Un passage adapté aux animaux
Par Simon Cordeau
Grâce à l’aménagement d’un passage faunique, la route 117 sera un peu plus sécuritaire à Ivry-sur-le-lac, entre Sainte-Agathe et Mont-Tremblant.
Le tunnel était déjà là : il s’agit du Parc linéaire du P’tit Train du Nord qui passe sous la route 117. Il a été identifié comme un endroit potentiel pour aménager un passage faunique, explique Caroline Marcotte, chargée du projet à Conservation de la Nature Canada (CNC).
Ainsi, l’organisme Éco-corridors laurentiens a installé des caméras à déclenchement automatique, raconte Mme Marcotte. « On a remarqué qu’il y avait des chevreuils, des ratons-laveurs et d’autres espèces qui passaient déjà dans le tunnel. Mais il y a toujours des espèces plus timides, qui ont besoin de cachettes. En ajoutant de la végétation, des souches et des rochers, on espère qu’ils passeront là plutôt que de traverser la route 117. […] Il y a probablement certaines espèces qui ne voudront pas s’y aventurer, comme la martre d’Amérique qui utilise peu ou pas du tout les passages fauniques. Mais au moins, le passage est là. »
La route 117 est un danger pour les animaux qui circulent entre la réserve écologique Jackrabbit à Montcalm (au sud), et le Parc national du Mont-Tremblant (au nord).
« C’est intéressant : quand les gens vont passer sur le P’tit Train du Nord, ils pourront voir le passage, les arbres, les fleurs qui vont pousser. Ce ne sont pas juste les animaux, mais aussi les humains qui circulent là », souligne la chargée de projet. C’est pourquoi quatre panneaux d’information ont été installés en bordure de la piste cyclable, avec de l’information sur la connectivité écologique, les collisions et l’impact des changements climatiques.
Reconnecter avec la nature elle-même
« Outre les risques de collision, c’est important de connecter les milieux naturels entre eux. Quand la population d’une espèce est concentrée dans un endroit, et qu’il n’y a pas d’échanges avec d’autres milieux, le bassin génétique devient limité », explique Mme Marcotte. Connecter les habitats ensemble permet donc d’augmenter la diversité génétique et de garder les espèces et leur population résilientes.
« Il y a aussi le contexte des changements climatiques. Plusieurs espèces n’arrivent pas à s’adapter au rythme actuel de ces changements », poursuit Mme Marcotte. Des chercheurs québécois ont estimé que les habitats vont se déplacer de 45 km vers le nord par décennie, ou de 4-5 km par année, explique-t-elle. « C’est pour ça que les corridors écologiques sont essentiels, pour permettre aux animaux de migrer. »
Mme Marcotte note que les espèces animales peuvent se déplacer assez facilement, si on leur aménage des passages comme celui à Ivry-sur-le-Lac. Cependant, le défi sera tout autre pour les espèces végétales, qui auront peut-être besoin d’une assistance humaine pour migrer vers le nord.
En conclusion, Mme Marcotte rappelle que ces défis peuvent seulement être relevés grâce à un effort communautaire. « Il y a beaucoup de personnes qui ont participé, en temps ou en financement, à ce projet. On a reçu de l’aide de plusieurs paliers de gouvernement, de fondations et de dons privés. C’est super important, et on a besoin de la contribution de tout le monde. »
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Sur le territoire des Laurentides, 55 espèces végétales et 41 espèces fauniques sont
en situation précaire. Parmi elles, on retrouve :
• 23 espèces d’oiseaux;
• 8 espèces de reptiles;
• 7 espèces de mammifères;
• 2 espèces d’amphibiens.
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Lors d’une étude menée en 2017, on comptait 51 collisions par année sur un tronçon de 50 km de l’autoroute 15 dans la région. Le coût moyen pour une collision véhicule-faune dans les Laurentides est de 10 671 $ avec un cerf de virginie et de 49 388 $ avec un orignal. « Personnellement, j’habite à La Conception, et on voit souvent des carcasses sur le bord de la route, même si elles sont ramassées rapidement. Donc oui, c’est une problématique dans la région », témoigne Mme Marcotte.