(Photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec)
L’Honorable Augustin-Norbert Morin, alors qu’il est juge. Photo : BAnQ

«Pas de curé Labelle sans A.-N. Morin»- Partie 1

Par Simon Cordeau

On associe la colonisation du Nord au curé Labelle. Mais avant lui, il y en avait un autre. Que savez-vous d’Augustin-Norbert Morin? Moi, à part son nom, je n’en savais rien. En explorant sa vie, j’ai découvert un personnage central non seulement à l’histoire des Laurentides, mais aussi à l’histoire du Québec entier. Pourtant, il est presque absent de notre mémoire collective.

« Il n’y a pas de curé Labelle sans Morin. » Christian Blais, historien à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, est sans équivoque. « Morin est le prédécesseur de Labelle. C’est lui qui a vraiment ouvert le Nord. […] On le voit même dans les noms, comme Morin- Heights, Val-Morin, Sainte-Adèle… Tous ces endroits étaient déjà développés par Morin avant l’arrivée du curé Labelle. » Rappelons que Sainte-Adèle est nommée en l’honneur de la femme de Morin, Adèle Raymond.

Augustin-Norbert Morin naît en 1803 et s’éteint en 1865. Sa vie traverse une époque tumultueuse de notre histoire : la Rébellion des Patriotes, le rapport Durham, l’union du Haut et du Bas-Canada, l’exode des Canadiens français vers la Nouvelle-Angleterre, l’abolition du régime seigneurial, la rédaction de notre Code civil… Morin participera, directement ou indirectement, à tous ces bouleversements.

Morin, le journaliste

En 1820 et 1821, alors qu’il étudie au Séminaire de Québec, A.-N. Morin se voit confier la direction du journal Le Canadien, avec Étienne Chartier. Il n’a que 17 ans. Le journal transmet les idées et les positions du Parti canadien, qui deviendra le Parti patriote en 1826. C’est le début de l’engagement politique de Morin.

En 1825, alors que Morin étudie le droit à Montréal, certains juges dont Edward Bowen commencent à refuser des documents écrits en français, alors qu’ils étaient acceptés auparavant. Morin écrit une longue lettre ouverte au juge Bowen, dénonçant cet affront aux droits des Canadiens français. « Ainsi, Monsieur, jamais la Grande-Bretagne n’a restreint dans ce pays la liberté de langage », écrit-il. Sa lettre fait sensation, et permet de protéger le français dans les tribunaux du Bas-Canada.

En 1826, Le Canadien cesse (temporairement) sa publication. Morin fonde donc, avec d’autres, le journal La Minerve. « Ardents à soutenir les intérêts des Canadiens, nous leur enseignerons à résister à toute usurpation de leurs droits, en même temps que nous tâcherons de leur faire apprécier et chérir les bienfaits et le gouvernement de la mère patrie. Nous donnerons les débats de la Chambre d’Assemblée avec un précis des lois qui y seront proposées. Le peuple a un intérêt majeur à connaître la conduite de ses représentants pour motiver son choix et faire respecter l’opinion publique à ceux qu’il charge de la défendre », peut-on lire dans la première édition.

Cette idée, de rendre accessibles les débats parlementaires et de vulgariser les enjeux politiques, est alors nouvelle, voire révolutionnaire.

Toutefois, La Minerve ne sera pas viable économiquement, et sera acquise par Ludger Duvernay dès 1827. Morin continuera de collaborer au journal jusqu’en 1830.

Morin, le député

Pendant ce temps, Augustin-Norbert Morin se rapproche du Parti patriote et son engagement politique devient plus concret. Aux élections de 1830, il se présente comme candidat dans sa circonscription natale de Bellechasse, au sud de Québec. Malgré son manque de charisme, il est élu député à 27 ans.

Il ne le sait pas encore, mais dans les prochaines années, il jouera un rôle clé dans la crise politique à venir, et qui culminera avec la Rébellion des Patriotes.

Ma principale référence est l’ouvrage Augustin-Norbert Morin par Jean-Marc Paradis (2005).

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