Pas d’amour sans tolérance
Par Frédérique David
On ne peut parler d’amour, sans parler de tolérance, de respect. L’un ne va pas sans l’autre. On ne peut aimer ni s’aimer sans accepter nos différences. On ne cesse d’enseigner aux enfants que ces différences font notre richesse, que sans elles nous passerions à côté de tant d’apprentissages et d’occasions de grandir. Pourtant, le racisme et le sexisme n’ont jamais été aussi présents dans l’actualité depuis des décennies. Une intolérance décomplexée jaillit de toutes les sphères de la société et répand des propos dépourvus de bienveillance, d’amour et d’inclusion. Le backlash est violent. Aimer, s’aimer en 2025 comporte son lot de souffrances. Aimer, s’aimer s’avère néanmoins plus nécessaire que jamais pour apaiser les blessures de cette ère de mépris.
Les politiques de DEI menacées
Pas plus tard que la semaine dernière, le président des États-Unis pointait du doigt le programme de diversité et d’inclusion mis en place dans l’aviation américaine pour expliquer l’écrasement d’un avion à Washington! Ce même président a débuté son mandat en déclarant qu’il n’existe que deux sexes: masculin et féminin. De tels propos venant d’un des hommes les plus puissants de la planète font craindre le pire aux communautés LGBT+. D’ailleurs, à l’approche de l’arrivée de Donald Trump à la présidence, de nombreux géants américains comme Walmart, McDonald’s, Meta et Ford ont annoncé l’abandon de leurs politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI). Ces politiques d’inclusion qui s’étaient installées en réponse aux mouvements Black Lives Matter et #MeToo ont entrainé de violentes réactions des ultra-conservateurs contre la diversité en milieu de travail qu’ils considèrent « woke ». Le Canada suivra-t-il ce triste retour en arrière? Le pire est à craindre, d’autant plus qu’un sondage Léger révélait, en décembre dernier, que seulement 26% des Québécois sont d’accord avec le fait que les entreprises tiennent compte de l’origine culturelle des personnes qu’elles embauchent, comme le statut de minorité visible. Ces résultats sont inférieurs aux 36% obtenus dans les provinces atlantiques et aux États-Unis.
Un racisme décomplexé
Et puis il y a eu ce geste terriblement choquant d’Elon Musk à la cérémonie d’investiture de Donald Trump. Un geste que les journalistes ont tenté d’interpréter, parce qu’il relevait de l’inconcevable. Pourtant, il est clairement un appel à l’antisémitisme et au suprémacisme blanc. Un groupe néonazi américain s’est d’ailleurs empressé de déclarer « On est de retour putain ». Tant de signes et de paroles qui donnent la nausée et font craindre le pire pour notre avenir. Tant de backlash difficiles à concevoir. Tant de luttes à refaire pour bâtir un monde d’équité, d’égalité et d’inclusion. En attendant, il nous faut distribuer de l’amour, surtout au sein des communautés qui reçoivent des claques quotidiennes en pleine face!
Intolérance à la diversité sexuelle
Autre nouvelle inquiétante, un vaste sondage mené auprès de 35 000 élèves du Québec par le Groupe de recherche et d’intervention sociale (GRIS-Montréal) a révélé que la tolérance des adolescents québécois face à la diversité sexuelle est en net recul pour la première fois en 30 ans. L’étude révèle notamment que le nombre d’élèves qui seraient mal ou « très mal à l’aise » s’ils apprenaient que leur meilleure amie est lesbienne est passé de 15,2% à 33,8% entre 2017 et 2024. Le pourcentage d’adolescents qui seraient « mal à l’aise » s’ils apprenaient que « leur meilleur ami est gai » est quant à lui passé de 24,7% à 40,4% en sept ans. Ces données sont d’autant plus préoccupantes que des cours d’éducation à la sexualité sont devenus obligatoires dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec en 2018 et qu’on y aborde notamment le respect de la diversité, la discrimination basée sur la diversité sexuelle et de genre et les stéréotypes sexuels. Ces données sont terriblement inquiétantes pour le bien-être des personnes LGBT+. La prévalence de tentatives de suicide chez les adultes LGB est de 10 à 20%. Elle est de 41% chez les adultes trans, soit près de 10 fois plus que la population adulte générale américaine. Les violences, discriminations et préjugés envers ces orientations sexuelles et identités de genre minoritaires sont les causes principales de ces écarts.
La nouvelle chanson de Pierre Lapointe, Hymne pour ceux qui ne s’excusent pas (dédiée à Safia Nolin), arrive à point nommé : « Voyez-vous dans leurs yeux, ce grand dégoût sincère, de vous voir condamner, ce qui ne se juge pas, ce qui ne se change pas. Voyez-vous dans leurs yeux, cette envie d’être fier, envers et contre tous, cette liberté sacrée, brillante comme un soleil, brillante comme un soleil. »