(Photo : Archives - Nordy )
La Maison d'Ariane, située à Saint-Jérôme, sera relocalisée dans des plus grands locaux.

Maison d’Ariane : Relocalisation prévue pour mars 2025

Par Ève Ménard

La Maison d’Ariane sera relocalisée dans de plus grands locaux comprenant davantage de chambres, dès le mois de mars, pour répondre à l’accroissement du nombre de places et aux besoins grandissants pour les services externes.

En entrevue en novembre dernier, la coordonnatrice générale de la maison d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale, Fannie Roy, nous expliquait cette décision, en plus de faire le point sur la maison de deuxième étape qui devrait voir le jour en 2026.

Pression sur la maison d’urgence

Le projet de relocalisation s’explique d’abord par le fait que la Maison d’Ariane, située à Saint-Jérôme, est passée d’un financement pour 17 femmes et enfants à un financement pour 20 femmes et enfants. Il est donc possible d’accueillir plus de personnes en même temps, indique Fannie Roy.

Également, à partir de 2021, la demande pour les services externes « est montée en flèche ». Le financement pour ce type de service a alors été bonifié et le nombre de postes a augmenté. « À un moment donné, on manquait d’espace. Il faut travailler dans des conditions qui permettent d’accueillir les femmes dignement », affirme Fannie Roy. En plus, la pandémie a mis en lumière des difficultés au niveau du partage des espaces de vie commune. « Ce n’était pas facile et le partage des salles de bain était tout un enjeu », précise entre autres la coordonnatrice.

La maison actuelle ne pouvant pas être agrandie, le projet de relocalisation a donc été mis en branle pour toutes ces raisons. La nouvelle maison d’urgence comptera 11 chambres au lieu de 9. Il y aura également une salle de bain par chambre, ce qui n’est pas le cas actuellement. L’espace additionnel permettra aussi d’avoir des bureaux d’intervention en nombre suffisant.

Étendre le filet social

En novembre, la Maison d’Ariane était de retour à la table à dessin pour travailler les plans d’architecture de sa maison de deuxième étape, l’Avenue d’Ariane, qui devrait ouvrir ses portes en 2026. Actuellement, les Laurentides ne compte sur aucune maison de deuxième étape, mais des travaux sont prévus à cet effet à Saint-Jérôme, à Sainte-Agathe-des-Monts et à Mont-Laurier.

Fannie Roy, coordonnatrice générale à la Maison et l’Avenue d’Ariane.

Contrairement à la maison d’urgence, où la durée d’hébergement est d’environ trois mois, une maison de deuxième étape propose un hébergement à moyen terme. Le séjour peut durer jusqu’à un an ou un an et demi, précise Fannie Roy. L’objectif consiste à héberger des femmes et des enfants dont la sécurité demeure un enjeu. L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape évalue d’ailleurs que 8 % des femmes victimes de violence conjugale sont toujours en grave danger à la sortie d’un hébergement d’urgence.

Le séjour en maison de deuxième étape permet également à des femmes de consolider leur reprise de pouvoir ou leur autonomie financière. « L’après-maison d’hébergement d’urgence, ça reste un moment névralgique et les femmes ont besoin de continuer d’être appuyées pour vraiment rompre de manière définitive avec la violence conjugale », explique la coordonnatrice à la Maison d’Ariane.

Toutefois, ce ne sont pas toutes les femmes qui auront accès aux maisons de deuxième étape. Il faut donc s’assurer que les autres services connexes soient accessibles pour les soutenir. Fannie Roy donne l’exemple des HLM ou du Programme de supplément au loyer (PSL) pour aider à la recherche de logements, ou des services de santé. « La violence conjugale affecte souvent grandement la santé physique et mentale. Et les femmes sont souvent confrontées à des délais d’attente pour avoir accès à des services gratuits et universels. »

L’Avenue d’Ariane comprendra huit espaces d’hébergement. Contrairement à la maison d’urgence, il n’y aura pas d’espaces de vie commune, en dehors des espaces d’intervention. Les familles ont donc leur propre cuisine, salon, salle de bain et chambres.

Une sixième maison dans les Laurentides ?

Actuellement, la demande pour les services de la Maison d’Ariane et l’hébergement persiste, constate Fannie Roy. Cette dernière remarque aussi que les conditions dans lesquelles les femmes arrivent en maisons d’hébergement se détériorent.

« Au niveau de la santé physique et mentale, au niveau de leur statut ou de leurs ressources financières, elles sont souvent très précarisées quand elles arrivent en maison. Souvent, on part à la toute base, voire à demander l’aide sociale. Ou il s’agit d’une femme qui s’est maintenue en emploi, mais qui arrive vraiment au bout du rouleau », illustre la coordonnatrice. De plus en plus, des femmes arrivent aussi avec des statuts plus complexes liés à l’immigration.

