(Photo : Gérard Coderre)
Pèlerinage au lac Nam Tso au Tibet

Funérailles célestes au Tibet (Chine)

Par Journal-le-nord

Chronique d’un routard

Il y a plus de 45 ans, du 1er juin 1972 au 1er septembre 1974, Gérard Coderre a fait son premier tour du monde en parcourant 75 pays avec un sac à dos et un budget de 3$ par jour. Aujourd’hui, il a visité quelques 150 pays et continue de voyager, toujours avec le strict minimum. Conscient d’avoir vécu des expériences exceptionnelles, il décide de partager avec vous, chers lecteurs, certaines d’entre-elles. Il vous fera découvrir, au fil des mois, des coutumes uniques de partout à travers le monde. Bonne lecture!

Pour le bouddhiste, le corps humain est composé de quatre éléments : la terre, l’eau, le feu et le vent. Les rites funéraires sont donc liés à ces quatre éléments : l’inhumation est le retour à la terre, l’immersion à l’élément eau, la crémation à l’élément feu, et les funérailles célestes, à l’élément vent.

Au monastère de Drigung Til, blotti à flanc de montagne, à plusieurs heures de route de Lhassa au Tibet, le jour se lève à peine. Un cortège s’ébranle. Deux porteurs, accompagnés de quelques moines, transportent sur une civière le corps de la défunte enveloppé dans un linceul blanc qui, après plusieurs jours de deuil, a été confié au « faiseur de cadavres », un moine bouddhiste qui présidera la cérémonie. Le parcours est difficile sur le chemin de la kora, un sentier de montagne couvert d’une mince couche de neige à cette altitude et qui mène au cimetière céleste.

Une fois au lieu prévu pour la cérémonie, le corps est déposé par terre. On attend en silence l’arrivée du « boucher » pendant que les vautours, qui ont compris que ce branle-bas sonnait l’heure du repas, s’attroupent tout autour. On allume un feu de bouse de yak pour guider l’âme du défunt vers le ciel pendant que le « faiseur de cadavres » affûte ses couteaux et revêt bottes, salopette et tablier pour accomplir sa « sale » besogne. La pression monte.

Les vautours, qui sont maintenant plus d’une centaine, s’agitent. Le « dépeceur » s’approche du corps, enlève le linceul et défait les liens qui retiennent le cadavre nu dans la position du fœtus. Quelques gestes précis et habiles suffisent à découper de larges lanières de chair, idée de faciliter le travail des rapaces. Déjà difficiles à garder à distance, des vautours prennent l’initiative. Les autres suivent rapidement. Le « dépeceur » n’a d’autre choix que de céder sa place. En quelques minutes, tout est terminé et les vautours ne se battent plus que pour quelques viscères et le contenu de la boite crânienne. Le « dépeceur » revient à la charge pour écraser à coup de masse les os qui restent. Puis, moment fort de la cérémonie, il fracasse le crâne du défunt en psalmodiant la formule sacrée : Om Mani Padme Um.

Les vautours les plus gourmands reviennent à table pour terminer ce qui reste. On brûle ensuite les derniers fragments sur le feu de bouse de yak car, pour que l’âme soit complètement libérée et se réincarne, il ne doit rien rester du corps qui doit retourner au vent.

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