Table ronde : Les jeunes et la politique municipale

Par Ève Ménard

Pier-Luc Laurin, âgé aujourd’hui de 30 ans, est devenu en 2017 le plus jeune conseiller municipal élu à Prévost. Marc-Oliver Neveu, 21 ans, est co-porte-parole du parti municipal Mouvement Jérômien et souhaite se présenter comme candidat aux prochaines élections de 2021.

Nous avons ici deux jeunes passionnés de politique municipale. Pourtant, jeunes et politique municipale ne vont pas toujours aussi bien de pair : désintérêt, sous-représentation et idées préconçues viennent souvent dominer la perception de la jeunesse à l’égard de ce palier gouvernemental. Quoi faire? Comment l’expliquer? On jase politique, cynisme, partisannerie, pouvoir, humanisme et conciliation.

Ève Ménard : Du point de vue populaire, la politique municipale n’est pas perçue comme étant très glorieuse. Pourquoi avoir choisi de s’impliquer au sein de ce palier?

Pier-Luc Laurin : Quand j’ai commencé, je me suis tout simplement dit : ça m’intéresse, j’ai des idées, ça clique avec les gens en place, alors je me suis lancé. […] Nous touchons le quotidien des gens; il n’y a rien de plus proche qu’un élu municipal. Nous avons un impact direct.

Marc-Olivier Neveu : Sur d’autres paliers de gouvernement, c’est un peu plus difficile puisqu’il y a des lignes de parti. Alors que la ligne de parti, au municipal, c’est toi qui la crées. […] Les gens ne se reconnaissent plus nécessairement dans des partis poli-tiques, mais se reconnaissent dans des idées ou des projets. Je pense que le municipal est peut-être moins touché que ce que nous voyons à Québec ou à Ottawa en termes de partisannerie parce que les partis politiques sont adaptés aux municipalités.

È.M. : N’en demeure pas moins que la politique municipale attire peu la jeunesse. Avant de commencer à travailler pour le journal, je n’avais aucune idée s’il s’agissait d’un maire ou d’une mairesse à la tête de ma propre ville de résidence depuis des années. Pourtant, ce n’était pas faute d’un désintérêt généralisé pour la politique, mais davantage d’un désintérêt pour la politique municipale. Comment expliquer cette perception et réussir à mobiliser les jeunes?

M.-O. N. : Jusqu’en 2015, il y avait le Forum jeunesse dans les Laurentides pour encourager les jeunes à s’impliquer dans leur communauté. Présentement, ce n’est plus le cas. Nous voyons qu’il y a des jeunes avec des qualités extraordinaires, mais qui n’ont pas de tribune pour s’impliquer politiquement. D’autre part, historiquement, les municipalités ont eu de la difficulté à comprendre ce que la jeunesse souhaite puisqu’elle ne s’y intéressait pas nécessairement.

È.M. : C’est un cercle vicieux en fait, qu’il faudrait briser?

M.-O. N. : Oui, c’est un cercle vicieux. Il faut qu’il y ait un intérêt pour aller vers les jeunes et faire en sorte qu’ils s’impliquent dans l’appareil municipal. Les jeunes ne s’intéressent pas à la politique municipale parce qu’ils pensent que c’est seulement des enjeux pour la collecte des ordures et la voirie, mais il y a plein d’autres enjeux, que ce soit au niveau du transport ou de projets structurels.

P.-L. L. : [Pier-Luc est élu à la Commission des jeunes élues et élus de l’Union des municipalités du Québec]. Avec l’UMQ et le gouvernement du Québec, nous avons réussi à faire reconnaître les villes et les municipalités comme des gouvernements de proximité.

Les enjeux comme la collecte des ordures et la réfection des trottoirs, désolé Marco, mais c’est vraiment le quotidien. Or, c’est évident que ça n’intéresse pas beaucoup de jeunes qui ne connaissent rien en politique. Par contre, quand nous devenons des gouvernements de proximité, que nous avons de nouveaux pouvoirs en transport, en environnement, en milieu social, ça devient intéressant pour des jeunes de s’impliquer.

