La Maison d’Ariane : 30 ans de lutte contre la violence conjugale
Par Lpbw
SAINT-JÉRÔME. C’est avec fierté, détermination et beaucoup d’émotions que la Maison d’Ariane, une maison d’aide et d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale, a souligné le 26 février dernier ses 30 années d’existence dans la communauté de Saint-Jérôme en compagnie de ses membres, ses travailleuses et de ses nombreux collaborateurs tels que les groupes communautaires, scolaires et publics.
Lors de cet événement qui se tenait sous la forme d’un 5 à 7 à la Vieille Gare de Saint-Jérôme, les dirigeants de la Maison ont également procédé au lancement du site web. Un site essentiel puisqu’à travers lui, on souhaite accroître la visibilité et l’accessibilité des services aux femmes victimes de violence conjugale et à leurs proches.
« Des plus que grandes !»
C’est avec émotion que Céline Miner, la présidente du conseil d’administration a témoigné, parlé de la nécessité de la Maison d’Ariane et fait le bilan de ces trente ans de lutte contre la violence conjugale. Elle-même en a vécu longtemps, ce qui l’a d’ailleurs amenée jusqu’à la Maison. C’était pour elle une troisième maison d’hébergement.
« Tout de suite en rentrant à la Maison d’Ariane, j’ai senti la chaleur, l’accueil, le non-jugement, nous confie-t-elle. Le fait d’être avec d’autres femmes qui ont vécu la même chose que nous fait que l’on se sent moins seule. Connecter est important. Pouvoir en parler, en rire même, devient une thérapie formidable», confie Céline Miner ajoutant que les travailleuses là-bas lui ont aussi fait réaliser le sens de cette épreuve. « Elles nous font comprendre que ça nous donne une expertise et qu’on peut s’en servir pour faire quelque chose de positif dans notre vie.» C’est ce qui l’a amenée à siéger sur le conseil d’administration. « Je n’aurais jamais fait cela avant. Ça a été une révélation de comprendre que ces femmes-là croyaient en moi! » « On n’est pas des moins que rien, mais des plus que grandes », a-t-elle d’ailleurs lancé lors de sa prise de parole jeudi dernier.
Violence constante
Pour Fannie Roy, la coordonnatrice de la Maison d’Ariane, « la violence est constante, mais on observe que les femmes dénoncent plus tôt que dans le passé. On peut penser que c’est grâce aux campagnes de sensibilisation nationale que les femmes vont se sortir plus tôt d’une relation de violence et avec moins de conséquences!»
Néanmoins, elle remarque que l’on assiste aussi à un “backlash » : « en ce qui concerne les jeunes filles, on voit de la violence qui, souvent, va être utilisée via les médias sociaux; beaucoup de harcèlement via les textos, Facebook . Ce sont de nouvelles stratégies auxquels les conjoints ont accès pour maintenir l’emprise et exercer un contrôle sur la femme !»
Nouveau départ
Fannie Roy rappelle également que la Maison d’Ariane n’est pas seulement une maison d’hébergement. C’est aussi un service d’aide à l’externe. « D’ailleurs la première prise de contact passe souvent par l’aide téléphonique, ensuite par le service à l’externe et, éventuellement, par de l’hébergement.»
La coordonnatrice met de l’avant que la violence conjugale revêt différentes formes, certaines étant moins connues. « Elle n’est pas seulement physique, elle peut être psychologique, économique. La majorité des femmes qui nous consultent, c’est pour de la violence psychologique.»
Lors de l’évènement, on a également présenté la bande-annonce d’un documentaire intitulé « Nouveau Départ» avec des témoignages, des paroles de femmes qui ont vécu de la violence conjugale. Il sera diffusé le 23 avril prochain à la Maison de la culture.
La Maison d’Ariane a pour mission d’héberger et d’accompagner les femmes et les enfants victimes de violence conjugale dans la reprise de pouvoir sur leur vie et militer pour l’élimination de cette problématique sociale. Elle possède 17 places d’hébergement. La Maison vise également à favoriser une meilleure connaissance de cette problématique sociale.
Maison d’Ariane : 450-432-9355 – Site web : maisondariane.ca
30 ans de lutte à tous les niveaux
Denise Brouillard a été la première coordonnatrice de la Maison d’Ariane. C’était en 1985. Elle nous explique que la Maison est née cette année-là de la volonté d’un groupe de femmes de différents horizons, sensibilisées aux situations que vivaient les femmes victimes de violence conjugale. La maison hébergement répondait à des besoins dans la communauté. À l’époque, la maison d’hébergement la plus proche était Le Mitan à Sainte-Thérèse.
« C’était une urgence. La violence conjugale était encore plus tabou dans ces années-là, nous explique-t-elle. Au départ, on était trois personnes engagées pour assurer le 24 /7. J’ai assumé la coordination. La première étape a été de trouver un endroit sécuritaire, un local – un logement loué, meublé dans les ouvroirs-, de structurer l’intervention tout en n’ayant pratiquement pas de subvention.»
« On faisait tout, l’intervention, de la cuisine collective, c’était ouvert 24 h sur 24. On a roulé à plein dès le départ. Il n’y avait pas toute la sensibilisation qu’il y a maintenant face à la violence, C’était beaucoup de militantisme, beaucoup d’implication!»
Vécu individuellement
Denise était présente à la Vieille Gare pour les 30 ans de la Maison. «J’ai été très touchée par la prise de paroles des femmes dans le documentaire. C’est un problème qui est vécu individuellement, mais qui est un problème social, systémique dans notre société. La prise de parole des femmes est porteuse de changements. Les femmes ont en elles, en travaillant ensemble, des outils pour surmonter cela. »
Autre chose a touché Denise Brouillard « La Maison d’Ariane est l’oeuvre de plusieurs femmes qui ont donné du temps et de leur coeur. Savoir que ça perdure dans le temps, c’est important pour nous. Aussi, de voir que le travail qui a été fait par l’équipe de départ a été utile et est (encore) utile. C’est un legs à la communauté. »
Quelques chiffres
Au Québec 1 femme sur 5 vivra de la violence conjugale au cours de sa vie.
Chaque année ce sont en moyenne 120 femmes, accompagnées de leurs enfants qui sont hébergées à La Maison d’Ariane.
2642 femmes et 2336 enfants y ont été hébergés depuis sa fondation il y a 30 ans.
Chaque année le nombre de relations d’aide, téléphoniques et en face à face, menées auprès de femmes non hébergées, s’élève à plus de 1000. L’aide offerte vise notamment la sécurité des
victimes, l’accompagnement dans la défense de leurs droits et l’intervention en vue de diminuer l’impact de la violence sur les femmes autant que sur les enfants.