Un groupe d’action contre le racisme
Par Journal-le-nord
Le gouvernement de François Legault a annoncé le 16 juin dernier la formation d’un groupe d’action contre le racisme. Celui-ci sera coprésidé par Nadine Girault, ministre des Relations internationales et de la Francophonie et députée de Bertrand, et Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux. Il sera composé de cinq autres députés ou ministres, dont Sylvie D’Amours, ministre responsable des Affaires autochtones et de la région des Laurentides. Leur rôle consistera à trouver des actions que le gouvernement pourra appliquer rapidement, dès l’automne, pour améliorer la situation du racisme chez les minorités visibles. Le mandat du groupe se déploiera sous trois phases; tout d’abord, identifier les secteurs nécessitant prioritairement des mesures; ensuite, consulter et rencontrer des personnes, des groupes ou des associations afin de prendre en compte les réalités vécues sur le terrain; enfin, élaborer et dévoiler une série d’action spécifiques qui mèneront à des résultats.
« Au niveau du racisme, il faut que ça bouge » -Nadine Girault
Ève Ménard (initiative de journalisme local) – « C’est une grande fierté », affirme Nadine Girault au sujet de la création du groupe d’action et de son rôle au sein de celui-ci. « Dans le cadre du racisme, il y a des dizaines et des dizaines d’analyses, d’études, de rapports qui ont été faits et qui sont sur des tablettes quelque part. Nous, ce n’est pas ce qu’on veut faire; nous voulons vraiment mettre des actions en place. Si le premier ministre m’avait dit qu’il souhaitait partir une commission, j’aurais dit non merci. Mais là, c’est quelque chose de court, de très rapide et en même temps, de très productif », assure la ministre.
Un projet différent
Depuis l’annonce de lundi, Mme Girault raconte justement avoir lu beaucoup sur le sujet. « Il y a des rapports qui s’étendent. C’est intéressant, mais il y en a qui sont très philosophiques, ou encore qui ont des recommandations excessivement larges. Mais quand on fait des recommandations larges, on ne touche à rien de particulier », souligne-t-elle. La ministre ajoute que dans le cas du groupe d’action, l’objectif est de se concentrer sur des enjeux et des secteurs précis – elle donne l’exemple de l’accès à l’emploi et du profilage racial – afin de proposer des actions qui mèneront à des changements concrets. « Nous voulons changer les choses et nous ne pouvons pas changer les choses en six ou sept ans. Au niveau du racisme, il faut que ça bouge. »
Plusieurs groupes se sont déjà manifestés afin de participer au processus et d’offrir un point de vue éclairant au sujet des réalités vécues en lien avec le racisme au Québec. « Il y a encore du scepticisme; des gens qui se disent qu’il s’agit encore d’un autre groupe. Mais la majorité des gens qui ont levé la main et qui veulent nous parler ont vraiment l’impression que ça va bouger et que c’est différent ».
Deux plafonds de verre
Étant une femme noire qui a fait carrière en affaires, Nadine Girault a rapidement compris ce qu’impliquait d’être non seulement une femme, mais aussi une personne de couleur dans son domaine et dans la société. Bien qu’elle se considère aujourd’hui choyée d’occuper son poste et d’avoir eu de belles opportunité de carrière, elle reconnaît « qu’il y a eu des moments qui ont été très très difficiles. Je l’ai vécu le plafond de verre. Ce que les femmes ont vécu depuis des années et qu’elles vivent encore, je l’ai vécu en double », affirme la ministre.
