Les premiers ados étaient des Boomers
Par Simon Cordeau
Souvent, les jeunes dérangent. Soit parce qu’ils veulent changer les choses, soit parce qu’ils refusent de se conformer aux normes de la société. Mais on oublie parfois que les Boomers, dans leur jeunesse, ont aussi bousculé les choses. Discussion sur la musique et la contre-culture, avec Vanessa Blais-Tremblay, résidente de Prévost et professeure au Département de musique de l’UQAM.
L’évènement emblématique de la contre-culture, ce serait Woodstock. Tenu en 1969 sur 4 jours, le festival de musique accueille plus de 400 000 personnes et présente des performances des plus grandes icônes de l’époque, comme Jimi Hendrix, The Who et Janis Joplin (pour ne nommer que ceux-là). « Woodstock en soi, c’est un moment particulier. C’est à la fois l’apogée du phénomène de contre-culture et juste avant son implosion », raconte Mme Blais-Tremblay.
De 1967 à 1969, la contre-culture américaine connaît sa plus grande popularité. « Pendant quelques années, le mouvement a entre les mains les outils pour renverser, changer les normes et les valeurs dominantes. » Mais en 1970, Hendrix et Joplin meurent tous deux d’une surdose : une véritable « douche froide » pour les idéaux d’utopie et de conscience universelle.
La contre-culture québécoise
Ce phénomène de contestation touche tout le monde occidental, souligne la professeure. On peut penser à Mai 68 en France, par exemple. Au Québec, il s’inscrit dans les changements politiques et sociaux de la Révolution tranquille, amorcée en 1960 avec l’élection de Jean Lesage. On cherche alors à s’inscrire dans ce phénomène mondial, tout en affirmant la singularité du Québec dans une Amérique anglophone.
Ici, on peut penser à L’Osstidcho, présenté en 1968 au Théâtre de Quat’Sous par Robert Charlebois, Yvon Deschamps, Louise Forestier et Mouffe. « On va moquer, parodier le Québec traditionnel. On utilise le joual pour provoquer. On présente les valeurs traditionnelles pour rire de ça, de soi. On veut à la fois rêver d’un monde différent et se distancer du passé, lié au catholicisme et au patriarcat », explique la professeure.
Renverser l’ordre établi
Rapidement, la génération des baby-boomers va se rendre compte du pouvoir qu’elle a. « C’est la même génération qui va embarquer dans la Beatlemania. Quand elle va accéder aux études supérieures, elle va écouter des chansonniers au contenu plus politisé. Très tôt, au début de l’adolescence, elle va se concevoir comme une communauté à part entière, visible et large. »
La professeure rappelle aussi que l’adolescence ou la vie de jeune adulte, cette phase où on explore son identité et ses loisirs, est une invention de l’Après-guerre. Les Boomers sont donc les premiers à la vivre.
Le poids démographique important de cette jeunesse leur permettra d’influencer les changements culturels, mais aussi politiques de l’époque.
Culture et répression
Naturellement, les changements proposés par la jeunesse rencontrent, comme aujourd’hui, de la résistance. Mme Blais-Tremblay rappelle que dans les années 1920-1930, on interdisait la danse jazz à l’extérieur de Montréal.
« On considérait que le corps de la femme bougeait de manière trop érotique, et que c’était une danse qui menait plus naturellement à se courtiser. Mais à la base, les jeunes filles aimaient danser parce qu’elles n’étaient pas obligées de le faire en couple. Elles pouvaient danser entre amis ou entre filles. C’était aussi une manière de s’approprier leur corps. »
La professeure donne aussi l’exemple d’Elvis. Le clergé s’opposait farouchement à ce qu’il vienne faire des spectacles au Québec. À la télévision, on peut le cadrer à partir du bassin et cacher son déhanchement endiablé. « Mais on ne peut pas s’il joue sur une scène! »
Dans le discours public, les jeunes sont méprisés, ridiculisés, perçus comme des hystériques parce qu’ils écoutent… les Beatles. « On trouve un peu la même chose aujourd’hui. On ne comprend pas la culture des jeunes, pourquoi ils sont intéressés par telle ou telle chose, telle ou telle valeur. Il peut être intéressant pour les Boomers de se rappeler que leurs parents non plus ne les comprenaient pas, ne les soutenaient pas, et quel impact cela a eu sur eux et leur développement », conclut Mme Blais-Tremblay.
1 commentaire
Les boomers devraient, au pire se taire, au mieux dire au gouvernement de se taire. Main non.