Prière arable
ÉDITORIAL
Oui, je fais référence à l’acte rituel, et non, je ne parle de la langue afro-asiatique. Je veux bel et bien dire arable, du latin arabilis, soit labourer. Il n’est pas question de religion ici, quoique Saint- Isidore, le patron des cultivateurs, soit directement interpellé. Il s’agit de la nécessité, voire de l’urgence de protéger nos terres arables, une espèce menacée à laquelle on doit s’intéresser, avant de se faire complètement déposséder. Du chinois tout ça? D’accord, commençons par là.
La Chine en mode survie
Il y a autour de 1,4 milliard d’habitants dans ce pays, soit environ un sixième de la population mondiale : il possède 10 % de la superficie cultivable sur la planète, et représente plus de 20 % de la population globale – vous voyez le déséquilibre?
La Chine a faim et manque de terres arables, pour au moins deux raisons : l’expansion résidentielle force la conversion de terres cultivables en terres urbaines, et l’utilisation d’engrais et de pesticides rend beaucoup de sols infertiles.
Pour pallier à cette menace, les Chinois achètent des terres à l’étranger, la plupart du temps sous le radar. En France, un milliardaire chinois a récemment acheté 3000 hectares de terres agricoles, ce qui a fait bondir la population et suscité une réaction immédiate du Président Emmanuel Macron. « On ne peut pas laisser des centaines d’hectares être rachetés par des puissances étrangères sans qu’on sache la finalité de ces rachats », a-t-il déclaré, en annonçant aussitôt la mise en place de « verrous réglementaires» pour empêcher les acquisitions.
La France agit et le Québec… analyse
Après un tel intertitre, vous aurez compris que nos élus manquent tragiquement de volonté pour ne pas dire, de courage. On sait depuis longtemps que les investisseurs chinois achètent impunément et lorgne constamment : pensons seulement à ceux qui avaient proposé d’acheter 3300 acres de terres en Abitibi. Tout cela a un impact sur l’offre et la demande, et la valeur des terres est donc en explosion au Québec. Avec ça vient une hausse des taxes foncières, une que les producteurs pourront difficilement absorber – ces derniers ne pourront simplement plus dégager la marge nécessaire pour vivre, et devront se résigner à vendre.
La tragédie, c’est que se sont des compagnies internationales, massivement chinoises, qui sont en train de tout racheter, et leur but premier c’est de monétiser et d’assurer leur propre pérennité, pas de devenir fermier pour nous accommoder.
Au final, nous sommes responsables
Si vous pensez qu’on est sur la bonne voie, voici le titre d’un article du Journal de Montréal du 30 juin dernier : « Québec va construire le futur hôpital de Vaudreuil-Soulanges parmi les plus belles terres agricoles du Québec, malgré l’opposition de la Commission de protection du territoire agricole du Québec ». Voilà. On n’a pas besoin d’autrui pour se tirer dans le pied, on le fait très bien tout seul, c’est pathétique et surtout tragique. Le problème n’est pas Chinois, il est résolument Québécois.
Dans ses mémoires rédigés à Sainte Hélène, Napoléon Bonaparte déclarait que « l’agriculture est la base et la force de la prospérité du pays ». J’ajouterais que la souveraineté alimentaire est non seulement l’élément le plus fondamental d’une patrie, mais ce n’est rien de moins que l’essence de sa vie.