Aujourd’hui, elle trouve réconfortant et impressionnant d’être témoin de cette mobilisation mondiale en soutien aux minorités visibles. « En même temps, je suis contente que les gens réalisent maintenant qu’assez c’est assez. Ça suffit. »
« C’est du racisme point à la ligne »
Mme Girault souhaite tout de même qu’au sein du débat, une distinction soit faite entre le Québec et les États-Unis. « Ce n’est pas du tout la même dynamique. Nous n’avons pas le même historique, nous n’avons pas le même environnement. Il ne faut pas se comparer, mais par contre, nous avons quand même des choses à faire ici au Québec parce qu’il y a encore du racisme, c’est certain. »
Au sujet du débat entourant le racisme systémique au Québec, Nadine Girault souhaite davantage que l’énergie soit mise sur l’action. « Nous ne voulons pas passer du temps à décrire et à essayer d’expliquer la sémantique. J’en ai vécu du racisme dans ma carrière et je ne me suis pas demandé c’était quel type de racisme. C’est du racisme point à la ligne. C’est là-dessus que nous allons travailler, sur les vécus de gens par rapport aux actes, aux paroles et aux gestes racistes. »
Une question de volonté
Au sujet de l’accès à l’emploi, un secteur sur lequel le groupe travaillera, la ministre souligne que selon elle, une meilleure diversité se résulte en une meilleure performance, une meilleure proximité avec la population et une meilleure écoute. Reste que cela prend aussi une certaine volonté. Elle fait le lien avec la lutte pour l’égalité des genres, en soulignant qu’à son arrivée au ministère, ses chefs de poste étaient majoritairement des hommes. « Quand un ou une partait, tout ce qu’on me présentait, c’était des CV d’hommes. À la journée de la femme en 2019, j’ai déclaré que je voulais la parité. Un an plus tard, j’ai la parité; j’ai même plus de femmes comme chef de poste que d’hommes ». Mais pour se faire, elle raconte avoir souvent retourné des curriculum vitae qu’on lui présentait en exigeant qu’il y ait aussi des femmes considérées pour le poste. « Revenez-moi avec des CV de femmes », disait-elle. Et quand on lui mentionnait que c’était difficile à trouver, elle répondait : « Trouvez-moi en, et effectivement, quand ils en cherchaient, ils en trouvaient ».
Nadine Girault affirme maintenant débuter le même processus avec cette fois, les minorités visibles, elle qui dit mener ses batailles une à la fois. Pour que ces batailles soient gagnées, il faut non seulement que quelqu’un les mène, mais que cette personne soit aussi supportée dans ses démarches.
Sylvie D’Amours et l’inclusion des peuples autochtones
Marie-Catherine Goudreau – Sylvie D’Amours aborde les enjeux des peuples autochtones liés au racisme et la manière dont ils seront inclus dans le groupe d’action.
Des outils précieux entre les mains du ministère
Lors de l’entrevue du 18 juin, le groupe n’avait pas encore les détails sur les actions concrètes dont parle le premier ministre, toutefois elle affirme que leurs actions seront basées sur les différents rapports qui ont été déposés durant la dernière année, notamment la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (Commission Viens) et le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Plusieurs recommandations ont été faites au gouvernement suite à ces rapports, on note par exemple la reconnaissance d’un statut similaire aux organisations policières du Québec pour les corps policiers autochtones ou bien l’accroissement de l’accès à des services en santé et services sociaux pour les Autochtones. « Ces deux rapports sont des outils précieux qui serviront grandement pour les travaux que nous allons faire avec le groupe. »
La ministre nous a expliqué qu’ils avaient actuellement eu 2 grandes rencontres avec les premières nations et les Inuits pour discuter des enjeux présentés dans les rapports. Ces deux premières rencontres étaient plutôt politiques, mais c’est lors de la troisième, qui sera davantage administrative, que les priorités seront décidées. « On peut déjà penser que le logement, la sécurité des femmes et la sécurité publique seront priorisés puisque c’est ce qui est ressorti de ces rencontres », affirme la ministre. Le groupe d’action évoluera en parallèle avec cette démarche qui est déjà amorcée pour améliorer les relations avec les Autochtones.
La démarche
« Nous allons rencontrer des experts, des gens qui sont impliqués dans cette démarche, et ensemble, nous allons déterminer les priorités pour les actions que le gouvernement va prendre », souligne Sylvie D’Amours. Pour les prochaines étapes, le groupe compte se rencontrer pour établir une grille de travail à faire et décider des priorités selon les consultations qui seront faites.