Le corps des femmes et leur consentement
Par Frédérique David
CHRONIQUE
Parler de la femme, en 2025, c’est parler de ses droits menacés, de l’équité et de la diversité qui s’effritent, mais aussi de son corps comme point de départ. Parce qu’être une femme, c’est vivre avec des défis de santé spécifiques et des enjeux que les hommes n’ont pas à affronter. Parce que le corps de la femme, tant de fois peint, sculpté, magnifié et adulé est aussi, et encore, mal connu, mal compris, mal soigné. Parce que la montée du masculinisme et du conservatisme voit ce corps dépossédé de ses droits.
Parmi les livres lus aux enfants, Mon corps m’appartient et Te laisse pas faire ! abordent le respect, l’intimité et le consentement. Ce sont des lectures plus nécessaires que jamais pour agir en amont sur ce recul annoncé et éviter le pire.
Le droit à l’avortement menacé
C’est sur toutes les tribunes, surtout depuis l’invalidation de l’arrêt Roe c. Wade par la Cour suprême des États-Unis, en 2022, qui a cassé un jugement historique de 1973, estimant qu’il n’y avait pas de droit constitutionnel à l’avortement, et autorisant chaque État à l’interdire ou à le restreindre. Bien que réelle, on peine à imaginer que cette menace puisse effacer des décennies de luttes acharnées.
Le recul est pourtant là. L’avortement est redevenu illégal dans une douzaine d’États aux États-Unis et a été restreint dans d’autres. Au Canada, la seule clinique du Nouveau-Brunswick qui offrait des interruptions volontaires de grossesse a fermé ses portes en janvier 2024 faute de financement provincial. Et il suffit de visionner le documentaire La peur au ventre de Léa Clermont-Dion pour comprendre que des groupes anti-avortement tentent d’infiltrer le gouvernement pour modifier la législation. Plusieurs journalistes ont également révélé la présence d’organismes anti-avortement offrant des services aux femmes avec une apparence de neutralité. Ils offrent des conseils biaisés et orientent les femmes vers la poursuite de la grossesse. Plusieurs figuraient dans le répertoire des ressources en santé et services sociaux du MSSS et ont été retirés à la suite de reportages. C’est dire la force et la volonté de ces groupes qui s’infiltrent partout et menacent le droit à l’avortement.
Dans le monde, une quinzaine de pays interdisent totalement l’interruption volontaire de grossesse (IVG). « Lorsque l’IVG est menacée, la santé physique des femmes l’est aussi, nous rappelle Diane Cacciarella dans La Gazette des femmes. Dans les pays où c’est interdit, celles qui choisiront d’avorter useront de moyens illégaux pour y arriver et plusieurs risqueront leur vie. » L’Organisation mondiale de la Santé indique qu’entre 4,7 % et 13,2 % des décès maternels peuvent être attribués à un avortement non sécuritaire. Comme Simone de Beauvoir le disait, « il ne faut jamais oublier que ça prend juste une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ».
Action collective contre le CISSS de Lanaudière
Et puisqu’il est question ici du corps des femmes et de leurs droits, on ne peut passer sous silence (encore !) le scandale entourant la stérilisation sans consentement de femmes atikamekw ici, au Québec ! Le rapport Consentement libre et éclairé et les stérilisations imposées de femmes des Premières Nations et Inuit au Québec, dirigé par la professeure Suzy Basile et publié en 2022, évoque au moins 22 femmes forcées à la stérilisation entre 1980 et 2019. Le nombre passe à 55 si on considère la violence obstétricale.
Le gouvernement du Québec a longtemps nié cette terrible réalité qui se passait encore en 2019. C’était hier ! La Cour d’appel du Québec vient d’autoriser une action collective déposée par deux femmes atikamekw de Manawan contre le CISSS de Lanaudière et trois médecins. Il faut encore que des femmes se lèvent et se battent pour qu’on cesse de les maltraiter et de bafouer leurs droits et libertés.
Isabelle Picard, ethnologue, autrice et conférencière, écrit dans La Presse du 2 mars : « Comme femme, je ne peux concevoir que quelqu’un d’autre décide de la vie que tu porteras en toi. Jamais. Dans aucun contexte. Dans aucune culture. Parce que derrière cet acte non consenti se cache une ombre de supériorité sur le destin de toutes ces femmes, une hauteur malsaine, que je ne peux admettre. » Cela résume parfaitement les préoccupations qui nous habitent.