Regroupement québécois des Calacs : Guider les victimes dans leur choix
Par France Poirier
Bénédicte Taillefait intervenante au CALACS ( Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel ) de Trois-Rivières et porte-parole du Regroupement québécois des CALACS a répondu à nos questions sur la vague de dénonciations concernant des gestes à caractère sexuel.
« Notre rôle est d’aiguiller les victimes, on leur explique les bénéfices et les effets négatifs de la voie qu’elles choisissent de prendre. Si on parle du mouvement de dénonciation sur les réseaux sociaux, on croit les victimes et on les soutient. Il faut se rappeler que c’est la troisième vague de dénonciation en six ans, ça veut dire quelque chose. Il y a vraiment une libération de la parole, ça signifie qu’il y a un urgent besoin de changement de culture à faire », explique madame Taillefait.
Pourquoi ne portent-elles pas plainte à la police ?
On a demandé à madame Taillefait, ce qui expliquait le choix de ne pas faire appel à la justice. « Il faut comprendre que ça témoigne d’un dysfonctionnement du système judiciaire qui a été mis au jour par le gouvernement lui-même. Les bénéfices de dévoiler sur les réseaux sociaux ne sont pas forcément les mêmes que par le chemin judiciaire. Ce dernier peut être vécu par certaines femmes comme d’aggraver la victimisation plutôt que de redonner du pouvoir par rapport à son propre vécu.Dénoncer sur les réseaux sociaux peut permettre pour certaines d’entre elles de créer une communauté, de la solidarité, ce qu’une démarche judiciaire ne permet pas. Ce n’est pas forcément pour demander justice, mais pour qu’il y ait une prise de conscience. C’est aussi pour reprendre du pouvoir d’une manière différente que l’alternative juridique ».
Il faut se rappeler que 5 % des agressions sexuelles sont signalées à la justice parce que 3 plaintes sur 1000 se soldent par une condamnation. « La charge de preuve est extrêmement lourde parce que c’est hors de tout doute raisonnable qu’il faut convaincre le juge qu’il n’y a pas eu consentement, alors il y a une grande marge. La crédibilité est souvent mise à mal par le système judiciaire si on n’est pas dans la bonne case de victime soit blanche, hétérosexuelle, qui s’exprime bien qui a fait des études, etc. »
Le processus judiciaire est très long, en moyenne deux ans. « Ça peut être bénéfique pour certaines personnes, qui ont le temps de se reconstruire. Par contre, pour d’autres c’est extrêmement lourd parce que c’est une revictimisation continuelle, il faut répéter à différentes personnes à différentes étapes processus, ce qui peut être douloureux pour les victimes ».
Depuis le début des dénonciations qui ont commencé en 2014 par la première vague, avec le mouvement #AgressionsNonDénoncées, deux autres vagues ont fait leur apparition soit #MoiAussi et la dernière vague sur Instagram qui a notamment éclaboussé Marie-Pier Morin, Julien Lacroix ainsi que d’autres personnalités publiques. « On a noté une augmentation des appels dans les CALACS. Au début du mouvement, il y a eu un fonds d’urgence pour aider les organismes de premières lignes, mais c’était ponctuel. Ce dont nous avons besoin, ce sont des fonds récurrents pour répondre à la demande », conclut Bénédicte Taillefait.
Des chiffres au Québec
5% des crimes sexuels sont rapportés à la police
3 plaintes pour agressions sexuelles sur 1000 se soldent par une condamnation
96,8 % des agresseurs sont des hommes et 78,1% des victimes sont des femmes
2 victimes sur 3 ont moins de 18 ans
2/3 des infractions sexuelles sont commis dans une résidence privée
85,6 % des victimes mineures et 68,3 % des victimes adultes connaissent l’auteur présumé.
Source : Regroupement québécois des CALACS
Une page Instagram Victims_voices dans les Laurentides
Plusieurs pages Instagram ont été créés dans le mouvement de dénonciation actuel, on les retrouve sous le nom de « victims voices ». Depuis la création de la première page, plusieurs autres ont été conçues pour différentes régions du Québec. Dans les Laurentides, c’est la page « victims_voices__laurentides » qui a été créée dans le but d’afficher des expériences que certaines personnes ont vécues. Sur cette page, on retrouve plus de 91 publications qui sont en fait des témoignages anonymes de victimes d’agressions ou d’harcèlements sexuels. Parmi les publications, on peut voir sur certaines qu’un prénom d’agresseur est parfois dévoilé ainsi que la région où s’est produite l’agression. Dans les différentes « storys », on y explique le code de conduite de la page, le but ainsi que les ressources qui sont à la disposition des victimes.
Nous avons tenté d’entrer en contact avec les initiateurs de la page, mais nous n’avons pas eu de retour.