Le milieu communautaire se mobilise
Par Ève Ménard
Cette semaine, les Laurentides se joignent aux 4 000 organismes d’action communautaire autonome au Québec qui réalisent une vague d’actions, de grèves et de fermetures rotatives entre le 21 et le 24 février. On revendique notamment pour un rehaussement du financement, la reconnaissance de l’autonomie des organismes ainsi que la justice sociale.
La région des Laurentides était pour sa part mobilisée le 22 février, en même temps que les régions de Montréal et de Laval. Ainsi, une cinquantaine de groupes ont mis sur pause leurs activités. L’Échelon des Pays-d’en-Haut, une ressource en santé mentale, était fermée pour l’occasion. Sa coordonnatrice, Lucie Arcand, nous explique qu’entre 2008 et 2018, l’organisme n’a reçu aucune augmentation de son financement. Malgré quelques augmentations depuis, le financement demeure insuffisant. Le milieu communautaire déplore de ne pas recevoir les moyens nécessaires pour accomplir leur travail. À cet effet, on estime qu’à la grandeur du Québec, ce sont 460 millions de dollars manquant pour réaliser adéquatement les missions respectives des organismes. La mobilisation se tient d’ailleurs quelque temps seulement avant le dépôt du dernier budget caquiste d’ici les élections. Il s’agit donc d’un message clair à l’intention du gouvernement. Farah Wikarski, agente de liaison au Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL), déplore que le gouvernement actuel n’ait pas tenu ses promesses envers le milieu communautaire.
« En plus, pendant la pandémie, le gouvernement a reconnu qu’on jouait un rôle essentiel, il reconnaît notre importance, mais le financement ne suit pas. »
Trop d’ingérence
L’agente de liaison explique justement que le gouvernement a tendance à offrir des fonds d’urgence et du financement par projet. « Mais ça ne vient pas toujours répondre aux besoins réels des organismes communautaires. » En effet, ceux-ci doivent alors créer et proposer de nouveaux projets qui cadrent spécifiquement avec les attentes et les priorités établies par le gouvernement, alors que sur le terrain, les besoins sont peut-être complètement différents. Il s’agit aussi de temps dépensé par l’organisme sur la proposition de projets, plutôt que sur l’accomplissement de leur mission. « Et en plus, l’aide financière n’est pas récurrente », souligne Farah. Le financement prend donc éventuellement fin, et le projet aussi.
« Au bout d’un an et demi, les besoins couverts par un projet ne sont pas disparus. Même qu’il arrive qu’on fasse naître des besoins parce que les gens sont habitués à un nouveau service. »
C’est pour cette raison que les organismes et le ROCL militent pour une reconnaissance de l’autonomie du milieu communautaire et pour un financement à la mission. De cette manière, les organismes pourraient choisir la manière dont ils dépensent l’argent.
Enjeu de recrutement
Un enjeu central touche aussi le recrutement, qui est particulièrement difficile. Lucie Arcand indique avoir vu plusieurs personnes quitter l’Échelon des Pays-d’en-Haut après quelques mois seulement, étant donné que les salaires ne sont pas compétitifs.
Avant même que la demande soit exacerbée par la pandémie, les équipes de travail peinaient déjà à répondre aux besoins, souligne Farah Wikarski. Pourquoi? D’abord parce que les équipes sont trop petites en raison du sous-financement, et parce que la rétention de personnel est difficile en raison des salaires non concurrentiels. Aujourd’hui, les équipes sont « à bout de souffle ». Il arrive même que des postes laissés vacants ne puissent tout simplement pas être pourvus.
La situation est donc critique, et c’est ce que souhaitent démontrer les organismes, par l’entremise de cette vague d’actions rotatives. « Dans des régions, certains organismes se questionnent même sur leur existence. Ils se disent qu’ils ne peuvent tout simplement plus continuer, qu’ils ne sont plus en mesure d’engager, alors que paradoxalement, la société n’a jamais eu autant besoin des organismes communautaires », déplore Farah.