Retour à l’école particulier : Une occasion de repenser l’éducation?
Par Journal-le-nord
À l’aube de la rentrée scolaire, Joël Monzée, docteur en neurosciences et fondateur de l’Institut du développement de l’enfant et de la famille, se penche sur cette période charnière que vivront les enfants et les adolescents, les craintes qui l’accompagne et les remises en question qui méritent d’être abordées.
D’entrée de jeu, Monsieur Monzée reconnaît le retour à l’école comme étant une « nécessité » pour les jeunes étant donné qu’il s’agit notamment d’un espace de socialisation important. Or, il s’agira d’un moment à ne pas prendre à la légère alors que chacun reviendra d’un environnement ou d’une réalité uniques; une période d’adaptation sera nécessaire. Le principal enjeu réside aussi chez ceux qui auront vécu une mauvaise expérience à la maison et dont la charge émotive sera significative.
Risque majeur de décrochage
D’autre part, au secondaire, le risque de décrochage scolaire sera majeur, selon le formateur. « C’est l’aspect pour lequel nous avons le plus de crainte », affirme-t-il. Celui-ci pense notamment aux jeunes qui étaient déjà « vulnérabilisés » par des échecs scolaires ou encore habités par l’envie de quitter l’école. Justement, plusieurs ont profité des derniers mois pour travailler et risquent d’être réticents à revenir dans un milieu beaucoup plus encadré et dans lequel ils sont moins autonomes. Pour Joël Monzée, il sera indispensable que des mesures soient mises en place pour prévenir cette réalité et éviter des taux d’absentéisme qui pourraient être « très élevés. »
Bien que le risque concret de décrochage concerne plus spécifiquement le secondaire, le conférencier rappelle que cette problématique prend racine au primaire. « Des enfants qui accumulent du retard depuis déjà plusieurs années et qui ne se sentent pas valorisés à travers les apprentissages scolaires sont plus à risque. Peut-être que certains jeunes ne nous alerteront pas immédiatement, mais dans cinq ans, une fois en secondaire 3, ils décrocheront parce que nous n’aurons pas mis un filet de sécurité adéquat pour le moment. » À cet effet, Monsieur Monzée croit fortement qu’un accompagnement psychologique devrait être réalisé auprès des jeunes en difficulté et que ce même soutien devrait être offert aux professeurs, considérant qu’eux aussi ont pu vivre difficilement la période du confinement. « Un professeur qui va bien et qui est serein est un bon capitaine pour guider ses élèves en classe ».
Le docteur en neurosciences affirme qu’il y aura assurément des effets de la crise de la Covid-19 sur le développement des enfants. Il donne l’exemple de l’angoisse qui a pu se développer en raison des craintes constantes pour la vie d’un grand-parent. La vie sociale de plusieurs enfants a aussi été chamboulée. « La fille d’un de mes amis me disait que ses amies habitent toutes dans le même village, mais pas elle. Pendant le confinement et même le post-confinement, elle ne les voyait pas, mais ses copines ont pris l’habitude d’être ensemble, donc son réseau d’amies n’existe plus. Il faudra travailler à ce niveau-là avec avec la jeune fille pour qu’elle soit capable de recréer ces liens. »
Revoir les principes?
Alors que la pandémie aura chamboulé le contexte scolaire, est-ce le moment de repenser la manière que l’enseignement est donné dans nos écoles? « À 100% », indique Joël Monzée. « Nous savons qu’avec seulement ce qui s’est passé au printemps, ça prendra deux à trois ans pour que le système absorbe les conséquences en terme d’apprentissage scolaire. » Le formateur perçoit cette période comme étant une occasion de revoir la manière qu’on enseigne. Tout d’abord, bien qu’il soit conscient du manque d’enseignants actuel, il croit qu’à long terme, il serait indispensable d’avoir de plus petits groupes d’élèves. « Lorsque les enfants sont retournés à l’école au printemps, les plus petits groupes d’élèves ont été très positifs pour plusieurs puisque l’enseignant pouvait s’acclimater au rythme de chacun », relève le conférencier.
Joël Monzée souhaiterait aussi que les apprentissages deviennent plus concrets avec la réalité des jeunes, lui qui affirme que nous sommes parfois trop dans l’intellectuel. Le soutient émotif, les dialogues et les cercles de parole devraient d’ailleurs se retrouver au cœur de l’éducation afin de favoriser le vivre-ensemble. « Si on voit une tension dans la cours d’école à la récréation, on peut faire un cercle de parole. Comment est-ce qu’on gère le conflit? Plutôt que de dire qu’il y a une victime et un coupable, c’est de voir comment, ensemble, nous pouvons travailler pour diminuer ce genre de situation. C’est une manière de réguler nos émotions en sortant des rapports de force. Cela deviendra tellement précieux justement pour arriver à tempérer ceux qui seront pro-masque, anti-masque, pro-mesure, anti-mesure, pro-vaccin, anti-vaccin, parce qu’ils auront appris à parler, à s’écouter et à se respecter. »