La pénurie de main-d’oeuvre expliquée
Par Simon Cordeau
Avec le déconfinement bien entamé, plusieurs entreprises de la région ont beaucoup de difficulté à trouver du personnel. Qu’est-ce qui explique cette pénurie de main-d’oeuvre? Discussion avec Jean-François Tremblay, professeur au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
« C’est essentiellement un phénomène démographique, dû au vieillissement de la population. C’est aussi conjugué aux efforts de développement de la société québécoise. On produit des biens et des services, donc il y a une adéquation entre le nombre de personnes disponibles et nos capacités productrices, qui sont excellentes », explique d’entrée de jeu M. Tremblay.
Le professeur précise que la pénurie touche davantage certains secteurs économiques, en particulier ceux qui demandent une main-d’oeuvre peu qualifiée ou qui sont plus exigeants physiquement. Le phénomène s’observe aussi ailleurs dans le monde, comme aux États-Unis et dans d’autres sociétés occidentales.
« Jusqu’à un certain point, ça veut dire que la société est en santé, qu’elle se développe bien. C’est quelque chose qui est réjouissant. Mais certainement, les employeurs font face à des défis », relativise M. Tremblay.
Prudence
Le professeur insiste cependant qu’il faut demeurer prudent. « Il ne faut pas statuer sur l’état de l’économie québécoise à la lumière des derniers mois. »
Le contexte actuel est exceptionnel en raison de la pandémie. Les gouvernements sont intervenus massivement dans l’économie. Certaines personnes ont choisi de ne pas travailler, pour ne pas s’exposer à des risques sanitaires, ou pour retourner aux études grâce à l’enseignement à distance, par exemple. « Le secteur de la restauration est bien particulier. Il a été très affecté par la pandémie, et a connu un effet de yoyo : ouvre, ferme, ouvre, ferme. Pour quelqu’un qui se cherche un emploi et qui veut de la stabilité, ce n’est pas évident », illustre M. Tremblay.
La réalité post-pandémique sera aussi différente. Des entreprises ont disparu, donc leurs travailleurs seront de nouveau disponibles. Il y aura aussi de nouveaux besoins, et donc de nouvelles opportunités.
Plusieurs stratégies possibles
« C’est sûr que, dans un premier temps, la situation est favorable aux travailleurs. Ils sont en demande, donc il y a une pression à la hausse sur les conditions de travail, comme le salaire », reconnaît le professeur.
Toutefois, les employeurs peuvent se tourner vers d’autres solutions pour pallier la pénurie. Par exemple, ils peuvent automatiser certaines tâches et moderniser leurs équipements. Ils peuvent aussi sous-traiter ou externaliser certaines tâches. « La solution du Conseil du patronat du Québec, c’est d’avoir plus de main-d’oeuvre en augmentant l’immigration », donne en exemple M. Tremblay.
Le professeur admet que l’exercice peut être plus difficile dans certains secteurs, comme en restauration. Mais il existe des stratégies, comme revoir sa culture d’entreprise, augmenter la qualité des rapports humains et de l’ambiance de travail, ou changer son offre de services. « Au lieu de servir déjeuners, diners et soupers toute la semaine, on peut cibler certains moments dans la semaine ou dans la journée. »