forme de banalisation du rose, alors que dans la réalité, d’innombrables femmes, et certains hommes, souffrent de tragiques cancers du sein et ont plus que jamais besoin de réel soutien.

Certes, et fort heureusement, il existe des exceptions et des entreprises qui ont réellement à cœur d’amasser de l’argent et remettre, dans une importante proportion, leurs recettes à des fondations bien administrées, où les sommes vont servir directement la cause. La meilleure façon de se prémunir des polissons invertébrés et encourager ceux qui contribuent réellement à ce mouvement rosé, c’est de lire les petits caractères, et de toujours vous informer. Dans le doute, passez votre tour et donnez directement aux organismes indépendants et éthiquement subventionnés.

En ce mois de la sensibilisation au cancer du sein, je me permets de saluer le courage d’une panoplie de femmes, dont plusieurs sont des amies personnelles, dans leur résilience face à cette maladie. Sachez que vous êtes aimées, et qu’à mon sens, le chemin de la compassion, de la paix intérieure et de la douceur envers soi aura toujours raison du plus ardent des combats.

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