Maison Taillon : Combattre plutôt que régler ?
Par Rédaction
Par Philippe Leclerc
Un grand premier ministre du Québec parlait de « s’auto-pelure de bananiser », se mettre dans une situation où l’on se nuit soi-même. Quand je pense au dossier de la Maison Taillon, cette expression me revient en tête.
J’ai de l’estime pour Marc Bourcier, le maire de Saint-Jérôme. Il est engagé, Jérômien de cœur. Lors de mon arrivée à Saint-Jérôme, il était mon conseiller, et je n’étais pas surpris de le voir devenir député, puis maire. Mais sur le dossier du centre correctionnel communautaire Laferrière, qui fait couler beaucoup d’encre, j’ai l’impression qu’il s’est peinturé dans un coin.
Une situation héritée
Pour rappel, le centre Laferrière, autrefois la Maison Taillon, a été transformé dans les années 90 en maison de transition pour détenus en fin de peine. Pendant 30 ans, ce centre a opéré discrètement au centre-ville sans en faire un enjeu majeur. Sa fermeture en 2019 s’est expliquée par une baisse de l’achalandage et des besoins en hébergement correctionnel. Le bâtiment, vétuste, a été laissé à l’abandon jusqu’à sa démolition en fin 2023.
Malgré cela, avant l’arrivée de Bourcier en 2021, le dossier n’était pas aussi politisé. Le centre existait et cohabitait avec le développement urbain, notamment avec l’UQO. Personne ne remettait en question sa présence au centre-ville. Mais les choses ont changé.
La porte d’entrée de Saint-Jérôme
Aujourd’hui, Marc Bourcier voit l’opportunité de redessiner cette « porte d’entrée » de Saint-Jérôme. Il propose un projet urbanistique ambitieux. Cependant, Service correctionnel Canada (SCC) a décidé de reconstruire le centre Laferrière au même emplacement, malgré les propositions de la ville de le déplacer en zone industrielle.
Avec le soutien de plusieurs élus, Bourcier a multiplié les rencontres pour tenter de faire pression sur le gouvernement fédéral. Il a notamment sollicité Pablo Rodriguez, alors lieutenant du Québec, pour intervenir auprès du ministre de la Sécurité publique. Pourtant, aucune action concrète n’a suivi ces démarches, et SCC a refusé les alternatives proposées par la Ville, décidant de ne pas tenir de consultations publiques. La commissaire Anne Kelly a maintenu que SCC était dans son droit. Cela a poussé le maire à entamer des procédures judiciaires contre le gouvernement fédéral, déclarant qu’il s’agissait de « Saint-Jérôme contre le Canada ».
Deux approches divergentes
Mais cette bataille juridique risque de figer les positions et de retarder davantage le projet. En choisissant l’affrontement, le dialogue est suspendu. Le temps judiciaire est long, et pendant ce temps, rien n’avance sauf les milliers de dollars en dépenses d’avocats. On pourrait se demander si une autre approche, plus diplomatique, aurait pu être tentée.
Le maire aurait-il pu miser sur une campagne de représentation auprès des fonctionnaires fédéraux ? Il faut comprendre que, dans la machine fédérale, le centre Laferrière est un établissement parmi une soixantaine gérés par SCC. Pas une priorité nationale. Un peu de pédagogie, en dehors de la confrontation politique ou juridique, aurait peut-être porté ses fruits.
Une autre option ?
Par ailleurs, le Centre résidentiel communautaire Curé-Labelle, également à Saint-Jérôme, a pris en charge une partie des services depuis la fermeture du centre Laferrière. Ce centre joue un rôle clé dans la réinsertion sociale des hommes adultes sous mesure correctionnelle. Plutôt que de reconstruire Laferrière, pourquoi ne pas envisager de renforcer Curé-Labelle ?
De plus, avant de lancer cette bataille juridique, le maire aurait-il pu solliciter l’appui du ministre des Affaires intergouvernementales, Jean-François Roberge ? Il me semble que l’ancien collègue parlementaire de Bourcier aurait pu peser dans la balance.
À quand la solution ?
Ce dossier illustre à quel point il est difficile de trouver des solutions dans la lourdeur administrative. Un enjeu local comme celui-ci ne devrait pas prendre autant de temps à résoudre. Pourtant, on en reparlera probablement dans cinq ans.