Les chefs de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) étaient rassemblés à Saint-Sauveur. Photo : Simon Cordeau

La Déclaration sur les droits des Premières Nations aux langues ancestrales est signée à Saint-Sauveur

Par Simon Cordeau

Le deuxième Forum sur les droits linguistiques des Premières Nations s’est tenu au Manoir Saint-Sauveur, les 4 et 5 septembre. L’événement s’est terminé par la signature de la Déclaration sur les droits des Premières Nations aux langues ancestrales.

« Je pense que c’est un moment historique pour nos Nations d’adopter une déclaration comme telle, pour protéger, promouvoir et surtout sauvegarder nos langues. Nous avons cette responsabilité d’assurer la protection de nos langues, pour que les prochaines générations puissent encore les parler », s’est réjoui Sipi Flamand, chef de Manawan et chef porteur du dossier des langues pour l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL).

Situation précaire

L’APNQL représente 43 communautés issues de 10 nations et « autant de dialectes », a souligné le chef de l’APNQL, Ghislain Picard. Ces dialectes « font partie de la réalité d’aujourd’hui, mais représente aussi une énorme préoccupation ». Il a aussi souligné l’importance « de reconnaître et remercier le territoire qui nous reçoit ». « On sait que nos langues viennent du territoire. On protège par ailleurs l’ensemble de nos territoires avec cette déclaration-là », a ajouté M. Flamand.

La déclaration représente un engagement envers « ce qui est nécessaire et doit être fait pour garantir et protéger nos langues ancestrales », a poursuivi M. Picard. « C’est une position basée sur le consensus, qui avance plusieurs principes clés concernant les langues autochtones », a-t-il indiqué.

Le chef a rappelé que nous en sommes à la deuxième année de la Décennie internationale des langues autochtones, décrétée par l’UNESCO. « De toute évidence, nous sommes aux premières loges de cet énorme défi que présente la sauvegarde des langues autochtones au niveau international. »

Au Canada, il y a plus d’une soixantaine de dialectes autochtones, « dont beaucoup sont dans une situation extrêmement précaire ». « Dans certains cas, pour nos soeurs et nos frères de la Côte ouest, ce sont des locuteurs qui se comptent sur les doigts des deux mains », a illustré M. Picard.

« Notre droit, notre juridiction et notre compétence »

M. Picard a insisté que la déclaration est aussi un message adressé aux gouvernements du Québec et du Canada, et même aux gouvernements municipaux. La déclaration affirme « l’étendue de ce que nous considérons comme étant notre droit, notre juridiction et notre compétence à protéger nos langues ».

Les Premières Nations sont ouvertes à une collaboration et même à l’adoption de lois dans l’objectif de les soutenir, comme l’a fait le gouvernement fédéral avec la loi C-91, a ajouté M. Picard. « La Déclaration est un peu cette invitation-là, cette main tendue aux gouvernements, pour qu’on puisse s’assoir ensemble, sans qu’une partie conditionne l’autre partie. […] Les gouvernements se doivent également de respecter nos processus. On représente une grande diversité. »

Langue coloniale

« Je vais vous parler dans la langue coloniale qui a été utilisée pour la Nation crie », a souligné la grande cheffe crie Mandy Gull Mast.

En 2019, le gouvernement cri a adopté une première loi pour supporter et promouvoir l’usage de la langue crie. « Elle vise aussi à supporter les efforts des Cris à retrouver, revitaliser, maintenir et renforcer la langue crie. Elle a un plan pour assurer que des activités sont en place pour restaurer, continuer d’utiliser et maîtriser la langue crie. »

« Pour nous, la langue crie est primordiale. Nous avons une responsabilité de la protéger », a-t-elle insisté. L’objectif est également d’avoir les outils pour « se réapproprier » la langue crie.

La grande cheffe Gull Mast a souhaité que cette loi serve d’exemple de collaboration. « Je suis profondément touchée de voir tous les chefs participer à l’adoption de la déclaration. […] Nous avons chacun notre propre approche pour maintenir nos langues ancestrales. »

« Un droit de naissance »

Sarah Cleary, directrice du Comité régional des langues ancestrales, a souligné la participation de tous les chefs dans la rédaction de cette déclaration. « Également, nos aînés ont pris leurs forces et sont encore très actifs dans leur rôle de transmettre et protéger leur langue », a-t-elle ajouté.

« C’est un droit de naissance, pour nos enfants et les générations qui s’en viennent, de parler leur langue. C’est pour ça qu’on va travailler », a souligné Mme Cleary. « Nos langues sont une richesse collective : pas seulement pour nous, mais pour l’ensemble de la société. »

L’objectif est aussi de « renforcer les capacités des acteurs qui sont sur le terrain ». « Quelles communautés sont capables de créer des locuteurs aujourd’hui ? Comment elles le font ? » Ces réussites pourront ensuite être partagés avec les autres communautés.

Mme Cleary a souhaité qu’il y ait « des enfants de 4 ans qui n’ont pas de parents ou de grands-parents qui parlent la langue, mais qu’on ait mis en place, dans nos structures et nos institutions, des modèles tellement efficaces, qu’ils peuvent se réapproprier ce droit de parler leur langue ».

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