Des artistes talentueux et polyvalents
Par Ève Ménard
La caricature au Québec est un domaine exigeant et précaire. Étant peu reconnu dans le milieu artistique, les tribunes et les perspectives d’avenir se font rares. Pourtant, on y découvre des artistes extrêmement talentueux, mais méconnus. Bien souvent, ils combinent même plusieurs formes d’art pour joindre les deux bouts.
On discute du métier avec les caricaturistes Robert Lafontaine et Evelyne Arcouette, à l’aube du Festival 1001 Visages de la caricature qui aura lieu du 9 au 11 octobre à Val-David.
Créer une tribune
Robert Lafontaine commence sa carrière par la caricature éditoriale. Ce travail à la pige étant plutôt irrégulier, il n’a d’autres choix que d’ajouter à son horaire de l’animation à des festivals, des rencontres culturelles ou encore des partys de bureau. En parallèle, il fait de l’aquarelle et il écrit. « Comme plusieurs caricaturistes, nous devons être versatiles pour gagner notre vie », souligne-t-il. « Les caricaturistes ont une imagination très fertile. Tu ne peux pas vivre seulement de la caricature, donc ce sont aussi des gens en publicité, en décor, en sculpture, en théâtre. Ils ont énormément de compétences artistiques. »
Faute de tribune pour exposer le travail remarquable des artistes, Robert Lafontaine fondait il y a 15 ans le Festival 1001 Visages de la caricature. Celui-ci a pour objectif principal de mettre en évidence le travail des caricaturistes et de familiariser le public à celui-ci. On y rassemble tous les types de caricaturistes, créant ainsi un milieu créatif extrêmement riche en plus coeur de Val-David, qui accueille l’évènement depuis une dizaine d’années.
Naissance d’une passion
Résidente des Laurentides, Evelyne Arcouette est l’invitée d’honneur du festival cette année. Cette illustratrice et caricaturiste reconnue internationalement a développé sa fibre artistique très tôt. « Toute petite, les enfants allaient jouer au ballon chasseur dans la ruelle. Moi, je prenais des photos de ma famille et je les dessinais avec mes nouveaux crayons Prismacolor », se remémore-t-elle.
Après avoir complété un DEC en arts plastiques et amorcé brièvement un baccalauréat en éducation, elle choisit finalement de voler de ses propres ailes. Majoritairement autodidacte, elle commence à faire de l’illustration. De fil en aiguille, elle travaille en cinéma d’animation, illustre des livres pour enfants et des manuels scolaires, et offre des cours de dessin. Puis, pendant cinq ans, elle se réoriente pour profiter d’un emploi plus stable : elle devient peintre de bâtiments. Des problèmes au dos la pousseront finalement à un arrêt de travail.
Vous pouvez admirer le travail d’Evelyne Arcouette sur ses pages Facebook et Instagram.
C’est alors qu’elle renoue avec l’art. La caricature entre dans sa vie autour de 2010. Elle se spécialise surtout dans ce qu’on appelle des « portraits-charge » (voir les photos), que la caricaturiste réalise de manière numérique.
En 2012, Evelyne devient membre de 1001 Visages. Elle développe aussi son réseau de contacts. Certaines de ses oeuvres paraissent même dans des éditions européennes sur la caricature. Aujourd’hui, elle est reconnue à l’international au sein de la communauté caricaturiste. Ironiquement, elle n’est pas vraiment connue du public québécois.
Où sont les femmes?
« Il y a beaucoup de personnes qui font de la caricature, mais peu d’élus », reconnaît Evelyne Arcouette. Elle donne l’exemple de Serge Chapleau ou tous ceux qui ont un beau poste permanent dans les journaux. « Et ce sont tous des hommes », remarque-t-elle. En effet, le milieu de la caricature semble encore plus difficile à percer pour les femmes. Dans un reportage publié sur Radio-Canada en 2019, on soulignait qu’au Québec, aucun grand média n’emploie de femme caricaturiste. Une seule au Canada avait alors été répertoriée : Susan Dewar au Ottawa Sun.
D’ailleurs, Evelyne Arcouette est la première femme à recevoir le titre d’invitée d’honneur au Festival des 1001 Visages de la caricature. Après avoir vu défiler 14 hommes à ce rôle, elle ne se voyait pas refuser une telle proposition.