(Photo : Ève Ménard)

Rose Eva rêve d’une seconde chance

Par Daniel Calvé

Une jeune Camerounaise menacée d’expulsion

« Je me sens vraiment impuissante. Tout ce que je peux faire, c’est attendre mon verdict », affirme Rose Eva. « Son attache est ici auprès de moi. Sa vie est ici au Québec, Je voudrais qu’elle ait un avenir. Elle a beaucoup de choses à apporter », soutient sa grande sœur, Fernande Messina.

Les deux femmes se considèrent comme privilégiées. Tout ce qu’elles demandent, c’est une seconde chance. « Je comprends que l’erreur me revient », déclare Rose Eva. « Je n’ai pas assuré dans les circonstances. J’ai pris mes études au sérieux et je ne me suis pas intéressée aux réglementations. J’aimerais vraiment avoir une seconde chance. » Reste-t-il encore de l’espoir ? L’avocat, Maître Fall, reconnaît que les chances sont très minces. « C’est sûr qu’il y a encore de l’espoir, mais ça va être difficile ».

Du Cameroun à Saint-Jérôme

En juillet 2017, Rose Eva quitte le Cameroun pour s’installer chez sa sœur, à Saint-Jérôme. L’objectif est simple: poursuivre ses études et parfaire ses compétences par le moyen d’une formation de bonne qualité dont elle n’avait pas accès dans son pays, pour ensuite faire profiter le Québec de ses qualifications en informatique, d’ailleurs hautement recherchées.

Fernande, âgée de 39 ans, décrit sa sœur comme étant travaillante et très intelligente. L’aînée a préalablement habité la France, puis s’est installée à Saint-Jérôme le 1er juillet 2014. « Quand j’ai quitté le Cameroun, elle [Rose Eva] était pratiquement bébé. Je prenais de ses nouvelles à distance. Elle a toujours eu de très bonnes notes. Elle est travaillante. Chez nous, il n’y a que le travail qui paye. »

Les études à temps plein et le travail à temps partiel

La formation de Rose à Teccart à Montréal débute le 6 septembre 2017 et devait se terminer le 20 décembre 2019. En parallèle, pendant sa scolarité, Rose Eva se trouve un travail à temps partiel dans un magasin de vêtements. « Le marché québécois pour moi était encore étranger à cette époque-là, donc je voulais m’en imprégner. Ce n’était pas une nécessité, mais c’était important pour moi parce que je voulais savoir comment ça fonctionne. »

Excellente élève, elle termine sa formation trois mois plus tôt que prévu, soit le 17 septembre 2019. Elle continue alors à travailler à temps partiel en attendant de se trouver un emploi dans son domaine d’étude. « J’ai fini en septembre au lieu de finir en décembre. Je pensais toujours être couverte par mon permis d’étude qui expirait le 31 mars 2020. C’était le temps des Fêtes; il fallait des gens sur le plancher. Je voulais aider, mais en aidant, ça m’a fait du tort parce qu’il y a eu de la confusion. »

L’avis d’expulsion

Le 28 décembre 2019, elle se rend à la frontière dans le but de pouvoir récupérer un permis post-diplôme lui permettant de travailler à temps plein dans son domaine. Lorsque l’agent lui demande si elle a travaillé suite à l’obtention de son diplôme, la Camerounaise répond en toute honnê-teté: oui « Je ne savais pas que j’étais hors la loi. ». C’est à ce moment qu’elle est informée du fait que dès ses études terminées, même si son permis d’étude était encore valide, elle aurait dû arrêter de travailler. « J’étais confuse parce que je ne maîtrisais pas cette technicalité-là. » Résultat: un avis d’expulsion daté du 7 janvier 2020. Cette journée-là, elle s’est présentée comme prévu au 1010 à Saint-Antoine où ils ont fixé une date pour l’expulsion, soit le 27 janvier 2020.

« C’est mal. Je le vis très mal», affirme Fernande. « C’est moi qui l’ai poussée à aller à l’école rapidement, à toujours travailler dur. Quelque part, je m’en veux. J’aurais peut-être dû la laisser évoluer au rythme normal. Ma petite sœur, elle a eu sa maîtrise au Cameroun elle avait 20 ans. Pour nous, c’était normal qu’on l’encourage. »

Chaque jour, Rose Eva faisait quatre à cinq heures de transport pour aller étudier à Montréal. « Je lui disais qu’il neige, qu’il pleuve, qu’il vente, tu dois aller à l’école. Elle n’a jamais eu d’absence. Elle était parmi les meilleures. Je comprends la faute administrative. Je comprends qu’elle aurait dû savoir. Mais je me demande si on peut faire appel au côté humain et lui donner une deuxième chance ».

La bataille et les procédures judiciaires

Lorsque Rose Eva a appelé sa grande sœur de la frontière, le 28 décembre, elle tremblait de partout, raconte-t-elle. « La voyant entrer à la maison tellement abattue, je me suis dit qu’il faudrait que je me batte pour elle. Je voulais qu’elle se relève malgré l’épreuve. C’est ma philosophie. Lorsque tu tombes, tu te relèves et tu apprends de tes erreurs », souligne l’aînée.

