Enfants en réadaptation: apprendre à vivre
Par France Poirier
Pourquoi un jeune se retrouve-t-il dans un centre de réadaptation plutôt qu’en famille d’accueil ? « Généralement c’est l’intensité des difficultés comportementales et la fréquence », explique Karine Blair, chargée de la réadaptation à la DPJ du CISSS des Laurentides.
Souvent les enfants de 6 à 12 ans vivent avec des difficultés en lien avec l’attachement, ce qui implique que dans une structure familiale, ils vont vivre plus de problèmes d’anxiété et vont être en réaction. « Un centre, c’est un lieu plus neutre où les donneurs de soins vont changer dans la journée. Ce sont beaucoup d’enjeux liés à l’attachement qui font que ces enfants ont besoin d’une structure différente. L’intensité des comportements des enfants exige un certain encadrement. Il y en a des enfants plus intériorisés et qui font de l’automutilation, alors que d’autres, plus extériorisés, font des crises de colère », explique Karine Blair.
Centre de réadaptation
Les centres, comme celui de Saint-Jérôme, permettent d’aider les enfants à développer de nouvelles stratégies pour exprimer leurs besoins. Ainsi, ils pourront retourner vivre à la maison ou en famille d’accueil dans des structures moins lourdes.
« Un parent en détresse à cause du comportement de son enfant peut faire une demande d’aide, de façon volontaire en accord avec l’enfant et pourrait obtenir un hébergement sans que la DPJ ne soit dans le dossier », explique Myriam Briand, Directrice de la Protection de la jeunesse des Laurentides.
La réadaptation est le moyen ultime. On vise la réintégration familiale ou le passage en famille d’accueil. « Certains jeunes vont quand même faire quelques années. Il faut être fonctionnel dans différentes sphères de sa vie. En moyenne, les enfants demeurent de 9 à 12 mois. Ce n’est pas un projet de vie, être dans une unité de réadaptation. À l’approche de la majorité, on les aide dans leur intégration », ajoute Madame Blair.
Intervenant depuis 25 ans
Martin Tassé est éducateur en réadaptation interne. Il travaille dans le milieu depuis 25 ans. « C’est un beau métier, mais qui est extrêmement difficile. On travaille avec une clientèle non volontaire et souvent agressive. Pour être capable de passer à travers ton quotidien, il faut que tu apprennes à « dealer » avec l’agressivité des gens, avec la souffrance humaine », explique Martin Tassé.
Les jeunes sous sa garde sont pour la plupart des jeunes abandonnés. Il doit s’ajuster selon chaque cas. « J’aime l’animation de groupe, les ateliers, la vie de groupe et la gestion de crise. Ils ont besoin d’une figure d’autorité. Je suis dans une étape que je peux être à l’extérieur du plancher et soutenir mes collègues. Il y a des petites victoires à aller chercher, il ne faut pas avoir d’attentes trop grandes. De sentir qu’on a fait la différence, c’est valorisant », explique le vétéran.
Pas toujours facile la routine
Les jeunes qui sont en centre de réadaptation vivent avec des troubles d’adaptation. Auparavant, on disait des troubles de comportement. « Souvent ce sont des jeunes avec le syndrome Gilles de la Tourette qui sont ici parce que les parents ne sont plus capables de les gérer. Il faut établir une routine assez rigide, mais on essaie de les individualiser là-dedans », nous confie Martin Tassé.
DPJ est toujours en recrutement pour trouver des familles d’accueil. « Le défi est toujours de trouver. Ce ne sont pas des enfants toujours faciles. Ce sont des enfants à besoins spécifiques. Ce n’est pas tout de recruter des familles, il faut les garder, les accompagner et les outiller. Ce sont des enfants cicatrisés, dont les cicatrices vont s’atténuer avec la bienveillance et le soutien », souligne Mme Briand. Être famille d’accueil, ce n’est pas l’image que l’on se fait de l’adoption. Il y a peu d’adop-tion à la DPJ. On en compte une vingtaine par année. C’est un long processus qui peut être difficile. Il faut être résiliant comme famille d’accueil, car on s’attache, mais l’enfant peut partir. Ce n’est pas facile, ajoute la directrice.
À 8h00, c’est l’heure du lever. En principe tout le monde se lève. Il y en a un, à qui on doit donner la médication à 7h45, sinon on sait que ce sera difficile au déjeuner.
À 8h15, les ménages de chambre doivent être complétés. Ce matin, il y en a deux qui ont décidé de rester couchés. Rapidement on tombe dans un tourbillon. Une éducatrice s’occupe du déjeuner et l’autre donne la médication. Sur 12 adolescents, 11 doivent prendre des médicaments. Ensuite, il faut faire le protocole COVID (prise de température). Finalement, on doit gérer la situation des quatre gars qui sont restés en chambre, dont un qui crie parce qu’il n’est pas content. Il ne faut pas perdre le contrôle.
À 9h, c’est la routine de brossage de dents.
À 9h15, l’enseignante monte pour le début des classes.
Sur l’heure du midi, on reprend des taches scolaires parce qu’ils ont de la difficulté à l’école. L’objectif pour certains est seulement de prendre plaisir à être en classe. À 12h00, le dîner est effervescent. S’ils aiment le menu, ça va bien. Sinon c’est plus compliqué.
Et la journée se poursuit. Certains iront dans la salle de défoulement, alors que d’autres auront besoin de se retrouver en salle d’apaisement, pendant que d’autres joueront au ping-pong ou écouteront la télévision, le tout sous la supervision de gens comme Martin qui exercent avant tout ce métier par amour des enfants.