Vers la fin des campements au parc
Par France Poirier
Un campement de personnes itinérantes a été érigé, la semaine dernière, où l’on retrouve près d’une vingtaine de tentes, à l’arrière du parc Henri-Daoust. Le conseil municipal de Saint-Jérôme a adopté un règlement afin d’interdire les campements dans les lieux publics, le 13 octobre dernier.
« Il n’y avait pas de règlement, n’importe qui pouvait camper n’importe où à Saint-Jérôme. On doit s’assurer de la sécurité des gens. Il va y avoir un travail de consultation avec le CISSS et la Ville (nos policiers) et on va intervenir avec diligence au parc où se trouve un campement », a souligné le maire Marc Bourcier.
En date du 17 octobre, les tentes étaient toujours en place.
« Pour le moment, le campement n’a toujours pas été démantelé. Au Service de police, nous continuons à ne pas tolérer les incivilités dans le parc et nous voulons maintenir un équilibre entre la quiétude du voisinage et permettre aux ressources communautaires de diriger le plus de gens possible vers les ressources appropriées », explique l’inspecteur Kim Vanier du Service de police de Saint-Jérôme.
« Nous effectuons une patrouille bienveillante au parc Henri-Daoust quotidiennement pour nous assurer que la sécurité de tous ne soit pas compromise. Il n’y a pas de dates prévues pour le moment, pour un éventuel démantèlement », ajoute Kim Vanier.
Avec l’arrivée du temps froid, les personnes pourraient tenter de se réchauffer avec des bruleurs, explique le maire. Certaines pourraient souffrir d’hypothermie et même mourir. « Ce n’est pas une solution. Des brûleurs pourraient mettre en danger les personnes. Comme conseil, on ne peut pas laisser aller ça. Il y a un équilibre entre la sécurité des itinérants et celle des citoyens », ajoute-t-il
« Il ne faut pas nourrir l’itinérance »
Selon le maire, il y a suffisamment de place à La Hutte ou dans d’autres ressources. « Donner des sandwichs et les laisser dehors, ce n’est plus une avenue, sans compter qu’il y a une infiltration de gens malveillants », explique le maire.
Le Journal a tenté de savoir d’où venaient les tentes. « Les tentes n’ont pas été achetées par le Book. Je ne sais pas d’où elles viennent. Je pense que c’est une décision d’un citoyen qui aurait pu acheter des tentes », a affirmé la fondatrice du Book humanitaire, Rachel Lapierre.
Elle ajoute avoir fait une entente avec le CISSS pour faire un recensement des personnes itinérantes afin d’évaluer le besoin de chacun. « Le campement va être démantelé. Le CISSS nous donne le temps de les relocaliser le plus rapidement possible. On travaille avec le groupe Espoir du CISSS. On fait du mobile et on va à leur rencontre. Le but n’est pas d’attirer des gens pour faire un événement », se défend Rachel Lapierre.
« Il ne faut pas juste les nourrir et les laisser dehors, sans encadrement et entretenir l’itinérance. Il faut les accompagner. » – Marc Bourcier
Collaboration difficile
« C’est certain que lorsque les gens sont nourris, vêtus et qu’ils peuvent aller au chaud sans règle, sans encadrement, comme le propose le Book humanitaire, ils choisissent ça. Ça nuit au travail des autres organismes. Ce qu’on entend dans le milieu de l’itinérance, c’est : ‘’Vous pouvez aller à Saint-Jérôme, vous serez nourris, on répond à vos besoins et on ne vous pose pas de question. Vous pouvez faire ce que vous voulez’’ », explique un intervenant qui préfère rester anonyme.
Certains intervenants d’organismes nous ont confié qu’il est difficile de travailler avec le Book humanitaire puisqu’il établit ses propres règles. « Le problème c’est que tout le monde peut utiliser les services du Book, puisqu’il n’y a pas de règle. Par exemple, les organismes demandent une preuve de faible revenu pour recevoir de l’aide alimentaire ou autres, alors qu’au Book, on ne fait pas ces vérifications. C’est contre-productif », estime une intervenante.
« Le parc Henri-Daoust ne fait plus partie des arrêts de l’unité mobile du Book depuis aujourd’hui (vendredi). Nous espérons que tous les gens seront pris en charge par les services adéquats », a fait savoir Rachel Lapierre par texto. « Au bout du compte, on veut que tout le monde mange et soit au chaud. »
Ne pas tolérer l’inacceptable
Rachel Lapierre affirme que son organisme s’occupe du bas seuil. Qu’est-ce que le bas seuil ? Le directeur de La Hutte, François Savoie, explique : « Quand on parle de bas seuil, c’est associé à l’admissibilité dans les ressources, c’est le moins de règles, le moins de barrières pour entrer dans la ressource. Quand on parle de haut seuil d’admissibilité, on parle par exemple des enjeux associés à la méthadone, qui est un programme pour arrêter la consommation d’opioïdes. »
À La Hutte, on accueille les personnes qui ont des problèmes de consommation ou des problèmes de santé mentale. « Si une personne arrive en état d’ébriété ou de consommation, ce n’est pas un frein ou une contrainte à venir dans notre ressource. On l’accueille, ça fait partie de nos défis. Mais je ne tolérerai pas que des gens viennent ici se frapper dessus, qu’ils viennent s’injecter, pour leur propre sécurité et la sécurité des autres que j’accueille », ajoute M. Savoie.
« Ce que l’on fait comme organisme est accolé aux Meilleures pratiques en itinérance, auxquelles on a contribué, et à la vision du Plan ministériel d’intervention en itinérance, auquel on a aussi collaboré. On arrive avec une expertise en itinérance. On vient déployer nos services », poursuit François Savoie.
« On les nourrit artificiellement, on se donne bonne conscience. C’est bien les dortoirs, les drops in, mais il y a plus que ça. C’est bien beau les nourrir et les mettre à l’abri, mais il faut leur apprendre à pêcher leur poisson et à le faire cuire. Il faut les responsabiliser. On est en période de changement de culture et de paradigme. Derrière chaque personne itinérante, il y a un frère, une sœur, un enfant, un parent », souligne le directeur de La Hutte.