C’est alors que celle-ci s’est mise à passer de nombreux appels. Elle contacte une vingtaine d’avocats. Finalement, Cheikh Sadibou Fall accepte d’écourter ses vacances de Noël afin d’épauler la jeune Rose Eva. « J’ai accepté le dossier parce que j’ai eu conscience d’une fille en détresse. Et je crois qu’elle méritait d’être accompagnée et représentée par un avocat pouvant l’aider à travers les procédures », affirme Maître Fall.

La première étape a été de déposer une demande de sursis aux agences de service frontalier afin de reporter la date du 27 janvier. La demande a été rejetée. Ensuite, l’avocat a déposé une requête en sursis de la décision de renvoi à la Cour fédérale. « Si le juge accepte notre demande, le renvoi sera suspendu jusqu’à ce que la Cour entende notre demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qui a déjà été déposée depuis le 3 janvier. Si le juge refuse notre demande, le renvoi sera maintenu à la date du 27 janvier 2020, ce qui rendra difficile notre demande de contrôle judiciaire », explique l’avocat.

Nathalie Lasalle au cœur de la mobilisation

En parallèle, pendant le temps des Fêtes, la conseillère municipale de Saint-Jérôme, Nathalie Lasalle, est mise au courant de la situation. « J’ai commencé à cerner le dossier et je me suis dit que c’était ridicule. » Elle écourte ses vacances de Noël et rejoint le député de Rivière-du-Nord, Rhéal Fortin, qui s’est immédiatement rangé à la cause de la jeune femme.

« Comme société on dépense des millions pour essayer de convaincre les gens d’ailleurs de venir s’installer chez nous. Il y a quelqu’un qui s’installe chez nous, qui est parfaitement intégré, qui étudie à temps plein, et en plus, qui a des compétences recherchées au Québec. Et parce qu’elle a mal compris une directive et a travaillé plus qu’elle aurait dû, on va la retourner chez elle. Je trouve que c’est plus que maladroit, c’est contre-productif », déclare Rhéal Fortin.

Le député a notifié son opinion au ministre de l’immigration du Canada. Monsieur Fortin m’explique que ce dernier a affirmé qu’il se penchait sur le dossier; quelqu’un de son cabinet allait s’en occuper. « J’ai fait des démarches qu’on ne fait pas habituellement », affirme le député. « En politique, on doit défendre les règles de société qu’on s’est donné. Parfois, il faut faire preuve d’un peu de souplesse. […] Je pense que Rose Eva mérite de rester chez nous et on mérite de l’avoir. »

Pendant ces démarches de nature politique, Nathalie Lasalle a jugé qu’il était primordial de médiatiser l’affaire. Elle contacte alors le journaliste du Journal de Montréal, Stéphane Sinclair, dont l’article parait le 15 janvier dernier. « Je comprends qu’il y a des lois, mais ce qui me dérange, c’est que le côté humain ne soit pas respecté. […] C’est quelque chose qui vient me chercher; c’est pour ça que j’ai donné autant d’énergie à la cause », affirme la conseillère.

Les deux sœurs sont extrêmement recon-naissantes de l’appui qu’on leur donne. « Je suis très touchée par la mobilisation qui se fait autour de moi. Je n’arrive pas à croire qu’autant de monde porte ma cause », soutient Rose Eva.

4 commentaires

  1. Rose Eva que ton coeur ne se trouble point!!,estime toi chanceuse d’avoir autant de personne derrière toi ,c’est déjà une grâce énorme.Fernande merci pour ton soutien de grande soeur ,maman d’autre l’aurait abandonné ,mais tu es là pour elle💪❤ !!
    Je crois que tu demeureras à saint jérôme!!
    Soit forte!!

  2. Bonjour!
    J’ai écouté Rose expliquer sa situation et je voudrais me joindre à sa grande sœur et à elle pour plaider en sa faveur. Elle a travaillé alors qu’elle n’était pas sensé le faire, mais en l’écoutant, j’ai eu la ferme conviction que son intention en allant travailler n’était pas de poser un acte illégal. Je voudrais donc implorer l’indulgence de l’autorité canadienne compétente afin que Rose ne soit pas expulsée du Canada, mais qu’elle ait la possibilité de se réaliser au plan professionnel et contribuer de ce fait au progrès de la société canadienne.
    Je vous remercie !

  3. Les pays développés sont très intransigeants avec ce problème de travail des étudiants. Les émissions border customs montrent souvent à l’aéroport, les étudiants de retour de vacances qui perdent leur permis de séjour parce que l’immigration se rend compte qu’ils ont dépassé le quotas de 20h hebdo de travail, donc ce n’est pas une première.
    Cependant le Canada est unique au monde et l’Amazonie de l’espoir et de la liberté … Chaque cas devant être traité cas par cas, il apparait que Rose Eva incarne en bien de cas de l’Étrangère Modèle si ce n’est Idéale, et que son futur au Canada le prouvera, puisqu’elle s’est donnée les moyens dy ‘avoir une réussite exemplaire …

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