La parure du camion rouge

Par Rédaction

CHRONIQUE

Par Philippe Leclerc

On les aime, nos pompiers. Quand on a besoin d’eux, ils sont là. Sinon, pas de nouvelles, bonnes nouvelles ! La municipalité reçoit peu de plaintes les concernant, comparé à d’autres départements. Pas d’enjeux de permis comme à l’urbanisme. Pas de routes mal déneigées comme aux travaux publics. Les services incendie, c’est une belle parure pour une municipalité. Une présence rassurante. Mais comme les églises autrefois au cœur des villages, certaines façons de faire en matière de sécurité incendie appartiennent au passé.

Deux approches, deux réalités

D’un côté, l’approche moderne de la MRC de La Rivière-du-Nord. Récemment, on annonçait qu’une fusion des services de Saint-Jérôme, Prévost et Saint-Hippolyte était en marche. Une excellente nouvelle : une équipe à temps plein, une force de frappe 24/7. Un alignement clair avec les nouvelles normes du ministère de la Sécurité publique. Une vision efficace, où l’on regroupe les forces pour mieux couvrir le territoire, sauver des coûts, réduire les délais d’intervention tout en optimisant le nombre d’intervenants.

De l’autre, une approche hésitante de la MRC des Pays-d’en-Haut. Récemment, les maires de Morin-Heights et Saint-Adolphe-d’Howard annonçaient une collaboration qui, au final, maintient chaque municipalité avec ses propres actifs, ses pompiers à temps partiel, son matériel séparé. Pas de vraie mutualisation. Pas de vision intégrée du territoire, alors que l’évolution naturelle des services ailleurs au Québec mène à l’intégration. Pendant ce temps, le nouveau schéma de couverture de risques incendie de la MRC des Pays-d’en-Haut se fait toujours attendre, alors qu’il est une nécessité pour planifier et moderniser la sécurité des citoyens.

Temps plein vs temps partiel : un enjeu de sécurité

Dans la MRC de La Rivière-du-Nord, les nouvelles normes seront appliquées sur une bonne partie du territoire : des pompiers à temps plein, en poste 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Chaque alerte est immédiatement prise en charge, réduisant au maximum les délais d’intervention tout en optimisant le nombre d’intervenants.

Dans la MRC des Pays-d’en-Haut, la majorité des services fonctionnent encore à temps partiel. Seule une minorité possède de la garde interne avec des horaires tels 6 h à 18 h du lundi au vendredi. Les soirs, les nuits et les fins de semaine, les pompiers sont sur appel. Un malaise cardiaque, un feu de résidence ou un accident un mercredi matin ? Réponse rapide. Mais un dimanche après-midi ? Le pompier doit quitter son domicile, se rendre à la caserne, puis partir vers l’intervention. Une perte de temps précieux.

Autre enjeu : le service de premiers répondants (PR). Une des missions prioritaires des services incendie est de sauvegarder la vie. Pourtant, certains services incendie n’offrent toujours pas le service de premiers répondants. Un autre retard dans la modernisation, qui affecte directement la rapidité d’intervention lors d’urgences médicales graves.

Un retard qui coûte cher

Ce manque d’intégration a un prix. Le citoyen des Pays-d’en-Haut paie plus que celui de La Rivière-du-Nord. Chaque municipalité finance sa propre flotte, ses équipements, ses ressources humaines. Des camions en double, des casernes dispersées, des budgets éclatés. Une inefficacité financière qui se répercute directement sur le compte de taxes.

Dans les Pays-d’en-Haut, la richesse foncière uniformisée des municipalités permet cette indépendance. Elles peuvent se permettre de ne pas fusionner, car elles n’ont aucune contrainte budgétaire ni pression ministérielle les obligeant à rationaliser leurs services. Le citoyen paie donc de sa poche le luxe de cette autonomie. Ailleurs au Québec, des municipalités comparables, avec des ressources moindres, n’ont pas ce choix et doivent regrouper leurs services par nécessité.

Et comme si ça ne suffisait pas, ce retard organisationnel pourrait aussi faire grimper les primes d’assurance. Les assureurs évaluent la couverture incendie d’un territoire avant d’établir leurs tarifs. Un service modernisé, bien structuré, réduit les coûts pour les citoyens. Un schéma de couverture périmé, non aligné sur les normes, fait l’inverse. Devinez qui paie la note ?

Mutualisation vs statu quo : un choix politique

Le passage à un service incendie à temps plein a un coût. Mais ce coût est bien moindre que celui du statu quo. Les doublons, la lenteur des interventions, l’inefficacité organisationnelle, et les impacts sur les assurances sont bien plus coûteux à long terme. Il ne s’agit pas seulement de réduire des dépenses : il s’agit d’optimiser ce qui existe déjà, en évitant que chaque municipalité gère son petit service en vase clos.

La MRC de La Rivière-du-Nord, du moins une partie de ses municipalités, l’a compris et a choisi une réforme pragmatique et tournée vers l’avenir. Sainte-Sophie a hésité, mais semble s’orienter vers cette nouvelle approche. Saint-Colomban, quant à elle, préfère rester figée dans l’ancien modèle, refusant même de participer à l’étude de faisabilité. Un choix qui, à terme, risque de coûter cher à ses citoyens, tant en efficacité opérationnelle qu’en impacts financiers.

Il est temps d’éteindre l’incendie

Dans la MRC des Pays-d’en-Haut, la question n’est pas de savoir si une réorganisation est nécessaire. Elle l’est déjà. La vraie question, c’est quand les élus décideront de mettre en œuvre un modèle plus efficace. Moderniser un service d’urgence, ce n’est pas un caprice, c’est une responsabilité. Parce que les incendies, eux, ne respectent pas les limites municipales.

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