Redécoupage électoral : La contestation de la loi 59 s’amorce ce mercredi
Par Luc Robert
C’est à compter de mercredi matin, 27 novembre, à 9 h, en Cour supérieure du Québec dans une cause tenue au Palais de justice de Saint-Jérôme, que sera débattue la demande de pourvoi en contrôle judiciaire déposée en juin dernier par le Conseil des préfets et des élus de la région des Laurentides (CPÉRL), afin faire déclarer inconstitutionnelle la loi 59 qui vise l’interruption du processus de délimitation des circonscriptions électorales de la province.
Adoptée par l’Assemblée nationale le printemps dernier, la loi 59 repousse la révision de la carte électorale au-delà de 2026. Les plaideurs estiment que la démographie dans plusieurs régions et la sous-représentation de plusieurs secteurs nécessitent une revue rapide de la carte électorale, à moins de deux ans des prochaines élections au Québec.
Un poids politique affaibli
« Ça prend de l’argent où vivent les gens. Ça prend une voix de plus des Laurentides à l’Assemblée nationale, pas des circonscriptions comme à Mirabel et Saint-Jérôme, qui dépassent la limite tolérée du nombre maximum d’électeurs. Notre région s’est développée de manière autonome, car souvent ignorée par le provincial. Nous sommes la 4e région (650 000 citoyens) en importance au Québec et c’est une gifle que le ministre Jean-François Roberge nous a servi en suspendant le processus. On parle d’une loi partisane : la CAQ s’implique dans un processus qui est indépendant ailleurs. Nous avons en main de la jurisprudence et des jugements de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique pour prouver notre point », a tonné le maire de Saint-Colomban, M. Xavier-Antoine Lalande, ardent défenseur de la création d’une éventuelle circonscription de Bellefeuille, à l’ouest de Saint-Jérôme.
Dans un affidavit déposé en prévision de la cause débattue ce mercredi, le directeur général des élections (DGE) a noté qu’avant l’adoption de la loi 59, la prise de décision du redécoupage devait avoir lieu le 8 octobre, pour une publication ultérieure dans la Gazette officielle du Québec le 25 octobre. Le même document a spécifié que même advenant une reprise du processus, une période ouvrable d’environ un an serait nécessaire pour implanter les étapes essentielles des opérations liées à l’adoption d’une nouvelle carte.
« Ça retarde les Laurentides au détriment des autres régions. Abroger la réforme affaiblit le poids politique des Laurentides pour 10 ans à venir. Ce n’est pas aux élections de 2030 et plus tard qu’on veut voir le changement de la carte, mais dès celles de 2026, pour avoir une meilleure représentation citoyenne avec un futur comté de Bellefeuille. Le redécoupage est essentiel dès maintenant. Il doit suivre la migration et être équitable dans sa répartition. Québec envoie le message qu’il ne veut pas reconnaître le poids politique déficient de notre belle région », a ajouté celui qui siège aussi comme préfet de la MRC de La Rivière-du-Nord.
Soulignons au passage que certains élus de la région, sous le couvert de l’anonymat, ont manifesté des réserves devant la cause du CPÉRL, craignant « que le provincial ignore encore plus nos doléances ».
Date fixe
Les prochaines élections provinciales sont prévues le 5 octobre 2026. L’épineuse question de la refonte devrait être tranchée au plus tard en avril 2025, pour que la Commission de représentation électorale (CRE) ait le temps de reprendre et de compléter le processus de redécoupage entrepris le printemps dernier.
« M. Roberge a beau dire que les partis de l’Assemblée nationale se sont entendus pour suspendre la réforme, mais le politique ne devrait pas influencer ce processus, qui devient partial. Je pense que le PQ et la CAQ ont abandonné les Laurentides. Montréal et la Gaspésie ont fait des pressions politiques. […] Le gouvernement a pris les Laurentides pour acquises : il gouverne en fonction des symboles, comme le futur pont de l’île d’Orléans. Mais il a eu tort : ici, nous sommes sept préfets, en plus du maire de Mirabel, à penser que la refonte doit se poursuivre tout de suite », martèle M. Lalande.
Hausse de la grogne
Des préfets et des élus de la région des Laurentides (CPÉRL) sont maintenant appuyés par la MRC de Brome-Missisquoi, ainsi que par la Table des MRC du Centre-du-Québec, dans la démarche de déclarer inconstitutionnelle la loi 59. En Cour supérieure, Me Bernard Roy représente le procureur du Québec, face aux avocats de l’étude légale Prévost Fortin D’Aoust (PFD), qui représente la cause pour le CPÉRL.
La révision de la carte électorale provinciale relève de la CRE, un organisme indépendant présidé par le DGE, M. Jean-François Blanchet.
Entrepris en 2022, les travaux de la CRE visant la production d’une proposition de délimitation en vue de 2026 ont été interrompus le 28 mars dernier. Le ministre Jean-François Roberge avait alors annoncé que les quatre partis de l’Assemblée nationale s’étaient entendus pour suspendre le processus en cours, craignant la suppression de deux comtés en Gaspésie et à Montréal. L’Assemblée nationale dispose de 125 sièges. Rappelons que le projet de loi a été adopté le 2 mai 2024. Le CPÉRL avance pour sa part « que la loi 59 est inéquitable, que les votes des électeurs de certaines régions comme les Laurentides pèsent moins lourd qu’ailleurs au Québec ».