Roman à suspense : Brigitte Alepin lance L’Alerte sur les injustices fiscales

Par Simon Cordeau

En 2035, le Québec est devenu indépendant. Pour éviter l’exode des entreprises et en attirer d’autres, le Québec libre devient un paradis fiscal. Mais cela cause un déficit monstre dans les finances publiques. Pour rééquilibrer le budget, le premier ministre et milliardaire Éloi Laliberté se prépare à annoncer un « plan de rationalisation ». Il s’agit en fait d’une purge. Et Cécile Larrivée doit fuir le Québec pour alerter le reste du monde.

Dans L’Alerte, l’autrice Brigitte Alepin souhaite démocratiser les enjeux de l’injustice fiscale et les menaces qu’elle pose pour nos démocraties. Mais au-delà des systèmes fiscaux, L’Alerte est d’abord un roman à suspense. La protagoniste, avec ses remords et ses faiblesses, entretient des relations complexes avec les autres personnages. Confrontée à ses valeurs, ses rêves et ses décisions, parviendra-t-elle à avertir le monde à temps ?

L’injustice fiscale

Brigitte Alepin est fiscaliste de renommée mondiale et professeure à l’UQO. Archives

Fiscaliste depuis 35 ans et professeurs à l’UQO – Campus de Saint-Jérôme, Brigitte Alepin travaille depuis des années à faire connaître l’injustice fiscale et ses conséquences sur nos fonds publics et nos sociétés. Elle a écrit des essais, scénarisé et réalisé des documentaires, pour faire connaître le sujet. « Avec beaucoup collègues dans mon domaine, on a réussi à convaincre plusieurs personnes à la cause. Mais on dirait que là, on a atteint un plateau. Si je fais un autre essai, est-ce que ça va avoir autant d’impact ? Je me disais, si je réussis à faire un bon roman, que le lecteur embarque tranquillement dans l’histoire, je pourrais parler des systèmes autour de la justice fiscale. »

Dans L’Alerte, la viabilité du Québec libre est compromise par un immense déficit. « Devant le constat d’échec, Éloi Laliberté préfère sauver l’idée du paradis fiscal, qui avantage les entreprises, et couper dans les soins de santé et l’éducation », raconte l’autrice. Il propose donc une « purge » : les citoyens les plus vieux ou atteints de maladies dégénératives seront laissés à eux-mêmes, sans accès gratuit aux soins de santé. Et cela s’appliquera graduellement à une proportion plus large de la population.

Il y a trois ans, quand Brigitte Alepin a commencé à travailler sur son livre, elle se demandait si ce scénario n’était pas « peut-être trop poussé ». « Mais je regarde comment les choses s’enlignent, et je ne sais plus. Peut-être qu’il y a des gouvernements qui vont commencer à présenter des idées comme ça », s’inquiète-t-elle.

Un réseau de paradis fiscaux

Dans le roman, une clique de milliardaires forme une alliance de nouveaux pays indépendantistes. Ensemble, ils forment un réseau de paradis fiscaux qui contournent la réforme fiscale internationale. « Ces milliardaires-là voient le Québec et les régions indépendantistes comme une business, comme une opportunité. »

Mme Alepin dénonce aussi la « fausse charité » des milliardaires. Ceux-ci créent des fondations privées qui se disent « charitables », mais qui sont financées par des crédits et des exemptions d’impôt, donc par les fonds publics. En plus, la gestion de ces fonds reste entre les mains des milliardaires qui les ont « donnés ». « Elles ne sont pas toutes comme ça. Mais ces fondations-là sont une menaces à la démocratie », avertit la fiscaliste.

Dans le livre, les dirigeants de l’Alliance comptent utiliser ces fondations pour privatiser les services publics et les racheter. « J’ai essayé de mettre en place une histoire qui pourrait vraiment se passer, basée sur les lois en vigueur. »

L’autrice ne manque pas l’occasion de parler des écarts de richesse, qui s’apparentent à une « nouvelle forme d’esclavage ». « Les grandes fortunes ne paient pas leur juste part d’impôt. Pourtant, elles contrôlent les politiques publiques dans une certaine mesure. Mais nous, ce sont quoi nos droits ? »

Le défi d’écrire

Habituée aux chiffres, Mme Alepin a vu un nouveau défi dans l’écriture de son premier roman. « Il a fallu que je fasse un effort. Ç’a été difficile. Dans ma façon d’écrire, même comme fiscaliste, je m’en tiens toujours aux faits. L’imagination ne peut pas embarquer. C’est l’ennemi dans ma job. »

Le roman est passé par trois réécritures avant sa version finale, raconte l’autrice. « Ç’a l’air facile quand on lit. Mais c’est difficile d’écrire. Par contre, c’est probablement une des plus belles aventures professionnelles que j’ai faites dans ma vie. Je suis très contente, et j’ai tellement travaillé fort. […] J’aimerais ça continuer l’histoire. Je l’ai faite pour qu’elle ait trois tomes. J’adore écrire, surtout dans ma petite cabane à Val-David, avec mon gros poêle. »

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