(Photo : Courtoisie)
Arracher le myriophylle à épis est une opération délicate, si on ne veut pas favoriser sa propagation.

Apprendre à vivre avec une plante envahissante

Par Simon Cordeau

Le plongeur Jean-Louis Courteau est au front pour protéger les lacs laurentiens du myriophylle à épis. Mais devant la demande grandissante, il ne suffira bientôt plus à la tâche. Heureusement, il prépare déjà la relève.

Lorsque le myriophylle à épis infecte un lac, il peut être difficile, voire impossible, de l’éliminer. La principale méthode pour contrôler la plante envahissante est de l’arracher. Mais attention, prévient M. Courteau.

« Si c’est mal fait, ça contribue à sa propagation. Si tu prends un paquet de tiges et que tu arraches, tu envoies des petits morceaux partout. Presque chacun de ces morceaux a le potentiel de se reproduire, partout dans le lac. Le myriophylle se propage plus par ses boutures que par ses graines. »

Façon de faire

C’est pourquoi l’expérience de M. Courteau est souvent appelée en renforts, lorsqu’une infection est détectée. Le plongeur explique qu’il faut d’abord un certificat d’autorisation du gouvernement avant de procéder, pour déterminer si l’arrachage est la méthode adéquate.

Ensuite, il faut arracher les plantes une par une, avec le bulbe des racines. Une équipe à la surface est nécessaire pour recueillir les fragments. Le temps de l’année est aussi important.

« En ce moment, début septembre, la plante a atteint son stade de maturité. Elle est très fragile. Tu lui touches et les boutures partent toutes seules. »

Cependant, la demande est grandissante. « Je reçois de plus en plus d’appels de gens paniqués. Ça va devenir impossible de faire tout ça. » M. Courteau commence donc à donner des formations aux gens qui font de la plongée ou qui se regroupent pour prendre soin de leur lac. « Ce n’est pas de la physique nucléaire non plus, mais il y a une façon de faire. »

Tueuse de lacs

Lorsqu’un lac est infecté par le myriophylle à épis, il est nécessaire d’agir le plus rapidement possible. Si la plante envahissante est laissée à elle-même, elle peut, littéralement, tuer le lac.

« On accélère l’eutrophisation du lac : son vieillissement vers la mort. Tous les lacs, éventuellement, se comblent de végétaux et retournent à la terre, mais on parle de millénaires! » Un lac rempli de myriophylle, cependant, peut mourir en quelques années à peine si rien n’est fait.

Il y a aussi un point de non-retour. M. Courteau a évalué certains lacs où l’infection était si complète et avancée que sauver le lac n’était plus possible. « Quand on dit à des citoyens qu’il n’y a rien à faire, c’est sûr qu’il y a de grogne. Mais dans certains cas, c’est vrai », déplore-t-il.

Vigilance et prévention

« C’est comme une maladie. Tu ne peux jamais penser que tu t’en es débarrassé complètement, juste que tu l’as mise sous contrôle. Une fois qu’une plante envahissante est entrée dans un écosystème, tu es fait. Elle va rester là. Il faut apprendre à vivre avec, comme les autres plantes envahissantes », explique le plongeur avec une pointe d’amertume.

Selon lui, la seule méthode qui reste vraiment efficace, c’est la prévention. Le Conseil régional de l’environnement (CRE) des Laurentides a la même approche, nous explique Élodie Basque, chargée de projets Eau et lacs. « Nous, on travaille surtout sur la détection avec les associations de lacs. Les municipalités ont aussi un grand rôle à jouer de ce côté-là. » La sensibilisation auprès des citoyens est aussi une arme puissante. « De plus en plus d’associations et de municipalités mettent en place des patrouilles de détection, qui font le tour du lac chaque été. Il y a aussi des mesures préventives qui sont mises en place, comme le nettoyage obligatoire des embarcations et des panneaux informatifs, qui jouent un énorme rôle dans le risque d’introduction. Et les citoyens sont plus nombreux à reconnaître la plante », explique Mme Basque.

Les vecteurs de propagation sont multiples : un kayak avec gouvernail qui accroche une plante, un hydravion qui va d’un lac à l’autre, un canot mal nettoyé… Le myriophylle peut même se répandre à travers un bassin versant en passant par les rivières, bien que cela est plus rare.

Nouveaux adversaires

Lors d’un récent nettoyage au lac René, à Prévost, Jean-Louis Courteau a fait une découverte inquiétante. Normalement, le myriophylle est fait d’une grande tige, sur laquelle se trouvent 2 à 4 boutures, avec une couronne de racines.

« Là, on commence à voir des plants qui ressemblent à des petits buissons. Ces plants ont 15 ou 20 branches, chacune avec 3 ou 4 boutures prêtes. Si on fait le calcul, c’est une plante beaucoup plus agressive. »

Grâce à une collaboration avec le CRE, des échantillons ont été envoyés au Jardin botanique de Montréal.

« Eux vont analyser l’ADN de ces plants-là. Est-ce du myriophylle ordinaire, ou un hybride avec un myriophylle indigène? Ça pourrait être un variant, pour utiliser un terme à la mode. Et pourquoi on ne voit pas cette forme ailleurs ou très peu? Ça va être intéressant de voir les résultats. »

1 commentaire

  1. Il faut s’ensibiliser les gens a reconnaitre cette plante et éviter d’aller naviguer au travers car cest comme un virus ca se transmet d’un cours d’eau a l’autre .

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