Première conseillère à Saint-Jérôme
Par Simon Cordeau
Saint-Jérôme n’avait jamais eu de mairesse avant mesdames Sophie St-Gelais et Janice Bélair-Rolland, l’année dernière. Et ce, même si on compte les mairies de Bellefeuille, de Saint-Antoine et de Lafontaine, municipalités fusionnées avec Saint-Jérôme en 2002. En fait, la capitale laurentienne n’a eu ses deux premières conseillères municipales qu’en 1989. Entrevue avec Lorraine Auclair.
« Je viens d’une famille politisée. Mon père a longtemps été président de la commission scolaire. Le mandat d’avant, j’étais l’organisatrice d’Alain Beaudry. Donc j’avais un peu un pied dans la porte. J’ai décidé de sauter et de me présenter. […] C’était une expérience extraordinaire », raconte Lorraine Auclair.
Elle se présente alors dans le quartier Sainte-Marcelle, où elle demeure encore des années plus tard. « C’était un quartier perdu d’avance. Il n’y avait pas de pronostic qu’on pouvait gagner. Mais on gagne un vote à la fois. C’est comme escalader une montagne : on y arrive un pas à la fois », se souvient Mme Auclair.
Ainsi, la candidate remporte ses élections, devenant l’une des deux premières femmes, avec Huguette Bourdeau, à siéger au conseil municipal de Saint-Jérôme, en 1989.
Faire ses preuves
« Quand je suis arrivée au conseil, ma première préoccupation, c’était d’être à l’urbanisme. Je voulais faire la preuve que les femmes en politique, ce n’était pas seulement pour la condition féminine », affirme Mme Auclair.
L’un de ses accomplissements est l’interdiction du trafic lourd dans le quartier Brière. « Tout le trafic pour aller à la Rolland passait par la rue Brière. On a fait une ceinture pour que les camions passent à l’arrière, sur le boulevard Daniel-Johnson [aujourd’hui le boulevard Roland-Godard]. Ça, ç’a été ardu. Tout le monde travaillait pour avoir le train à l’époque », se souvient Mme Auclair.
Si Saint-Jérôme a eu ses premières mairesses l’année dernière, Lorraine Auclair a fait l’histoire bien avant elles. « J’étais la première à être mairesse suppléante pour un soir, le 24 janvier 1992. J’ai l’article du journal. Ma mère me découpait tout ce qui pouvait sortir sur moi. »
Les femmes devaient redoubler d’efforts pour prendre leur place, relate l’ancienne conseillère. « On se reporte à loin en arrière. On devait être préparées et avoir lu notre assemblée. Ç’aurait été très facile de dire : « On va suivre la parade. » Mais je suis sûre que tout le monde était plus exigeant pour une femme que pour un homme. […] Les gars ont toujours une excuse. Toi, il faut que tu prouves que tu es à ta place. »
Gagner le respect
Mme Auclair raconte avoir été victime d’intimidation. Un matin, par exemple, elle a trouvé le camion de son ex-conjoint avec les pneus crevés. «Mais aujourd’hui, c’est beaucoup plus violent, avec les réseaux sociaux », estime-t-elle. L’ancienne conseillère croit que la politique municipale perd plusieurs candidats en raison des commentaires haineux et surtout anonymes sur les réseaux sociaux.
« À l’époque, si on envoyait une lettre ouverte dans les journaux, il fallait qu’on signe. La lettre pouvait être publiée anonymement, mais le journal devait avoir votre nom et votre adresse. »
Cela dit, elle garde surtout des bons souvenirs de son passage en politique municipale. « Il y avait du respect. À l’époque, à l’arrivée d’une femme, il n’y avait pas nécessairement le tapis rouge.Il y avait encore des chasses gardées. Mais si tu mettais ta ligne en partant, si tu étais compétente et préparée, on te respectait, parce que tu étais capable de mettre ton opinion sur la table et d’apporter quelque chose. […] Comme disait mon père : « On se bat contre des idées, pas contre des hommes. » »