La PCU: Nécessaire malgré ses lacunes
Par Simon Cordeau
La Prestation canadienne d’urgence (PCU) a essuyé de nombreuses critiques durant son existence. Pourtant, son implantation était nécessaire pour supporter les millions de chômeurs créés par le premier confinement, et pour éviter l’effondrement de l’économie. C’est ce que défend Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses, dans son ouvrage La crise et le filet social : Pourquoi la droite n’aime pas la PCU.
Dès les premiers jours de la crise sanitaire, à la mi-mars 2020, le système d’assurance- emploi s’effondre. Les lignes téléphoniques sont pleines, le système informatique tombe en panne et les bureaux ferment. « Les fonctionnaires paniquaient », relate M. Céré.
« Nous avons tous été très surpris. Historiquement, le régime n’a jamais connu un choc aussi brutal durant ses 80 ans d’histoire. C’était similaire à la Grande Dépression des années 1930. On ne comptait plus les mises à pied par milliers, mais par millions », poursuit l’auteur.
Le système d’assurance-emploi avait été fragilisé ces dernières décennies, explique M. Céré. Depuis les années 1990, des compressions et des réformes ont réduit la couverture et les protections des travailleurs, en plus de complexifier l’analyse des demandes.
Résultat : d’un coup, des millions de Canadiens se trouvent sans emploi… et sans soutien financier.
Implanté dans l’urgence
Le gouvernement fédéral a alors besoin d’un programme pour remplacer en urgence l’assurance-emploi. Celui-ci doit être simple, rapide à implanter et baser sur la bonne foi (pour éviter les délais liés à la vérification des millions de dossiers). « Le gouvernement n’avait pas d’autre choix. Il était acculé au mur. En situation de crise, ça prend des mesures extraordinaires. »
Ainsi est annoncée la Prestation canadienne d’urgence (PCU), le 25 mars 2020. « Il y a des gens qui ont mis la main à la pâte pour créer un programme de toutes pièces. Il y avait tellement de demandeurs qu’ils ont dû s’inscrire par ordre alphabétique! Tout le monde a retenu son souffle. Est-ce que ça va marcher? Parce que si ça ne marchait pas, ça n’allait pas bien. Heureusement, la machine a tenu », raconte M. Céré.
Entre mars et septembre 2020, ce sont 8,9 millions de personnes qui feront appel à la PCU à travers le pays, sur une population active de 20 millions de personnes. « Ç’a aidé bien du monde et ç’a sauvé l’économie. Sans une injection massive directe aux chômeurs, qui retournent l’argent tout de suite dans l’économie pour payer leurs factures, ç’aurait été terrible. »
M. Céré rappelle que la plupart des Québécois ont une marge de manoeuvre financière restreinte, qui se limite souvent à une ou deux paies.
Critiques
M. Céré admet bien que la PCU a eu ses bavures, dont une grande confusion autour des critères d’admissibilité. Il trouve cependant qu’on lui reproche injustement bien des choses, comme la pénurie de main-d’oeuvre, en particulier pour les emplois au salaire minimum.
« La pénurie de main-d’oeuvre était déjà prévue par les économistes depuis plusieurs années, et elle sera là durant les dix prochaines années au moins. C’est le lot de l’ensemble des sociétés industrialisées. » M. Céré donne en exemple la Chine, le Japon, l’Europe et les États-Unis, aussi aux prises avec le vieillissement accéléré de leur population.
« Mais la droite économique préfère s’en prendre à la PCU. On s’attaque à la dignité des gens. Pourtant, on ne bâtit pas notre vie avec un salaire minimum ou un chèque de chômage », déplore-t-il.