(Photo : Courtoisie - Moisson Laurentides)
Le soutien alimentaire est découpé en deux grands axes: le dépannage alimentaire et les services de repas, qui comprennent les repas.

Insécurité alimentaire : Plus de 25 000 personnes aidées chaque mois

Par Ève Ménard

L’insécurité alimentaire dans les Laurentides atteint des niveaux inégalés. Moisson Laurentides enregistre le nombre le plus élevé d’usagers aux services de dépannage alimentaire et de cuisines collectives de son histoire. En un mois, 25 094 personnes ont eu recours à l’aide alimentaire dans la région. Il s’agit d’une augmentation de 27 % par rapport à 2023.

C’est ce que révèle le Bilan-Faim 2024 qui, chaque année, compile des données sur les services et la clientèle de l’aide alimentaire pendant un même mois type, soit le mois de mars. Pour la première fois, Moisson Laurentides a choisi d’approfondir les résultats de ce bilan pour présenter un portrait plus précis de l’état de l’insécurité alimentaire sur son territoire et pour chacune des MRC desservies.

Le soutien alimentaire dans les Laurentides est découpé en deux grands axes : le dépannage alimentaire, c’est-à-dire les paniers de provisions, et les services de repas, qui comprennent les repas, les collations, les popotes et les cuisines collectives. Dans la MRC de La Rivière-du-Nord, 696 personnes ont eu recours aux services de repas et 2 621 aux services de dépannage alimentaire, pour un total de 3 590 personnes aidées durant le mois de mars 2024.

« Tous les indicateurs sont au rouge »

« Depuis 2019, c’est la 5e fois consécutive qu’il y a une hausse du nombre de personnes qui font appel à un service d’aide alimentaire », indique la directrice générale chez Moisson Laurentides, Annie Bélanger. Celle-ci nous fait aussi remarquer que l’ampleur des besoins est même plus grande que ce que les chiffres démontrent. En effet, sur les plus de 25 000 personnes qui ont eu recours aux services d’aide alimentaire, certaines d’entre elles y vont plus d’une fois par mois, explique la directrice générale.

D’ailleurs, Moisson Laurentides constate non seulement une augmentation du nombre de personnes qui font appel aux services d’aide alimentaire, mais également de la fréquence à laquelle les services doivent être reçus. Des usagers fréquentent donc les services sur une base de plus en plus régulière. « Non seulement les gens sont plus nombreux, mais ils ont plus de besoins aussi », résume Annie Bélanger.

Le profil des usagers se diversifie également. L’insécurité alimentaire ne se limite plus aux groupes traditionnellement vulnérables. Elle touche aussi les personnes salariées et étudiantes, ainsi que les ménages biparentaux. Entre 2023 et 2024, on a observé une hausse de 95 % chez les étudiants ayant eu recours à l’aide alimentaire, ainsi que des hausses de 33 % chez les couples, de 48 % chez les salariés et de 108 % chez les nouveaux arrivants.

« Tous les indicateurs sont au rouge et nous laissent craindre le pire pour les prochaines années », affirme Annie Bélanger à propos du bilan de 2024.

S’attaquer aux sources du problème

Préoccupée par l’état de la situation, Annie Bélanger souhaite qu’on s’attaque aux sources de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. Le bilan de Moisson Laurentides en identifie d’ailleurs quelques-unes. Selon les organismes de la région, les trois facteurs principaux qui expliquent l’accroissement de la demande sont la hausse du coût des aliments, une rémunération insuffisante et la hausse des taux hypothécaires et du coût du logement.

« Si on veut que les organismes communautaires soient en mesure d’offrir les services, il faut qu’il se passe quelque chose au niveau des politiques », affirme Mme Bélanger. Celle-ci a confiance dans le réseau communautaire, mais celui-ci ne peut pas tout faire seul. « Au quotidien, je vois des organismes, des personnes engagées, des bénévoles, des entreprises donatrices et la population qui sont au rendez-vous. Mais il reste que ça ne peut pas reposer juste sur le communautaire. Il faut qu’un coup de barre du gouvernement soit donné. Il faut des politiques provinciales et fédérales qui vont venir aider les gens à la source », insiste la directrice générale chez Moisson Laurentides.

Diminution des denrées et besoin de se réinventer

L’augmentation et la diversification des besoins met une pression immense sur les ressources, qui ont de la difficulté à répondre à la demande. Dans la région, 71 % des organismes accrédités par Moisson Laurentides disent avoir manqué de denrées au cours des 12 derniers mois. D’ailleurs, bien que la demande augmente, les dons en denrées ne sont pas plus nombreux. En 2023-2024 dans les Laurentides, 3,6 millions de kilogrammes de nourriture ont été distribués. Le chiffre était le même en 2022-2023, et c’est moins que les 4,3 millions de kilogrammes enregistrés en 2019-2020.

Comment expliquer cette stagnation ou cette diminution des dons en denrées ? Il y a plusieurs raisons, souligne Annie Bélanger. D’abord, il n’y a pas moins d’entreprises qui donnent des denrées, indique la directrice générale. C’est au niveau des quantités que ça change. Cela peut s’expliquer par l’essor de l’intelligence artificielle qui permet d’éviter des erreurs de production, la lutte au gaspillage qui amène les industries à mieux gérer leur inventaire ou la crise climatique qui affecte les productions agricoles. Tous ces facteurs peuvent avoir un impact sur l’approvisionnement de Moisson Laurentides.

Pour faire face à ces défis, l’organisme doit se réinventer, dit Annie Bélanger. Elle donne l’exemple de leur nouveau projet de glanage dans les champs, qui a pour objectif de récupérer les surplus dans les récoltes des producteurs. Moisson Laurentides souhaite aussi prolonger la durée de vie des aliments et fait de la sensibilisation pour rappeler son existence et sa mission.

Mais encore une fois, l’organisme a beau se réinventer, il ne peut pas régler l’insécurité alimentaire ou les enjeux de pauvreté, d’où la nécessité de s’attaquer aux sources du problème, rappelle Annie Bélanger.


Les données pour mars 2024 dans la MRC de La Rivière-du-Nord

3 590 personnes uniques aidées, dont 969 par les services de repas et collations, et 2 621 par les services de dépannage alimentaire.

Le nombre de personnes ayant reçu un service de dépannage alimentaire a augmenté de 19 % entre 2023 et 2024, passant de 2 206 à 2 621.

La composition des ménages pour le dépannage alimentaire :

  • 13,1 % de familles monoparentales
  • 16,5 % de familles biparentales
  • 12,5 % de couples sans enfant
  • 49,3 % d’adultes vivant seuls
  • 8,6 % d’autres

La Grande Guignolée de Moisson Laurentides aura lieu le 5 décembre prochain. Ceux ou celles qui voudraient y participer comme bénévoles peuvent déjà s’inscrire sur le site web de Moisson Laurentides.

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