Mettre K.O. son ego, ou le leadership selon Christian Genest
Par Simon Cordeau
Christian Genest a appris le leadership à la dure. Dans les années 1990, il était directeur général d’un club de striptease, où il collaborait avec des membres de la mafia et des gangs de motards. Par la suite, il a fondé la chaîne de restaurants Sushi Taxi, en 2002, dont la troisième succursale était à Saint-Sauveur, après Québec et Sainte-Foy.
« J’ai appris le leadership comme mécanisme de défense. J’avais appris en copiant ce que j’avais vécu dans les clubs de danseuses. Je pensais que c’était ça, être un patron. Mais plus tard, quand je me suis lancé [avec Sushi Taxi], malheureusement, ces réflexes-là étaient innés en moi. Et je me suis rendu compte que ça me nuisait énormément. Je perdais des employés et leur confiance », raconte-t-il.
Il a donc complètement changé son approche, pour passer de « petit boss » à « leader ». Il partage les leçons qu’il en a tirés dans son livre 12 rounds de leadership : Pour mettre K.O. le petit boss en soi, où il compare le leadership à la boxe, un sport qu’il pratique avec passion. « Comme boxeur, si tu montes sur le ring, c’est impossible de ne pas recevoir des coups. En leadership, c’est la même chose. »
Inspirer son équipe
Pour commencer, certains patrons ne comprennent pas bien leur rôle, croit M. Genest. « Ton rôle, ce n’est pas de gagner un concours de popularité. Ton rôle, c’est d’amener l’équipe à être en synergie, à se dépasser à un point tel qu’on va atteindre notre objectif. C’est de prendre les décisions en lien avec tes valeurs et tes objectifs. »
À cet égard, l’ego est « probablement le plus gros handicap ». « Avec un mélange de claques sur la gueule, de sagesse et d’apprentissages que tu reçois, tu apprends où est ton ego et comment le dompter. »
Ainsi, le leader est là pour inspirer son équipe et l’amener à se dépasser. Pour ce faire, il faut « mettre le pouvoir entre leurs mains ». « Le leader, ce n’est pas à lui de prendre toutes les décisions. En fait, il en prend le moins possible. Mais c’est à lui de vendre sa vision, d’influencer les choix et de mesurer les résultats », explique M. Genest.
Le boxeur souligne d’ailleurs que le leadership ne s’applique pas qu’en entreprise, mais s’exprime aussi au sein d’une gang d’amis, d’une famille, d’une équipe de hockey, comme politicien, etc. « Le rôle du leader, c’est d’être en avant quand ça va mal. Et quand ça va bien, c’est d’être en arrière et de laisser le succès à son équipe », illustre-t-il.
Pas besoin non plus d’être le meilleur joueur de l’équipe pour incarner un leader. « Mais ça implique d’être la personne qui prend soin de l’équipe. Quand il est là, c’est tellement plus facile, et le jeu augmente de niveau instinctivement. »
Encaisser les coups
Le livre de M. Genest compte 12 chapitres, ou 12 rounds, qui sont autant de leçons sur le leadership. La première concerne la connaissance et la gestion de soi. Puisque, comme il l’écrit : « Avant de gérer les autres, il faut apprendre à se gérer efficacement soi-même ».
L’entrepreneur admet que cela représente encore un « gros défi » pour lui-même. « J’ai un déficit d’attention solide, qui est médicamenté depuis l’adolescence. Mais ce n’est pas suffisant. Ça prend aussi une hygiène de vie, et faire du sport tous les jours. La boxe m’a beaucoup aidé à surmonter ça. »
Il rappelle aussi que le leader doit servir d’exemple, et que ses actions parlent plus fort que ses paroles. Il donne l’exemple de Reed Hastings, cofondateur de Netflix. « Il a dit qu’ici, les vacances sont illimitées. Tant que les projets rentrent, vous pouvez en prendre autant que vous voulez. Mais son cofondateur et lui n’ont pris aucune vacances en 4 ans et demi. Quel message t’envoie à l’équipe ? Que le travail est plus glorifié que la santé personnelle. »
« Tout ce que tu fais ou ne fais pas »
Le livre aborde aussi comment créer la confiance, pourquoi utiliser ses valeurs comme boussole, et comment définir ses quatre coups de base et les maîtriser. Ceux de Christian Genest sont le courage, l’empathie, la vulnérabilité et le tact.
Surtout, l’ouvrage souligne que le leadership est « un sport dangereux », qu’il faut pratiquer et peaufiner sans relâche. Après tout, « comme leader, tout ce que tu fais ou ne fais pas, que tu dis ou ne dis pas, joue pour ou contre toi », rappelle l’entrepreneur. « Tout envoie un message. »