Encore la PCU

Par Jean-claude-tremblay

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Il ne se passe pas une semaine sans qu’un entrepreneur ne se plaigne (encore) des largesses du Fédéral et son programme d’aide (PCU), qui exacerbe une crise de main d’œuvre qui était déjà dévastatrice.

80 milliards de dollars, c’est ce que ce programme d’aide a coûté jusqu’ici. L’opinion des économistes est partagée sur la question de cette dette et de ses conséquences à long terme sur l’économie, mais les entrepreneurs eux, sont solidaires et sans équivoquent : cette mesure, nécessaire au début, les prive depuis des mois d’une main-d’œuvre qui est essentielle à la poursuite de leurs opérations, voir même, à la survie de leurs entreprises.

« Les jeunes qui travaillent pour moi me l’ont carrément annoncé sans gêne ni détour… ils m’ont dit qu’ils préféraient rester chez eux pour profiter des allocations de 2000 $ par mois du fédéral et qu’ils allaient peut-être revenir après », me raconte Gilbert, qui exploite une entreprise en paysagement. Même son de cloche du côté de Brigitte, restauratrice, qui devra fermer ses portes, faute de main d’œuvre, plusieurs de ses employés (jeunes et moins jeunes) ayant décidé de rester chez eux pour profiter du programme.

Le droit… ou la morale ?

« Non seulement ça ne me dérange pas que mes enfants en profitent, mais en plus, je les encourage, c’est absolument légal ! », me raconte ce professionnel fortuné, père de 3 ados qui ont tous pu se qualifier pour le programme, et choisis de rester chez eux en passant à la caisse. Au bas mot, c’est 6000 $ par mois de plus qui entre dans le foyer familial dont le revenu se situe aux alentours de 350 000 $ par année. Les deux bras me sont tombés… puis je me suis demandé si c’était moi qui étais plus catholique que le pape, ou si mon profond malaise était justifié. La vérité, c’est que ce monsieur a raison sur un point : c’est techniquement légal. Mais la question demeure, est-ce que tout ce qui est légal est moral ? Poser la question c’est y répondre.

Est-ce acceptable de profiter ainsi du système, et par ce type de geste résolument égoïste, priver les entrepreneurs de main d’œuvre et menacer la pérennité de leurs commerces ? Oui on peut critiquer (à juste titre) le gouvernement pour son laxisme et son coûteux manque de rigueur, mais ça n’excuse pas la carence de bienveillance envers la collectivité et l’absence de jugement personnel.    

Une question de valeur

Traitez-moi de vieux jeu, mais je pourrais tolérer que mes enfants un jour s’assoient sur leur derrière et flânent à la maison le temps de collecter leur chèque au lieu d’aller travailler s’ils en ont la capacité – ce n’est pas une question légale, c’est une question de valeur personnelle. D’ailleurs, je sens le besoin de nuancer : je crois qu’on a abondamment parlé des profiteurs de cette crise sanitaire via la PCU, et associé trop souvent (uniquement) des jeunes. On semble avoir oublié que d’une part, nombreux sont les adultes tricheurs, et d’autre part, plusieurs jeunes ont travaillé dur, tenant courageusement le fort pour les autres – on n’a qu’à penser aux épiceries au sommet de la crise.   

Dans un cas comme dans l’autre, je crois aussi que les parents ont une responsabilité dans cette affaire. Dire des phrases comme « mon jeune fait ce qu’il veut c’est lui qui décide » est trop facile. S’il y a tant d’abus, est-ce qu’il serait sage d’au moins se questionner à savoir sur qui les jeunes prennent exemple ? On a, et on continuera d’avoir la génération que l’on mérite – à nous (tous) de se lever et montrer l’exemple – les valeurs, et plus précisément leur transmission, comme dans le cas présent, ont une incidence directe sur l’économie.

La manière de faire des affaires ne sera plus jamais pareille après cette pandémie. Les commerces devront certes se réinventer, explorer de nouvelles façons de faire et de servir une clientèle exigeante dans un marché avec une main d’œuvre restreinte. Plus que jamais, on devra miser d’abord sur la fidélisation du personnel, et l’embauche, quant à elle, ne se fera plus sur des bases strictement techniques, mais bien sur des valeurs communes, propres à l’organisation.

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