Une réconciliation à repenser 

Par Frédérique David

Le 30 septembre était, pour la quatrième année, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Qu’en est-il, dans les faits, de notre rapport avec les Autochtones ? Que signifie cette journée pour les non-Autochtones ?

Ne devrait-on pas en faire une véritable journée fériée pour que tous sachent vraiment ce que l’on souligne le 30 septembre, pas seulement les employés de l’État, les employés des banques et des bureaux de poste ? Ne devrait-on pas prendre le temps, s’arrêter, lire, écouter, se raconter et marquer une minute de silence, tous, ensemble, collectivement ? Ne devrait-on pas rendre cette journée plus significative, parce qu’ils le méritent, parce qu’on y aspire, parce qu’on devrait bien plus se rappeler des luttes douloureuses des Autochtones que des combats des travailleurs pour la journée de huit heures marquant la fête du Travail.

La pertinence et la priorité des journées fériées ont évolué avec le temps, avec l’évolution des mœurs, avec les traumatismes laissés par l’histoire, leur reconnaissance tardive et leur pardon nécessaire, avec ce « nous » actuel qui porte d’autres cicatrices qu’il y a 50 ou même 20 ans, d’autres responsabilités collectives, d’autres devoirs de mémoire.

Ce que nous avons retenu

Il suffit de parler autour de nous pour réaliser que peu de personnes savent réellement ce que signifie la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ou encore la Journée du chandail orange, célébrée le même jour pour sensibiliser aux conséquences intergénérationnelles des pensionnats et souligner que « chaque enfant compte ». La journée commémorative du 30 septembre n’existe que depuis quatre ans et il y a encore du chemin à parcourir pour qu’elle soit associée, chez les non-Autochtones, à un devoir de s’informer et d’apprendre ce que les Autochtones ont subi.

Je me souviens, en 2015, au moment de sa parution, avoir lu Les survivants s’expriment, un des rapports de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. J’ai été bouleversée. Comment ne pas l’être ? Il s’agissait d’enfants, il s’agissait de familles marquées à jamais et sur plusieurs générations, il s’agit d’une violence dont on ne soupçonne pas l’ampleur, même après des lectures aussi douloureuses.

« Ils sont venus dans le village. Ils ont bousculé les gens. Ils ont menotté ceux qui pêchaient. Ils ont détruit les filets. Ils ont battu des personnes. Ils ont appelé nos femmes des bâtardes, des putains. Ils ont pissé devant les gens, devant les enfants », raconte Alanis Obomsawin, Waban-Aki (Musée McCord Stewart).

Il est de notre responsabilité à nous, les non-Autochtones, de lire les rapports de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, d’être informés, de mieux comprendre, mesurer, peser et partager cette douleur encore présente, parce qu’elle fait malheureusement partie de notre histoire. Nous leur avons donné cette parole si chère dans leur culture où la transmission passe par l’oral, nous les avons libérés en leur permettant enfin de s’exprimer, il faut maintenant les lire, les écouter.

Un devoir d’apprendre

Et au-delà des pensionnats et des activités autour de la Journée du chandail orange, il y a cette culture si riche dont les Autochtones ont été dépossédés et que les non-Autochtones connaissent si peu. Là encore, il y a du chemin à parcourir.

Il faut lire Naomi Fontaine, Maya Cousineau Mollen, Natasha Kanapé Fontaine, Michel Jean, An Antane Kapesh, Joséphine Bacon et tant d’autres. Il faut regarder Le mur invisible, Tuer l’indien dans l’enfant et l’incontournable et magnifique documentaire Je m’appelle humain. Il faut aller voir la riche et bouleverante exposition Voix autochtones d’aujourd’hui : savoir, trauma, résilience, au Musée McCord Stewart à Montréal. Il faut écouter le balado Laissez-nous raconter : l’histoire crochie. Il faudra aussi, bien sûr, revoir le récit national pour que les Autochtones y soient inclus à la hauteur de leur contribution dans l’histoire du Canada.

« Sur la mer déferlante / Tes constellations guident / Les naufragés du quotidien / Qui se contentent d’exister »

– Maya Cousineau Mollen dans Enfants du lichen

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