Fiscalité mondiale: Victoire et défis

Par Simon Cordeau

Le 21e siècle offre des défis nouveaux et complexes pour nos systèmes fiscaux. Et les pays du monde entier devront travailler de concert pour les surmonter. Discussion avec Brigitte Alepin, fiscaliste renommée et professeure au Campus de Saint- Jérôme de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Il faut adapter la fiscalité au commerce électronique, alors qu’elle est conçue pour du commerce physique traditionnel. Il faut des outils pour faire face à la crise environnementale. « On n’a pas encore réussi à implanter une taxe carbone mondiale », déplore la fiscaliste. Il faut considérer la robotisation grandissante de notre économie, et la « concurrence fiscale déloyale » que font les robots aux employés humains.

Même la fiscalité de l’espace est à considérer, alors que les entreprises privées investissent dans sa commercialisation et prévoient la colonisation de Mars dans les prochaines décennies. « Ce n’est pas la priorité, mais il ne faut pas attendre trop », précise Mme Alepin.

La fiscalité actuelle n’est pas tout à fait neutre non plus, puisqu’elle est moins avantageuse pour les femmes, souligne la professeure.

Victoire sur la concurrence fiscale mondiale

Même s’il y a beaucoup de pain sur la planche, Mme Alepin se réjouit que les pays s’attaquent enfin à la concurrence fiscale mondiale. Le principe d’un impôt minimum mondial sur les entreprises a été adopté par 137 pays et juridictions dans le monde, dont tous les pays du G20. « Ça représente 90 % de l’activité mondiale. C’est incroyable! On pensait que les pays n’accepteraient jamais. »

À propos de TaxCOOP: Fondé par Brigitte Alepin, Allison Christians, Lyne Latulippe et Louise Otis, TaxCOOP vise à favoriser une vaste collaboration et une profonde réflexion sur la concurrence fiscale mondiale. Les contributions de l’ouvrage Coordination and Cooperation proviennent du sommet fiscal TaxCOOP2020.

« Ce qui est génial, c’est qu’en signant, le pays ne perd pas de son autonomie ou de son indépendance. Il n’a pas à partager ses revenus avec d’autres pays, et il n’y a pas besoin d’une structure internationale pour gérer le tout. Les pays ont tout à gagner, et peu à perdre », explique la fiscaliste.

Ainsi, c’est mission accomplie pour TaxCOOP. L’organisation, qui avait tenu la plus grande conférence sur la fiscalité mondiale en 2020, cessera donc ses activités. « Ç’a été difficile de laisser parti notre bébé, mais c’était le moment de le faire. J’ai pleuré à plusieurs rencontres. J’ai traversé la planète pour ça, j’ai couché dans des aéroports. J’ai dormi dans ma voiture à Washington, je me maquillais dans un « rest area », puis j’entrais à la Banque mondiale. J’ai tout donné ce que je pouvais », raconte Mme Alepin.

« Dangereux pour nos démocraties »

La fin de TaxCOOP ne signifie pas pour autant un répit pour Mme Alepin. « Il y a tellement d’autres enjeux urgents pour lesquels personne ne fait rien. On veut continuer avec d’autres projets pour soulever d’autres enjeux. »

Entre autres, la fiscaliste insiste sur l’importance de taxer davantage les milliardaires et leur empreinte carbone. « Il n’y a aucune justification qu’une personne milliardaire ne paie pas sa juste part d’impôt. Nous ne sommes plus en France avant la Révolution, où les seigneurs ne payaient rien », illustre-t-elle.

En particulier, Mme Alepin se consacre maintenant à la fiscalité de la charité. « Il y a des milliardaires qui se vantent d’être de grands philanthropes, mais ils retournent moins à la société que ce que la société leur retourne en impôt. […] C’est dangereux pour nos démocraties. » Il y a 1 000 milliards de dollars qui dorment dans les fondations privées en Amérique du Nord, déploret- elle.

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