La crise d’Octobre, sous un autre angle
Par Journal-le-nord
Une enquête de meurtre, une période effervescente et des luttes oubliées
Il y a environ trois ans, la réalisatrice Flavie Payette-Renouf découvre l’univers des « true crimes », alors qu’en parallèle, elle s’intéresse de plus en plus au Front de libération du Québec (FLQ). Elle rencontre alors le journaliste Antoine Robitaille qui depuis 2010, avec son collègue du Devoir Dave Noël, s’intéresse à l’assassinat de l’ancien felquiste Mario Bachand. L’occasion de réunir ses deux intérêts se présente alors. Pourquoi ne pas relier une enquête de meurtre non résolu à l’histoire du FLQ?
« Le dernier felquiste »
C’est à l’automne 2017 qu’Antoine Robitaille et Dave Noël se joignent aux réalisateurs Flavie Payette-Renouf et Félix Rose, fils de Paul Rose, pour travailler sur le projet. Le résultat voit le jour cet automne et prend la forme d’une série de six épisodes intitulée « Le dernier felquiste ». Le spectateur est plongé au cœur de l’enquête des deux journalistes, tout en découvrant l’histoire du FLQ et de ses différents réseaux. Bref, ce projet ambitieux, mais très bien ficelé, permet de non seulement divertir, mais aussi d’éduquer.
Mise en contexte
Ce n’est pas la première fois que Flavie Payette-Renouf aborde l’histoire du Québec à travers ses réalisations. Elle a notamment réalisé un film documentaire sur sa grand-mère, Lise Payette, en 2013. « J’aime comprendre la société dans laquelle je vis. J’aime la mise en contexte, comprendre d’où on vient et ça permet de comprendre qui on est aujourd’hui et où on s’en va. »
Cette mentalité s’est transposée à travers sa manière d’aborder l’histoire du Front de libération du Québec. « On raconte toujours la crise d’Octobre parce que c’est l’apogée. Il y a eu le meurtre du vice-premier ministre du Québec, donc ça marque les esprits. » Or, elle réitère l’importance de dépeindre le contexte qui a précédé cette période, en passant notamment par le sentiment d’oppression des Canadiens-Français à l’époque et l’évolution du FLQ à partir de sa fondation en 1963. « J’ai trouvé important de raconter cette histoire-là aussi, afin de comprendre qu’octobre 1970, c’est l’aboutissement de 7 années d’action du FLQ. »
Dans les dernières années, Félix Rose s’est lui aussi immiscé dans l’histoire du Front de libération du Québec, de la crise d’Octobre et de sa famille, à travers son film « Les Rose » dévoilé au public en août dernier, ainsi que « Le dernier felquiste », disponible sur Club Illico depuis le 1er octobre. Avec le recul, le réalisateur qualifie la période des années 1960 comme ayant été « très importante » et « très effervescente » dans l’histoire du Québec.
Il s’agit en effet d’une décennie de luttes, dont celle pour l’indépendance, mais aussi de plusieurs autres revendications, par exemple chez les ouvriers, les Canadiens-Français ou encore les femmes. Félix Rose rappelle que dans les années 1960, les femmes n’étaient pas admises sur le jury, une injustice qui sera dénoncée pendant le procès des felquistes.
Dans les luttes méconnues de l’époque, Flavie Payette-Renouf souligne pour sa part le mouvement en faveur d’une francisation de l’éducation alors qu’il n’y avait qu’une seule université francophone à Montréal (l’Université de Montréal). Mario Bachand avait justement participé activement à la manifestation « McGill français » qui avait « brassé la cage », selon la réalisatrice de 32 ans.
L’héritage d’une décennie
« Ces actions des années 60, ces victoires, nous les récoltons aujourd’hui. Ce n’est pas terminé. Il y a encore des combats pour l’égalité et la justice, mais ils ont tracé la voie pour nous », affirme Félix Rose.
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Ce dernier trace un parallèle entre l’époque militante de son père et les manifestations du printemps érable en 2012 auxquelles il a participé. « C’était joyeux jusqu’au jour où Jean Charest provoquait les jeunes en refusant de les écouter, en refusant de négocier et en faisant une loi anti-manifestation. C’est à ce moment-là qu’elles sont passées de manifestations à émeutes. La leçon c’est que si tu n’écoutes pas ta jeunesse, que tu leur enlèves le droit de s’exprimer, à un moment donné, le seul recours qu’il reste pour plusieurs d’entre eux, c’est la violence. La meilleure manière d’empêcher ça, c’est si les gens au pouvoir comprennent l’importance de les laisser s’exprimer. »
Pour le réalisateur, il s’agit d’une continuité entre les luttes d’hier et celles d’aujourd’hui. « Chaque génération a le devoir de poser des actions pour améliorer la société. […] Elles doivent s’inspirer des luttes antérieures pour aller plus loin, pour revendiquer plus de droits. Chaque génération a le devoir de poursuivre la lutte des générations qui les précèdent. »