Prévost a imposé un lock-out partiel illégal aux pompiers
Par Luc Robert
Le Tribunal administratif du travail du Québec (TAT) rejette la demande de la Ville de Prévost et conclut que le Syndicat des pompiers de l’endroit n’a pas tenu de grève illégale ou exercé un ralentissement d’activités, lors de la dernière période des Fêtes. De plus, dans son jugement du 19 mars 2024, il accueille la demande des syndiqués à l’effet que la Ville a imposé un lock-out partiel illégal aux sapeurs, qui est susceptible de porter préjudice au Service d’incendie, auquel le public a droit.
Dans sa décision de 17 pages publiée sur le site Internet de l’organisme gouvernemental, la juge Nancy Martel, de la division des Services essentiels du TAT, rejette la demande d’intervention en redressement soumise par la Ville de Prévost. Elle déclare plutôt que la note de service du 12 décembre 2023 constitue un lock-out illégal. Le TAT ordonne à la Municipalité : « de mettre fin au lock-out et de cesser d’appliquer la note de service en question; de faire connaître immédiatement et publiquement son intention de se conformer à l’ordonnance du tribunal; que la présente ordonnance entre en vigueur immédiatement et que le TAT réserve ses pouvoirs pour rendre toute autre ordonnance jugée nécessaire ».
Prévost se conformera
La Ville de Prévost a laissé savoir qu’elle entend mettre en application les points évoqués par le tribunal.
« Prévost prend acte de la décision du Tribunal administratif du travail et entreprend les mesures nécessaires pour se conformer à l’ordonnance rendue le 19 mars 2024, tout en continuant d’assurer la prestation de services essentiels à la population prévostoise. La sécurité et le bien-être des citoyens ont toujours été et demeurent la priorité de la Ville de Prévost. L’organisation met tous les efforts nécessaires pour garantir la continuité des services de la sécurité incendie de manière responsable, et ce, en collaboration avec les équipes de pompiers et leur syndicat. L’administration et les élus sont déterminés à trouver une solution qui soit équitable pour toutes les parties concernées et analysent l’ensemble des options », a souligné le Service des communications et affaires publiques de la Ville de Prévost, dans un communiqué relayé par la conseillère Audrey-Anne Lamarre.
Pour le conseiller syndical (SCFP-FTQ, secteur municipal) Maxime Valade, la décision semble équitable et représente une étape de plus à avoir été franchie.
« Il s’agit d’une victoire syndicale, mais surtout une victoire pour les citoyens. La décision démontre que la note de service patronale a un impact sur les services essentiels que nous offrons. C’est un autre revers pour l’employeur, qui a probablement été mal conseillé et a fait des mauvais choix. Ce sont des deniers publics qui passent dans leurs manœuvres. On attend maintenant de connaître de quelle façon ils vont procéder pour se plier au jugement. Notre demande est demeurée lettre morte. »
Par ailleurs, les négociations pour une nouvelle convention collective reprendront sous peu, soutient M. Valade.
« Il appert que les négos reprendront le 15 avril, avec la médiatrice. On tentera à nouveau de négocier une entente. Il y a aussi l’application du jugement dans la réintégration du lieutenant Noël qui tarde : on veut savoir comment se produiront sa réintégration et comment sera payé le quantum (dédommagement). »
Nouvelle procédure
Le Syndicat des pompiers et pompières de Prévost (section locale SCFP 7161) visait une note de service datée du 12 décembre et son application, dans le dossier du « lock-out partiel illégal ». La Ville y annonçait « qu’elle change sa façon usuelle de procéder lorsque les disponibilités exprimées par les officiers syndiqués ne permettent pas de composer une équipe complète d’intervention. Au lieu de combler le manque par un cadre ou un appel général aux pompiers, elle aura systématiquement recours aux services d’une municipalité voisine, avec laquelle elle a une entente d’entraide. Conséquemment, aucun membre du syndicat ne sera assigné à la composition de l’équipe d’intervention. Ils ne recevront pas non plus la prime de disponibilité. » La Ville a ensuite déposé un recours en redressement le 8 janvier 2024. Elle demandait « au syndicat de cesser une grève illégale, ou un ralentissement d’activités, en ne fournissant aucune disponibilité d’officiers syndiqués pour les périodes de garde où cette disposition est nécessaire et essentielle ».
Interprétation du TAT
Après divers interventions, les parties se sont entendues les 11 et 16 janvier 2024, alors que la Ville a accepté de prolonger la suspension et l’application de la note de service concernée. Selon le syndicat, la note de service équivaut à dire : « si vous ne signez pas la lettre d’entente, vous ne répondrez plus aux appels ». Le TAT est aussi de cet avis.
« L’ensemble des circonstances démontre que la Ville de Prévost a agi intentionnellement pour forcer les membres du syndicat à accepter les conditions de travail. Ce faisant, les officiers et pompiers ont fait l’objet d’un lock-out partiel. […] Le moyen de pression de l’employeur a pour conséquence que le citoyen doive attendre en moyenne 12 minutes supplémentaires afin d’obtenir l’aide d’une équipe d’intervention lors des appels classés mineurs. Le public ne reçoit pas le service auquel il a droit et il y a contravention aux dispositions du Code du travail. En conséquence, le tribunal doit intervenir afin d’assurer le rétablissement complet des services », est-il détaillé par la juge Martel.