(Photo : Archives)
La Maison Prévost en 1898, à Saint-Jérôme.

Protéger notre patrimoine, mais comment?

Par Simon Cordeau

Le projet de loi 69 qui renforcera la protection du patrimoine bâti, déposé par la ministre de la Culture Nathalie Roy, est présentement à l’étude par l’Assemblée nationale. Selon les acteurs du milieu, toutefois, les mesures sont insuffisantes.

Si le projet de loi entre en vigueur, de nouvelles responsabilités seront déléguées aux municipalités régionales de comté (MRC). Ces dernières devront faire un inventaire des immeubles construits avant 1940 et se doter d’un règlement pour encadrer leur démolition, entre autres mesures.

Généralement, Bruno Laroche, préfet de la MRC de La Rivière-du-Nord, voit d’un bon œil le projet de loi, malgré quelques réserves. « Je suis d’accord de rendre plus transparentes les décisions et les démarches dans chacune de nos villes. En même temps, ça enlève un peu de pouvoir aux municipalités. »

Pour André Genest, préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut, il s’agit d’un projet de loi intéressant, mais insuffisant. « On demande que, dans le prochain budget, il y ait un financement adéquat pour réaliser ces nouvelles obligations. » M. Genest aimerait aussi que des outils d’accompagnement soient prévus, comme un réseau d’expertise pour aider les municipalités à inventorier les bâtiments, analyser leur état, les rénovations et l’entretien nécessaires, ainsi que les coûts reliés.

Une question d’argent

Nadine Brière, mairesse de Sainte-Adèle, abonde dans le même sens. « C’est bien beau, citer des immeubles au patrimoine, mais il faut aussi prendre en considération la facture qui va aller aux municipalités. On le voit, des grandes villes comme Varennes ont des politiques semblables depuis déjà plusieurs années, mais leur capacité financière est plus grande que pour une petite ville comme Sainte-Adèle. »

Même son de cloche pour Paul Carle, président de la Société d’histoire et du patrimoine de Val-David (SHPVD). « Les municipalités n’ont pas nécessairement les budgets, les connaissances ou même les intérêts pour préserver le patrimoine. Chaque municipalité essaie de ne pas trop augmenter ses taxes. Elles préfèrent investir dans des projets qui vont devenir rentables un jour. »

Ainsi, sans fonds supplémentaires, il sera difficile de protéger plus d’immeubles, peu importe leur valeur patrimoniale. « Nos employés sont déjà très occupés », souligne M. Laroche.

Donner une deuxième vie

Selon André Genest, la solution est peut-être de donner une deuxième vie à ces bâtiments. Il donne l’exemple du patrimoine religieux. « Quand j’étais maire de Wentworth-Nord, nous sommes parvenus à préserver trois églises, en les transformant. Il faut être inventif, leur redonner une vie. Il faut que ces bâtiments servent plus qu’une heure par semaine pour la messe. » En transformant les églises en bibliothèque, en centre communautaire ou en accueil touristique, elles peuvent ainsi redevenir centrales à la vie communautaire.

Certains bâtiments ont toutefois déjà disparu, ce qui fait dire à Paul Carle qu’il faut aussi préserver la valeur immatérielle de notre patrimoine, au-delà de l’architecture. Il donne l’exemple de la Butte à Mathieu, à Val-David. « Elle a eu un rôle important dans la Révolution tranquille, voire dans la création de l’identité québécoise, surtout dans la chanson et la musique québécoises! »

La SHPVD travaille d’ailleurs sur une manière de faire revivre la Butte à Matthieu, peut-être de manière virtuelle, pour le centenaire de Val-David, l’année prochaine. Pour M. Carle, la numérisation d’archives est aussi importante, pour redécouvrir notre histoire, la rendre accessible et assurer sa pérennité. « J’ai accès, grâce à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), à tous les journaux du Canada français depuis 1850! »

Même si la numérisation avance bon train dans les municipalités, il reste encore bien des choses à découvrir, et à sauver.

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