(Photo : OMH Saint-Jérôme)
L'Office national de l'habitation à Saint-Jérôme offre des logements à prix modique.

Pénurie de logements : Victime de rénovictions

Par Marie-Catherine Goudreau

Ghislaine Gravel a 73 ans et réside à Saint-Sauveur depuis plus de 40 ans. En janvier, elle a reçu un avis d’éviction du propriétaire de l’immeuble où elle louait depuis 26 ans. Les nouveaux propriétaires planifient faire des rénovations majeures. D’ici le mois d’août, elle devra donc quitter son logement et en trouver un autre.

Comme elle habite seule, ne possède pas de voitures et travaille encore 2 jours par semaine dans le village, elle ne peut pas quitter la ville. Le problème, c’est que les coûts des loyers sont nettement plus élevés que ce qu’elle paye en ce moment. Elle ne trouve pas d’offres en bas de 700$. Mais Mme Gravel n’est pas la seule à vivre cette situation dans les Laurentides.

Le Carrefour d’actions populaires de Saint-Jérôme est le seul organisme dans toute la région qui offre de l’aide juridique pour les locataires. Monique Côté est responsable en droits du logement et de l’aide sociale au carrefour. Elle a une grande inquiétude pour le mois de juillet qui approche trop vite et craint pour toutes les personnes qui vont se retrouver sans logement à la fin de leur bail.

« On n’a jamais reçu autant d’appels au Carrefour. Et ces appels viennent de partout, alors qu’on représente seulement la MRC de La Rivière-du-Nord. On est complètement démuni. C’est une année record », soutient-elle. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le taux d’inoccupation des logements était de 0,9% à Saint-Jérôme à l’automne dernier, alors que le taux moyen au Québec était de 1,8%.

Connaître ses droits

Le rôle de cet organisme à but non lucratif est principalement d’informer les gens de leurs droits en tant que locataires. « Ce qu’on dit souvent, c’est de ne rien signer avant d’être informé de ses droits. » Si un document d’éviction est signé par le locataire, il n’y a plus de recours possibles, explique Mme Côté. De plus, l’avis doit être fait 6 mois avant, c’est-à-dire avant le 1er janvier. Mais ceux qui ont signé sans contester ou sans connaitre leurs droits se retrouvent sans choix de logement abordables, en bas de 700$ par mois.

« Ce sont les gens les plus démunis qui sont touchés par ce problème. »

Mme Côté explique que les raisons des évictions sont souvent dues à des rénovations. « On appelle ça des rénovictions. Les propriétaires vont reprendre les logements pour les rénover ou les construire à neuf, puis vont les louer au double du prix sur le marché. » Ce n’est donc pas la même clientèle qui loue par la suite. Mais qu’arrive-t-il à ces personnes et vers quelles solutions peuvent-elles se tourner ? Nous avons posé la question au maire de Saint-Sauveur, M. Jacques Gariépy.

« Ce n’est pas un problème nouveau à Saint-Sauveur, mais il y a des résidences comme Habitat Saint-Sauveur qui offre des logements à prix modiques. Est-ce qu’il manque de logements subventionnés ? Oui », souligne-t-il. Mme Gravel nous a toutefois confié que lorsqu’elle avait établi un contact avec cette résidence, la liste d’attente était de 2 à 3 ans.

Des solutions ?

Le Transport adapté et collectif des Laurentides (TACL), dont M. Gariépy est le vice-président, peut être une solution pour les gens sans voiture qui décideraient de s’établir plus loin de Saint-Sauveur, où les prix sont plus bas. L’organisme qui couvre de Sainte-Agathe à Saint-Jérôme offre des options de transport pour des personnes âgées ou handicapées qui souhaitent se rendre dans les centres pour travailler ou faire des courses. « C’est un organisme qui est très bien géré, mais peu connu », précise M. Gariépy.

Lorsque les gens appellent au Carrefour d’actions populaires, les responsables font le calcul avec eux, à savoir quelle est l’augmentation que leur propriétaire a le droit de faire. « On les incite à négocier avec ce dernier. Mais souvent les gens craignent de subir de l’intimidation ou du harcèlement s’ils refusaient la hausse du loyer », déplore Mme Côté.

La responsable au Carrefour croit aussi qu’une des solutions serait d’offrir davantage de logements sociaux ou subventionnés, comme à Montréal. « En tant qu’organisme, on souhaite que les Villes se sentent plus interpellées pour travailler à la construction de logements sociaux. Il y en a tellement peu actuellement. À Saint-Sauveur, où j’habite, ils sont à peu près inexistants. »

Crise du logement

L’aide des gouvernements

Un investissement de 48 007 360 $a été annoncé jeudi dernier par la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest. Ce sont 104 projets qui pourront bénéficier d’une somme supplémentaire pour accélérer la construction de 2 840 nouveaux logements.

Ces sommes permettront d’augmenter la contribution financière des municipalités pour les organismes promoteurs. Les projets d’habitation en question sont des logements qui seront destinés à des clientèles à revenu faible ou modeste, dont des aînés, des familles, des personnes seules et des femmes victimes de violence.

Des projets dans la région ?

Dans les Laurentides, 12 projets en sont présentement à l’étape de l’engagement conditionnel pour obtenir une bonification de leur financement (voir le tableau). « Le gouvernement du Québec tente de donner un second souffle à des projets annoncés par le gouvernement précédent, mais dont le financement n’était plus nécessairement suffisant. Ainsi, les projets d’habitation en question pourront peut-être passer à l’étape suivante », a précisé Bénédicte Trottier-Lavoie, attachée de presse de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation.

Source : Bénédicte Trottier-Lavoie, attachée de presse de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation.

Selon Patrice Charbonneau, attaché politique de la ministre responsable de la région des Laurentides, Nadine Girault, il y a déjà plu-sieurs projets pour des logements à revenus modiques dans les Laurentides. « Je pense notamment à la maison Phoenix à Val-David, une résidence pour personnes âgées, ou encore, la coopérative d’habitation La Grande Ourse à Val-Morin », a-t-il détaillé.

Un investissement « insuffisant » par le fédéral

Pour le député bloquiste de Rivière-du-Nord, Rhéal Fortin, l’investissement du gouvernement Trudeau fait au début de l’année 2021 est nettement insuffisant. Dans leur « Initiative pour la création rapide de logements », les Libéraux ont proposé un programme ponctuel pancanadien d’un milliard de dollars sur deux volets distincts.

M. Fortin dénonce le premier volet dans lequel aucun financement n’a été fait pour la région des Laurentides sur un total de 500 millions $. « De plus, le financement du deuxième volet est nettement insuffisant, nous n’avons presque rien eu, sauf un investissement pour un seul projet à Deux-Montagnes », déplore-t-il. Le député croit que 1% des dépenses fédérales devraient être investies en logement. « Cela représenterait de 2 à 3 milliards $ par année pour le Québec et les provinces. »

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