È.M. : Donc l’important, et ça commence à se faire, est de mieux valoriser l’espace municipal, et d’augmenter les pouvoirs des villes et leur impact sur certains enjeux?

P.-L. L. : C’est exactement ça. Depuis que j’ai été élu il y a 3 ans, je sens la transformation dans le monde municipal.

È.M. : Cette transformation que tu mentionnes est super intéressante. Hier soir [19 novembre], Catherine Fournier lançait le Projet Ambition Québec (PAQ) au cours duquel une section était réservée à la politique municipale. Une conseillère invitée soulignait cette même transformation, en critiquant toutefois que la structure de la politique municipale reste figée dans le temps. La structure doit-elle évoluer ou changer pour attirer davantage de jeunes et redorer son image?

P.-L. L. : Non, je ne crois pas que ce soit nécessairement la manière dont est bâtie la structure. Mais pour comprendre la sous-représentation des jeunes, il faut aussi savoir que nous avons des commissions, des comités, le conseil, des rencontres avec les citoyens, le maire et les élus. C’est du 20 à 25 heures par semaine, à quoi nous ajoutons du 40 heures par semaine parce que ce n’est pas un travail à temps plein. C’est beaucoup de temps quand tu veux avoir une jeune famille. Moi-même, je suis dans le projet. La solution est de le dire tout simplement, et de s’assumer comme jeune et comme jeune parent. Tu deviens alors plus humain, et non pas une bébitte politique qui fait de beaux vidéos et de belles publications. C’est ça que les gens veulent, ils veulent plus d’humanisme en politique.

M.-O. N. : Le fait de s’assumer comme jeune, oui entièrement. Il faut plus de familles en politique, il faut plus de jeunes étudiants en politique. Nous avons des idées, des projets que nous pouvons voir sous un autre angle que les aînés, par exemple. Et c’est bien parfait; les deux se complètent.

Pour ce qui est des structures, je pense que ça dépend des municipalités. À Saint-Jérôme, à part la séance municipale, il n’y a pas grand moyen pour les citoyens d’entrer en contact avec leurs élus. Il faut humaniser ça. […] C’est de cette manière qu’on peut lutter contre le cynisme en politique. Il faut changer les règles du jeu.

È.M. : Le mot « pouvoir » est revenu à plusieurs reprises dans la discussion. Il nous est impossible de dissocier ce terme à la politique. Qu’est-ce que le pouvoir signifie pour vous et quelle relation entretenez-vous avec celui-ci?

P.-L. L. : Pour moi, le pouvoir, c’est de l’influence. Le mot influence a été très galvaudé, mais c’est un mot merveilleux. C’est ce que j’aime de la politique : rencontrer des députés, des groupes de citoyens, des médias et être capable de projeter des messages. Ça vient aussi avec un titre qu’il faut défendre. Il faut faire un bon travail et il faut consolider ce pouvoir en travaillant avec les gens autour de soi. Les citoyens doivent sentir que quand ils ont choisi un élu et qu’il est au pouvoir, ce sont eux qui ont le pouvoir.

È.M. : En fait, tu représentes le pouvoir de la population.

P.-L. L. : Exactement. Moi j’ai été élu avec 55% des voix. 55% des gens m’ont élu parce qu’ils croyaient en moi, mais je représente 100% des gens en ayant le pouvoir entre les mains.

M.-O. N. : Je pense que le rôle de l’oposition, pour ma part, apporte quelque chose de différent. Les gens remettent parfois en question un projet ou des manières de faire, et le rôle de l’opposition est d’écouter et de les représenter. Une manière d’influencer le pouvoir ce n’est pas uniquement d’être au pouvoir, c’est aussi d’influencer les décisions à l’externe, que ce soit médiatiquement ou en société.

Pier-Luc Laurin est conseiller municipal à Prévost depuis 3 ans.
À 21 ans, Marc-Olivier Neveu est co-porte-parole du parti municipal Mouvement Jérômien.

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