Pour bien répondre aux besoins, « il ne faut pas de perte de vitesse », dit Fannie Roy. Le financement doit être au rendez-vous. C’est l’enjeu principal. « Il faut que le gouvernement se rende compte que c’est une vigie constante. Il faut que le réseau reste fort pour être capable de répondre aux femmes », complète la coordonnatrice. Cette dernière croit d’ailleurs qu’il est temps de réfléchir à une sixième maison d’hébergement dans les Laurentides, qui en compte actuellement cinq.

Le financement doit également permettre la rétention d’intervenantes d’expérience, et éviter leur exode. « On a des employeurs compétiteurs qui peuvent offrir des salaires intéressants. Il faut vraiment qu’on soit appuyé pour garder l’expertise. Ça prend beaucoup de temps pour former une intervenante en violence conjugale. Il faut être capable de garder nos équipes fortes. »


Travailler comme intervenante en maison d’hébergement

Gabrielle Renaud travaille comme intervenante à la Maison d’Ariane. Son baptême d’intervention en maison d’hébergement s’est fait lors de son stage d’un an, dans le cadre de la Technique en travail social au Cégep de Saint-Jérôme.

« À la fin de mon stage, je suis tellement tombée en amour avec l’organisme, l’approche et l’intervention que j’ai décidé d’appliquer comme travailleuse et j’y suis encore depuis trois ans », explique l’intervenante. Gabrielle y travaille 20 à 30 heures par semaine, pendant qu’elle poursuit ses études au baccalauréat en sexologie à l’UQAM.

Des tâches variées

« On fait tous les types d’intervention. Des interventions plus formelles, et d’autres plus informelles, où on prend un café et on parle un peu de tout. On fait des interventions de groupe, des interventions familiales ou en solo. Il y en a des plus agréables et d’autres plus confrontantes, comme quand on fait des annonces de signalement à la DPJ », explique Gabrielle Renaud à propos de son travail au quotidien.

Il n’y a pas de routine fixe. Sur place, en maison d’hébergement, les intervenantes doivent notamment assurer la sécurité de la maison et des femmes, et répondre à leurs besoins. « Si une femme doit aller chercher des effets chez un conjoint, on s’assoit ensemble, on regarde comment ça peut être fait de manière sécuritaire. On va appeler les policiers de la ville ensemble pour voir si elle peut avoir un accompagnement », donne en exemple Gabrielle. À l’externe, les intervenantes gèrent aussi la ligne téléphonique qui est ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

L’approche féministe

À son arrivée à la Maison d’Ariane, Gabrielle a reçu un gros cartable dans lequel on explique les principes féministes, les valeurs et les types d’intervention de l’organisme. « Par exemple, si je fais une intervention de groupe et que je fais une activité dans laquelle on parle de nos rêves pour le futur, je ne vais pas juste écouter les femmes, je vais aussi participer à l’activité. C’est le principe de solidarité », illustre Gabrielle.

L’intervenante dit d’ailleurs beaucoup aimé l’approche féministe. Celle-ci est centrée autour de principes comme la solidarité, la liberté, la reprise de pouvoir et le respect de rythme de chacune, énumère l’étudiante en sexologie. « Il y a l’idée que c’est la femme au centre de sa reprise de pouvoir. Elle a été dans un contexte où elle n’avait plus de contrôle sur sa vie. Il y a donc des objectifs pour l’orienter vers une reprise de pouvoir. Ça peut passer par le développement de certaines capacités, comme l’affirmation de soi. »

Encore des stéréotypes

Gabrielle Renaud constate que des stéréotypes persistent au sujet de la violence conjugale. Notamment, on continue de l’associer à de la violence physique, alors que la violence psychologique ou verbale fait tout autant de ravages, souligne l’intervenante. « J’ai arrêté de compter le nombre de femmes qui me disent “j’aurais aimé qu’il me donne un coup de poing, comme ça, ça aurait été concret”. »

Même des femmes victimes de violence conjugale ont parfois internalisé ces stéréotypes. « Je fais une relation d’aide avec une femme à l’externe. Elle veut partir, mais elle ne sait pas comment. Je lui propose de l’hébergement. Elle dit “je ne pensais pas que j’avais le droit parce que je n’ai pas vécu de violence physique”. Ça arrive vraiment souvent », raconte Gabrielle. « Ou encore des femmes admises en hébergement viennent nous voir en disant qu’elles pensent qu’elles n’ont pas leur place parce qu’elles n’ont pas vécu de violence physique. Elles pensent que leur violence est “moins grave”. »


Les ressources

  • Maison d’Ariane : 450-432-9355
  • SOS violence conjugale : 1 800-363-9010

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