Vélos et autos : Partager la route
Par Simon Cordeau
Charlotte Crober habite à Val-David. Elle travaille au Cégep de Saint-Jérôme. Et elle s’y rend en vélo. « Le matin, ça me prend 2 heures et le soir, 2h30, parce que ça monte. Ça fait 84 km. L’objectif est de le faire au moins trois fois par semaine », explique-t-elle. Sur le P’tit Train du Nord, ça roule bien. Mais lorsqu’elle en sort, la cohabitation avec les automobilistes sur la route est plus difficile, voire dangereuse. Discussion.
Charlotte se déplace à vélo autant que possible. Lorsqu’elle habitait Toronto, où circuler aux côtés des voitures était souvent « intense », elle a développé ses réflexes de cycliste pour éviter les accidents. « À Saint-Jérôme, il y a beaucoup plus de cyclistes, donc il y a plus de sensibilisation. Mais il n’y a pas tellement d’infrastructures, surtout au centre-ville. »
Respecter les règles
« Je respecte la loi à la lettre », insiste Charlotte. Elle ne circule pas sur les trottoirs. Elle s’arrête aux intersections. Elle s’assure d’être visible et prévisible pour les automobilistes en tout temps. Et comme il n’y a souvent pas assez d’espace entre les voitures stationnées et celles qui circulent, elle doit occuper une voie. Il en va de sa sécurité.
Malgré cela : « Je me sens en danger assez souvent, mais je suis habituée », admet-elle. Aux panneaux d’arrêt, rares sont les automobilistes qui s’immobilisent complètement. Ils regardent pour d’autres voitures, mais pas pour des piétons ou des vélos, déplore Charlotte.
« Quand je suis à une intersection, je ne continue pas tant que je n’ai pas un contact visuel avec les automobilistes. C’est vraiment important. »
Elle doit aussi porter attention aux imperfections de la route. Avec son vieux vélo de route et ses petits pneus, un nid de poule peut crochir sa roue et la blesser.
Ainsi, dans le chaos urbain, sa meilleure défense est probablement… sa clochette. Elle lui permet d’avertir les automobilistes de sa présence. Elle lui évite aussi de se faire emportiérer : lorsqu’une portière d’auto stationnée s’ouvre subitement. Elle prévient aussi les piétons et les autres cyclistes lors d’un dépassement.
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« Ça prend des voies cyclables : un espace en bordure de rue où c’est sécuritaire de circuler », insiste Daniel Bergeron, directeur exécutif retraité de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). « Pour cela, il faut au minimum un marquage au sol. L’ajout de bollards peut aussi délimiter physiquement la voie cyclable, et on peut les retirer l’hiver », explique-t-il.
Encore faut-il faire de la place pour les cyclistes. Au lieu d’avoir de l’espace de stationnement des deux côtés de la rue, par exemple, un côté pourrait être réservé à la circulation de vélos, illustre M. Bergeron.
Mettre des sens uniques peut aussi faciliter le partage de l’espace. En plus, ça permet de diminuer le trafic de transit, ce qui amène de la quiétude aux résidents. La rue Valiquette, à Sainte-Adèle, en est un bon exemple, selon lui. Le sens unique a permis d’élargir les trottoirs, tout en gardant une place aux automobilistes et des espaces de stationnement.
« L’idée, c’est de ne pas bousculer la population, mais de progressivement faire de l’éducation. Il faut montrer que le changement peut être agréable, en créant des petits succès. Ça mènera à une meilleure cohabitation. »
Selon M. Bergeron, nos villes sont souvent aménagées autour de l’auto. « Je ne dis pas qu’il faut tout donner aux vélos. Mais il faut un meilleur partage. Ce sont des espaces communs », plaide-t-il.
S’apprivoiser
« Il faudrait que les automobilistes essaient de faire un trajet en vélo, en suivant toutes les règles. Ils vont voir que tu ne peux pas juste te tasser », avance Charlotte. M. Bergeron croit aussi qu’il faut plus de sensibilisation.
« Ce ne sont pas tous les automobilistes qui sont aussi des cyclistes et des piétons. Ils peuvent être de bonne foi, mais ne pas réaliser l’impression que ça fait, une auto qui passe près d’un vélo à haute vitesse. »
Il souligne cependant que le même commentaire s’applique aux cyclistes.
« Ça peut être très frustrant pour un automobiliste de voir un cycliste ne pas respecter un arrêt. […] Il faut un apprivoisement des deux côtés. »
Ainsi, les aménagements concrets ne sont qu’une partie de la solution, continue M. Bergeron. « Pourquoi ne pas faire des grandes activités qui incitent la population à faire l’essai de la mobilité active? » Il donne l’exemple d’une course de vélos qui traverserait le village de Saint-Sauveur, avec d’autres activités durant une fin de semaine. « On invite la population à un événement sportif et festif. »
« En plus des villes et des ministères, ce sont tous les citoyens qui ont intérêt à s’engager, même les commerçants et les employeurs. C’est peut-être dans l’angle mort des chambres de commerce. Mais les initiatives en mobilité active peuvent être bonnes pour la santé des citoyens, de leurs employés et de l’économie », conclut-il.