L’inflation dans l’Histoire
Par Simon Cordeau
Même si on commence à peine à en comprendre les mécaniques, l’inflation fait partie de l’économie depuis toujours. Voici trois exemples dans l’Histoire où les États en ont été victimes malgré eux.
Les Romains contournent le problème
Lorsque Dioclétien devient empereur en 284, l’Empire romain vient de traverser un demi-siècle de crises politiques, économiques et militaires. Dioclétien doit faire une immense réingénierie de l’État pour permettre à l’Empire de survivre. Parmi les problèmes auxquels il fait face, il y a l’inflation.
Il s’attaque d’abord au « débasement » de la monnaie. Sous Auguste, le premier empereur, le denier est fait d’argent à plus de 95%. Lorsque Dioclétien arrive au pouvoir, le denier ne contient plus que 5% du précieux métal. L’empereur émet donc de nouvelles monnaies plus pures, pour rétablir la confiance du public. Toutefois, il ne retire pas vraiment les vieilles monnaies « débasées » de l’économie, donc le problème de l’inflation demeure entier.
Dioclétien décide donc de contourner le problème. Au lieu de payer leurs taxes en monnaie, les citoyens romains devront les payer en biens et en services. Pour ce faire, Dioclétien calcule tout ce dont l’Empire a besoin pour opérer pendant un an. Il produit d’ailleurs le premier budget annuel en Occident! Il divise ensuite cette charge fiscale à travers les contribuables. Vous pouvez donc payer vos « unités d’impôt » en contribuant du grain, en déplaçant des marchandises pour l’Empire ou en fournissant du textile pour faire les uniformes militaires, selon une table de conversion complexe.
Pour éviter que, dans ce nouveau système, tout le monde ne se mette à élever du bétail et que plus personne ne produise d’armes, par exemple, Dioclétien va même jusqu’à « figer » l’économie. Il oblige les nouvelles générations à faire le même métier que leurs parents, et interdit les déplacements entre régions sans autorisation. Il jette ainsi les bases du féodalisme, qui dirigera l’économie de l’Europe pour des siècles à venir.
Tout ça pour éviter que les finances de l’Empire ne passent par la monnaie, qui est victime de l’inflation.
Les Espagnols se ruinent
En 1519, Charles Quint est l’homme le plus puissant d’Europe. Il contrôle l’Espagne et ses riches colonies en Amérique, les Pays-Bas, le Sud de l’Italie et les vastes territoires des Habsbourg en Autriche, en Allemagne et en Europe de l’Est. Mais les galions remplis d’or et d’argent qui arrivent du Nouveau Monde causeront, en fait, sa ruine.
L’arrivée massive de métaux précieux cause d’abord une montée des prix en Espagne, qui s’étend ensuite dans toute l’Europe. Entre temps, Charles Quint s’engage dans de nombreuses guerres pour défendre son vaste empire du protestantisme, des rébellions et de l’expansion des Ottomans. Il emprunte massivement et croit qu’il pourra rembourser ses dettes grâce aux richesses « conquises » des Aztecs et des Incas. Mais l’inflation fait aussi augmenter le coût de la guerre et, bientôt, les taux d’intérêt augmentent également!
Charles Quint abdiquera en 1556, laissant derrière lui un empire croulant sous les dettes et divisé entre son fils et son frère. L’Espagne devra même déclarer faillite.
Les Allemands impriment
Après la Première Guerre mondiale, l’Allemagne doit non seulement rembourser la dette accumulée durant la guerre, mais aussi payer des réparations monétaires aux vainqueurs.
Pour ce faire, elle doit convertir sa propre monnaie, le papiermark, en monnaies étrangères. Mais le papiermark perd peu à peu de sa valeur. La république de Weimar décide donc d’imprimer plus d’argent, pour acheter plus de monnaie étrangère. Bien sûr, cela ne fait qu’accélérer la dépréciation du papiermark. L’inflation se transforme bientôt en hyperinflation. Pour « remédier » à la situation, le gouvernement imprime des notes de plus en plus grosses, ce qui exacerbe le problème.
En 1922, une miche de pain coûte 160 Marks. Un an plus tard, elle coûte 200 milliards de Marks. Si vous aviez des économies de côté, en un an à peine, elles ne valent plus rien.