Règlement sur la décarbonation : Énergir poursuit Prévost

Par Simon Cordeau

Le géant gazier Énergir poursuit la Ville de Prévost et souhaite faire annuler son Règlement sur la décarbonation des bâtiments et autres mesures de réduction de gaz à effet de serre. « Après avoir procédé à une analyse approfondie du règlement […], Énergir a pris la décision difficile de contester le règlement. Elle a donc déposé le 30 octobre dernier une procédure de contestation du règlement à la Cour supérieure du Québec. »

Le règlement, adopté le 29 septembre dernier, interdira l’installation de systèmes fonctionnant au moyen d’un combustible fossile, comme un chauffe-terrasse, une chaudière ou un foyer au gaz, à compter du 31 décembre 2023. Prévost est la première ville au Québec a adopté un tel règlement. Les barbecues, les cuisinières et les génératrices d’urgence, entre autres, sont exemptés. Le maire avait aussi rassuré les citoyens que les installations existantes bénéficieront d’un droit acquis et pourront être réparées indéfiniment.

Réduire les GES

« Le règlement, adopté selon les règles de l’art et dans le respect des compétences et obligations de la Ville, est en droite ligne avec les différents objectifs de réduction de gaz à effet de serre [GES] au Québec », souligne la Ville de Prévost dans un communiqué. Rappelons que Prévost s’est donné comme cible de réduire de 50 % ses GES par rapport à ceux de 2018.

Pour Énergir toutefois, le règlement limite les options des citoyens qui souhaitent réduire leur empreinte carbone. « Cela signifie d’interdire le gaz naturel renouvelable (GNR) ainsi que la biénergie, deux solutions de décarbonation », plaide l’entreprise par voie de communiqué. « Pour nous, c’est important que les citoyens de Prévost ait le choix. […] Il y a aussi l’enjeu des pointes sur le réseau électrique », ajoute Renault Lortie, vice-président client et approvisionnement gazier d’Énergir, en entrevue.

« Ces arguments-là, désolé, mais ils ne tiennent pas la route », réplique le maire de Prévost, Paul Germain, en entrevue. « La biénergie est autorisée dans les constructions existantes. Et le GNR est permis si c’est 100 % du GNR. […] Je pense qu’il y a de l’incompréhension de la part d’Énergir. »

Collaborer ?

« Nous sommes déçus de cette confrontation juridique alors que nous avons eu, au cours de la dernière année, des discussions constructives avec les représentants d’Énergir », déplore le maire de Prévost. Selon lui, il n’y avait « aucun » signe qu’Énergir allait poursuivre la Ville, surtout que l’entreprise dit vouloir participer à la transition énergétique. « Nous autres, on pensait qu’on allait dans le même sens qu’eux. »

« Présente dans différentes villes du Québec, Énergir favorise la proximité avec les acteurs municipaux et préconise de loin la collaboration et le dialogue constructif auprès de ceux-ci. Ce n’est donc pas de gaieté de coeur qu’elle entame ces démarches », indique cependant l’entreprise. « Malheureusement, on n’a pas eu la chance de pouvoir discuter avec [la Ville de Prévost] », ajoute M. Lortie. Il affirme qu’une seule rencontre a eu lieu, en juin dernier. Après l’adoption du règlement, « on a essayé de parler aux gens de Prévost, au maire. Ce n’était malheureusement pas possible, c’était seulement par écrit. »

M. Germain dément cette version des faits. « Je les ai rencontrés en mai à Gatineau. J’ai eu une réunion avec eux en juin. Et leurs représentants étaient présents à la consultation publique. […] Au mois d’octobre, je partais en voyage. Ils ont parlé avec mon assistante, parce qu’ils avaient des questions sur le règlement. Je leur ai demandé leurs questions par écrit. À la place, on a reçu une procédure de Cour », raconte le maire.

Des modifications ont même été faites au règlement pour accommoder les demandes d’Énergir, souligne le maire. « On a créé une exception pour les bâtiments de plus de 600 mètres carrés. On a aussi enlevé une définition technique qu’ils craignaient. »

Être un exemple

« Il apparaît évident qu’Énergir veut créer un précédent juridique avec notre ville pour contrer la légalité de cette nouvelle réglementation municipale, car de nombreuses municipalités et villes nous ont consultés depuis le mois d’avril et s’apprêtent à adopter des mesures similaires pour protéger l’environnement et respecter les cibles de réduction établies », croit le maire.

« Énergir demeure toujours aussi engagée dans la transition énergétique du Québec. Elle offre d’ailleurs sa pleine collaboration aux municipalités dans leur parcours de décarbonation », affirme cependant l’entreprise. M. Lortie soutient d’ailleurs qu’Énergir vise à « décarbonner à 100 % tous les bâtiments reliés à [son] réseau d’ici 2040 ».

Dans tous les cas, la Ville de Prévost ne compte pas reculer. « On va gérer ce dossier-là de façon responsable pour nos citoyens », insiste le maire.

(NDLR : Cet article a été bonifié le 20 novembre.)

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