(Photo : NORDY)

Le baccalauréat en enseignement le plus contingenté du Québec

Par Charles Séguin

À Saint-Jérôme, devenir enseignant légalement qualifié est plus difficile que partout ailleurs au Québec. Alors qu’« avoir un adulte » dans chaque classe était le seul objectif du ministre de l’Éducation pour la rentrée, les standards d’admission en enseignement au primaire et en adaptation scolaire au campus de Saint-Jérôme de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) sont les plus élevés de la province.

En moyenne, une cote de rendement au collégial (cote R) de plus de 23 permet aux cégépiens finissants d’être admis aux baccalauréats en enseignement primaire et éducation préscolaire ou en enseignement en adaptation scolaire au primaire dans une université québécoise francophone. Au campus de Saint-Jérôme, les dernières candidatures admises avaient une cote R de 27. Une telle condition d’admission s’applique généralement à des programmes plus contingentés comme le marketing ou la psychologie.

Ça se bouscule au portillon, alors que les étudiants des Laurentides se disputent les seules 50 places en enseignement primaire et 15 places en adaptation scolaire disponibles dans la région. Les candidats les plus performants sont évidemment choisis en premier.

Ce contingentement ne date pas d’hier. Le nombre de places disponibles est demeuré inchangé depuis l’ouverture du campus en 2010 et l’ajout du programme d’adaptation scolaire en 2011.

En 2015, une cote R de 27 était minimalement requise. Audrey-Anne Breton a été placée sur la liste d’attente avant d’être admise en adaptation scolaire. « Si je n’avais pas été prise, j’aurais dû me trouver un logement et partir étudier à Trois-Rivières », raconte-t-elle. Ceux qui se heurtent à une porte close doivent choisir un plan B : attendre, étudier dans une autre région ou choisir un autre programme. À l’automne 2022, 116 candidatures ont été refusées dans les deux programmes d’enseignement offerts à Saint-Jérôme.

Mme Breton, qui est maintenant enseignante en adaptation scolaire dans les Basses-Laurentides, comprend qu’il peut « être frustrant pour des étudiants qui habitent dans les Laurentides de ne pas avoir la chance d’étudier dans leur propre région. » Selon elle, le problème de pénurie de main-d’œuvre prend cependant racine dans le manque de valorisation de la profession. « On le voit sur le terrain, l’expérience seule n’est pas suffisante pour être enseignant. La formation est cruciale et doit être valorisée davantage », croit-elle.

Places en stage recherchées

Aux baccalauréats en enseignement primaire et éducation préscolaire et en adaptation scolaire au primaire, les campus de Gatineau et de Saint-Jérôme reçoivent un nombre comparable de demandes d’admission. Gatineau dispose cependant de plus du double de places disponibles.

La difficulté à placer les étudiants en stage en serait la principale cause, selon la direction des communications de l’UQO. « Dans le cadre des stages, chaque personne étudiante est accompagnée par une personne enseignante associée qui l’accueille dans sa classe. Ce rôle est volontaire et leur nombre est limité », a-t-elle expliqué au Journal.

Audrey-Anne Breton se rappelle que quatre stages étaient prévus à son programme. « On devait faire des stages dans différents milieux, comme en orthopédagogie et dans des classes régulières, note-t-elle, et plusieurs élèves ont dû déroger au programme parce qu’il était impossible de leur trouver des stages conformes. »

L’UQO doit aussi composer avec la concurrence des autres universités, qui souhaitent également placer des étudiants en stage dans les Laurentides.

Le Centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord, qui devait engager 91 enseignants en août dernier, n’a pas été en mesure d’informer le Journal du nombre de diplômés de l’UQO faisant partie de son corps enseignant. On a cependant précisé qu’« il est résolument facilitant pour l’embauche d’avoir une université sur son territoire ».

Les admissions en données

Contingentement des programmes UQO
Le campus de Saint-Jérôme dispose de moins de places même s’il a reçu davantage de demandes que le campus principal de l’UQO pour ces 4 programmes en 2022.

Les formations en psychoéducation et en travail social sont aussi contingentées au campus de Saint-Jérôme. La pénurie de main-d’œuvre en éducation touche d’ailleurs aussi ces professions. À l’automne 2022, les programmes de travail social, de psychoéducation, d’enseignement au primaire et d’adaptation scolaire au primaire ont toujours reçu plus de demandes à Saint-Jérôme qu’à Gatineau. Le nombre de places, lui, est toujours inférieur ou égal à celui de Gatineau.

Pour ces quatre formations à temps plein au campus de Saint-Jérôme, le Journal a compilé les statistiques d’admission pour chaque année depuis 2010. Il a mis en relation le nombre de demandes d’admission et la cote R du dernier candidat accepté. Jusqu’en 2016, la plus basse cote R suit assez fidèlement le nombre de demandes. Autrement dit, plus les candidatures sont nombreuses, plus forts sont les candidats admis.

Or, depuis 2016, la cote R du dernier candidat admis atteint un plateau, même si le nombre de demandes d’admission diminue significativement. L’UQO n’a pas souhaité commenter ou expliquer ce phénomène. Il est donc impossible de savoir si les candidats moins performants ont cessé de faire des demandes d’admission ou si d’autres facteurs pèsent dans la balance.

Voyez l’évolution des admissions depuis 2010

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