Hyperconnectivité

Par Journal-le-nord

Que ce soit à travers notre téléphone, notre tablette ou notre ordinateur, nous sommes de plus en plus connectés. Mais nous avons chacun une relation différente avec nos écrans. Nos journalistes Simon Cordeau et Ève Ménard se sont penchés sur leur propre rapport à la technologie, pour mieux comprendre l’hyperconnectivité de notre société.

Simon Cordeau – Les écrans, c’est génial. J’aime lire des bandes dessinées des années 70 sur ma tablette, tomber sur une référence culturelle obscure, et en trouver la signification, sans attendre, sur Wikipédia. J’aime y trouver une publicité pour le dernier album de Frank Zappa, qu’on promet de me livrer dans 2 mois, et pouvoir l’écouter, là, maintenant, sur Spotify.

J’aimais, lorsque j’étais à Vancouver, pouvoir parler avec mes proches, et leur voir la binette, alors que 4 500 km nous séparaient.

J’ai accès à tout le savoir de l’Humanité, je peux contacter presque n’importe qui sur Terre, et je suis témoin, instantanément, de tout ce qui se passe dans le monde. Et tout ça, grâce à un petit appareil dans mes poches, plus petit et moins lourd que mon premier Gameboy. Je peux même jouer à Tetris dessus! Ou à Candy Crush…

Mais les écrans, c’est aussi terrifiant

Votre oncle un peu malaisant qui croit aux théories les plus bizarres peut maintenant s’adresser au monde entier. Pire : il y trouve des gens pour l’écouter, et le croire!

Ça ne me dérangeait pas tant d’inviter Big Brother dans ma poche. Je me disais que nos démocraties vont bien, que nos droits et libertés sont bien protégés, que le fascisme et autres totalitarismes sont choses du passé. Mais depuis Trump… Et cette année, pandémie oblige, j’ai l’impression de vivre dans un aquarium. J’ai exploré l’Histoire avec des jeux vidéos immersifs.

Grâce à YouTube, j’ai marché dans les rues de New York, d’Istanbul et de Paris. J’ai même refait les manèges de Walt Disney World! Mais dans un divan immobile, c’est moins excitant.

Je déteste devoir encore parler à mes proches à travers un écran, quand moins de 50 km nous séparent.

Je regarde par la fenêtre de mon aquarium, et je me demande quand, au lieu de voir le monde à travers mes écrans, je pourrai de nouveau aller m’y perdre.

Je crois cependant que, même si on nous laisse un jour sortir de nos aquariums, on ne pourra jamais se débrancher. On a ouvert une boîte de Pandore. Comme lorsqu’on a divisé l’atome, ou qu’on a, oh sacrilège, traduit et imprimé la Bible.

Vous savez, Platon croyait que l’écriture, invention encore récente pour les Grecs, était un mal pour le monde. Qu’elle abrutirait les jeunes, et que ceux-ci n’exerceraient plus leur mémoire.

On le sait, presque 2 500 ans plus tard, parce qu’il l’a écrit.

Quelques réseaux clés

FACEBOOK
Accessible à tous en 2006
Version francophone-canadienne : 2009
2020 : 2,74 milliards d’utilisateurs actifs mensuels

INSTAGRAM
Lancement : 2010
2020 : 1,08 milliard d’utilisateurs actifs mensuels

SNAPCHAT
Lancement : 2011
2020 : 210 millions d’utilisateurs quotidiens

Ève Ménard Plus jeune, à 11 ou 12 ans, j’appelais mes amis sur leur téléphone de maison pour leur demander s’ils voulaient jouer avec moi. J’ai fini par connaître leur numéro par cœur. Pour mon anniversaire, ma mère et moi préparions des cartes que je remettais en mains propres à ceux et celles que j’invitais à ma fête. Le lendemain, ils me revenaient avec une réponse dans la cour d’école. Pendant nos récréations au primaire, on inventait des chorégraphies à la « High School Musical » qu’on présentait à nos amis. 

Aujourd’hui, le téléphone nous rend mal à l’aise; on préfère texter. Et quand une amie nous appelle, c’est souvent parce que nous n’avons pas répondu assez rapidement à son texto. Pour nos fêtes, on créée un groupe Messenger et on fait un sondage. On supprime des gens et on en rajoute d’autres. On consacre encore du temps à faire des chorégraphies entre amis, mais maintenant, on les présente sur Tik Tok.

Je m’approche de plus en plus de la formule moralisatrice « dans mon temps… » et pourtant, je n’ai que 20 ans. C’est bien le plus éloquent, car j’ai l’impression qu’il existe tout un monde entre mes années du primaire et la réalité actuelle. Nous sommes devenus hyperconnectés en quelques années seulement et de plus en plus jeunes. Et même ceux et celles qui du haut de leur jeune vingtaine ont connu la « belle époque » des cartes d’invitation, ne peuvent plus se passer des réseaux sociaux et de leur téléphone cellulaire. Je ne peux même pas m’empêcher de scroller mon fil d’actualité Facebook pendant que je visionne « The Social Dilemma » sur Netflix. Très ironique. Mais ça prouve une chose : Nous avons constamment besoin d’être stimulés.

J’ai pensé, pour l’exercice, supprimer toutes mes applications : Facebook, Snapchat, Twitter, Messenger. Finalement, j’ai réalisé que le défi n’était même pas réalisable dans son entièreté. Sans Messenger, je ne peux plus coordonner mes rencontres d’équipe pour des travaux universitaires et échanger avec mes collègues. L’enseignement à distance et le télétravail en ces temps de pandémie ne font qu’accentuer encore plus la dépendance généralisée à la technologie et met en lumière notre rapport à l’hyperconnectivité. À un tel point qu’on peut se demander si vivre sans réseaux sociaux, sans cellulaire, est aujourd’hui possible. Risquons-nous de perdre des amis? D’être moins bien informés? De nuire à notre carrière? En parallèle, les problèmes de santé mentale chez les jeunes s’accentuent. Peut-on relier l’émergence et l’évolution des réseaux sociaux à ce nouveau constat inquiétant?

Santé mentale chez les jeunes du secondaire

Détresse psychologique
2010-2011 : 20,8% | 2016-2017 : 29,3%

Troubles anxieux
2010-2011 : 8,6%  |  2016-2017 : 17,2%

Dépression
2010-2011 : 4,9% | 2016-2017 : 5,9%

Trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité
2010-2011 : 12,6% | 2016-2017 : 23%

Source : Institut de la statistique du Québec, Enquête québécoise sur la santé des jeunes
du secondaire 2010-2011 et 2016-2017.

L’hyperconnectivité, en chiffres

  • Au Canada, 42 % des enfants de moins de 9 ans, 55 % des jeunes de 10 à 13 ans et 77 % des ados de plus de 14 ans possèdent leur propre cellulaire avec une connexion Internet.
  • Environ 21 % des élèves montréalais de 6e année utilisent les écrans de façon intensive, soit plus de 4 heures par jour, pour des activités de loisirs.
  • Environ 16 % des adultes montréalais utilisent les écrans de façon intensive, soit plus de 4 heures par jour, pour des activités de loisirs.
  • Au Québec, on estime que près de 18 % des jeunes du secondaire seraient à risque de développer une utilisation problématique d’Internet.
  • Chaque jour, on scroll en moyenne 12 étages de hauteur

Source : pausetonecran.com

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