(Photo : Simon Cordeau)

Aux sources de la contamination

Par Simon Cordeau

Depuis juillet, la Fondation Rivières échantillonne l’eau de la rivière du Nord à la hauteur de Saint-Jérôme. Les objectifs : trouver les sources de contamination et, éventuellement, rendre la rivière sécuritaire à la baignade. Nous avons accompagné Philippe Maisonneuve, chargé de projet en qualité de l’eau pour la Fondation Rivières, durant l’une de ses tournées d’échantillonnage.
Philippe me donne rendez-vous à la plage du Curé-Labelle, derrière l’amphithéâtre Rolland, à Saint-Jérôme. Trois fois par semaine, des échantillons sont pris ici, où on espère que, bientôt, les citoyens pourront se baigner. « Une fois par semaine, on fait un dépistage d’amont en aval, à partir de la prise d’eau potable de Saint-Jérôme, avant les chutes Wilson. C’est notre point zéro, qui nous sert de référence. Généralement, la qualité de l’eau est assez bonne à cet endroit-là », explique Philippe.
En descendant la rivière, il surveille en particulier sept ouvrages de surverse : des tuyaux qui rejettent leurs eaux directement dans la rivière. Lorsqu’il pleut, le système d’aqueduc ne peut pas gérer tout le volume d’eau, donc le surplus des eaux pluviales est évacué de cette façon.
La contamination des eaux de pluie est un enjeu en soi, puisque celles-ci drainent les surfaces imperméables, comme les stationnements, les routes et les trottoirs, où il peut y avoir des huiles, des minéraux et d’autres contaminants, qui peuvent finir dans la rivière.
Mais Philippe n’est pas là pour ça. « Nous, ce qu’on échantillonne, ce sont les coliformes fécaux : des E. coli. C’est le paramètre qui va empêcher la baignade. Donc on veut s’assurer que la concentration soit en bas de 200 unités formatrices de colonie par 100 ml. » Mais les coliformes fécaux… ne viennent pas des eaux de pluie.

L’erreur est humaine

« Il peut y avoir eu des erreurs dans les raccordements de certaines résidences et de certains commerces. Quand on excave un tronçon de rue, il y a le tuyau de la conduite pluviale et celui de la conduite sanitaire. Les gens, parfois, se trompent de tuyau. C’est vraiment une problématique à la grandeur du Québec et ailleurs dans le monde », illustre Philippe.
À la grandeur du Québec, la Fondation Rivières répertorie plus de 50 000 déversements d’eau non-traitée dans nos rivières, par année. Il est difficile d’évaluer leur impact, explique Philippe Maisonneuve, parce que chaque rivière a une capacité d’absorption différente. « Mais c’est de la pollution, donc il y a un impact. Idéalement, il n’y en aurait pas. »
« C’est ça qui est pernicieux dans cette problématique-là. On a de la misère à évaluer quelle proportion des égouts est mal raccordée. Ce sont des erreurs, donc elles ne sont pas documentées. » C’est pourquoi Philippe doit se rendre sur les berges de la rivière du Nord, et prendre des échantillons à différents points et à différents moments, pour trouver les sources de contamination les plus importantes.

Lingettes «jetables»

Cependant, il n’y a pas que ces raccordements fautifs qui sont en cause. Par exemple, une des sources de contamination a été repérée sur le ruisseau des Hauteurs, dans le secteur de Lafontaine, avant même les ouvrages de surverses de la ville. « On s’est dit : ce n’est pas normal qu’il y ait autant de contamination à cet endroit-là. En faisant les vérifications, c’est souvent le nez qui prend le relais [rires]. On a tout de suite trouvé la cause, et c’était des lingettes jetables qui bloquaient la conduite », raconte Philippe.
La Ville a été avisée et a réglé la situation rapidement. Toutefois, les lingettes « jetables » sont un problème récurrent, en particulier depuis la pandémie, note Philippe. « Il y a des fabricants qui te disent qu’elles sont jetables, mais… Bon, elles sont peut-être un peu plus biodégradables. En même temps, ça encourage ce type de marketing et ça légitime ce comportement-là. Et c’est une charge supplémentaire sur les réseaux d’égout et les systèmes d’assainissement. […] Si les gens continuent d’en jeter, ça peut se reproduire. Donc il faut rester à l’affût. »

Baignade possible?

L’équipe de Fondation Rivières a déjà trouvé plusieurs sources importantes de contamination sur la rivière du Nord. Est-ce que la baignade sera bientôt possible? Bien qu’il soit optimiste, Philippe se garde une certaine réserve, en attendant le rapport final. Celui-ci devrait être remis à la Ville de Saint-Jérôme en novembre, peut-être plus tôt. Une chose est certaine : il reste bien du travail à faire. Les échantillons cueillis par Philippe prennent de 48 à 72 heures à être analysés. « Dans un lac, tu n’as pas beaucoup de variation dans la qualité de l’eau. Mais une rivière, c’est un milieu beaucoup plus dynamique et qui est soumis à beaucoup plus de pressions extérieures. Aussi, il y a beaucoup de densité urbaine autour des rivières. Trois échantillons par semaine, c’est déjà beaucoup, mais on n’a jamais un portrait global de la rivière. »
Pour assurer que la baignade soit sécuritaire en tout temps, il faudrait idéalement analyser la qualité de l’eau en temps réel, avec un échantillonnage automatique.

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