Une agence de recouvrement appelle une dizaine de fois par semaine une famille des Basses-Laurentides, et ce, même si on lui a maintes fois assuré qu’elle n’avait aucune dette.

Le cauchemar d’une famille endeuillée

Par Charlier Mercier

Imaginez qu’un de votre proche décède. Près de deux ans plus tard, on vous appelle presque quotidiennement pour vous demander de payer sa facture de téléphonie mobile. Pourtant, vous n’avez signé aucun contrat et vous n’avez rien à payer, selon la loi. C’est le cauchemar que vit la famille de Marc (qui a préféré demeurer anonyme), qui réside dans les Basses-Laurentides.

Jade est décédée le 28 janvier 2020, à la suite d’un cancer. Elle avait signé un contrat avec la compagnie de télécommunications Rogers. Son forfait familial incluait quatre appareils mobiles : son téléphone, une tablette électronique et un cellulaire pour chacune de ses deux filles, Camille et Emma, aujourd’hui âgées de 20 et 22 ans.

À l’été 2020, Marc se rend dans une boutique de Rogers pour résilier le contrat. On lui apprend que le seul nom qui apparait sur le contrat est celui de sa défunte femme et qu’il n’a aucun droit de regard. Le vendeur l’informe que lorsqu’une personne décède, le contrat tombe automatiquement à l’eau et qu’il peut garder les appareils sans frais de pénalité.

« C’est ma conjointe qui est décédée, la mère de mes filles. Ils appellent sans arrêt. Ça tourne le fer dans la plaie. C’est du harcèlement, c’est pénible. »

Marc contacte alors le service à la clientèle et au bout de cinq minutes, la préposée lui dit que tout est réglé. « Je vais annuler le contrat et écrire qu’elle est décédée, indique-t-elle. Vous ne devez plus rien. » Cette phrase, on lui a répétée souvent. Et pourtant, le dossier ne semble jamais avoir été fermé.

Après le transfert des appareils mobiles de Camille et d’Emma vers d’autres compagnies de télécommunications en août 2020, tout semblait réglé. Mais la famille n’était pas au bout de ses peines. « C’est à partir de là qu’on a commencé à nous appeler régulièrement, sans arrêt », souffle Marc.

Appels répétés

Même si Rogers avait maintes fois assuré à Marc que la situation était réglée, la compagnie l’appelait une à deux fois par semaine pour réclamer des montants variants entre 400 $ et 2000 $. Il s’est alors dit prêt à payer un certain montant, à condition de recevoir une facture. Il n’en a jamais reçu.

« Chaque fois que je parlais avec [un préposé de Rogers], je pensais que c’était fini. Mais au bout d’environ une semaine, il y avait un autre appel qui demandait la même chose. Je réexpliquais chaque fois que ma conjointe est décédée », raconte Marc, excédé.

En décembre 2020, Marc et ses filles reçoivent une lettre d’une agence de recouvrement adressée à la défunte cliente la menaçant de poursuites judiciaires si elle ne payait pas dans un délai de sept jours. La famille a choisi de laisser lettre morte.

Encore plus d’appels

Depuis janvier 2021, la famille reçoit des appels de cette agence à qui Rogers a transféré la « dette ». Les appels se sont intensifiés. Au moment où vous lisez ces lignes, on appelle la famille une dizaine de fois par semaine, souvent à 8h le matin. Il lui est impossible de bloquer les appels, car l’agence de recouvrement utilise chaque fois des numéros de téléphone différents.

« Ça tourne le fer dans la plaie »

« C’est ma conjointe qui est décédée, la mère de mes filles. Ils appellent sans arrêt. Ça tourne le fer dans la plaie. C’est du harcèlement, c’est pénible », dit Marc, la gorge nouée.

« Chaque fois, on demande à parler à ma mère. Chaque fois, on doit expliquer la situation », raconte Camille, visiblement exaspérée.

Marc aurait voulu parler à une personne qui connaissait son dossier, mais c’est impossible. On lui a indiqué que « personne n’est attitré à un dossier » et qu’il doit appeler le service à la clientèle. « C’est la procédure », lui rappelle-t-on.

Pas de réponse de Rogers

En dépit de nos demandes d’entrevue, nous n’avons pu parler à un représentant de Rogers. Par courriel, une agente de communication nous a demandé le nom de la cliente. Nous n’avons reçu aucune autre réponse après avoir mentionné que la famille préférait demeurer anonyme.

Quels recours ?

La famille ne sait pas encore si elle portera plainte. « Je persiste à croire que cette dette ne me concerne pas. Porter plainte pourrait donner au créancier l’impression qu’il est en droit de faire ces demandes, mais sans harcèlement », craint Marc.

Mis au courant de cette histoire, Charles Tanguay, porte-parole de l’Office de la protection du consommateur (OPC), croit que le harcèlement a de bonnes chances de cesser immédiatement si l’on porte plainte dans ce genre de situation.

« Une personne qui considère ne devoir aucune somme à un créancier devrait l’aviser par écrit de cesser toute démarche de recouvrement, faute de quoi il pourrait le poursuivre en dommages-intérêts et en dommages-intérêts punitifs », précise M. Tanguay.

M. Tanguay ajoute que l’OPC peut entreprendre des poursuites pénales contre la compagnie qui persiste à ne pas respecter la loi. « Les plaintes, c’est notre matière première pour exercer nos activités de surveillance et de sanction », dit M. Tanguay, qui invite les consommateurs à contacter l’Office pour connaître leurs droits.

Rappelons que la Loi sur le recouvrement de certaines créances interdit à tout créancier de faire du harcèlement, des menaces ou de l’intimidation. Les agences de recouvrement sont soumises à un encadrement encore plus strict en vertu de cette même loi.

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