Dr Jean Robert éclabousse le système
Par France Poirier
Médecin de rue
En écrivant son livre Médecin de rue, le docteur Jean Robert relate son travail auprès des gens de la rue et dénonce l’indifférence de la société à l’égard des personnes démunies et souffrantes.
Au printemps de 1976, on lui propose de mettre en place le Département de santé communautaire de l’Hôpital Saint-Luc, qu’il a dirigé pendant 20 ans à titre de microbiologiste. Il allait dans la rue rencontrer les filles de la rue et les itinérants pour les soigner.
« Mes meilleurs profs ont été les filles de la rue, qui m’ont appris à fermer ma gueule et à écouter. Elles me disaient: si tu ne veux pas de mensonges, ne pose pas de questions. » Il souligne qu’il a appris à écouter au lieu de juger. Pour lui, le gros problème du système de santé est la déshumanisation des soins. Les coupes du réseau de santé communautaire ont finalement mené à la fermeture de son département. Dr Robert a déplacé son activité communautaire au sein de l’organisme Centre Sida Amitié de Saint-Jérôme, qu’il connaissait pour avoir collaboré avec eux.
« Les premiers souffrant des coupes sont les travailleurs du système de santé; ils ne sortent plus de leur bureau, ils travaillent sous pression et le taux d’épuisement professionnel est très élevé. Le système est méchant pour ces gens et aussi pour les médecins, qui préfèrent s’en aller pour le privé. Il y a une déshumanisation du système de santé et les gens sont devenus des numéros », souligne Dr Robert.
Réalité du terrain
Dr Jean Robert, qui a maintenant 80 ans, continue son travail de terrain par l’entremise de la clinique du Centre Sida Amitié, qu’il a mise en place à Saint-Jérôme. « Ce que le système appelle une salle d’attente est devenu une aire d’accueil chez nous. Les gens se retrouvent ici et échangent, ça ressemble au CLSC (centre local de services communautaires ) des années 1970. Le réseau est fait d’une structure qui est un organigramme, pour moi c’est un structurogramme, et dans lequel le mot patient n’apparaît pas. Il y a beaucoup de directeurs, de directeurs adjoints, de chefs de département, mais pas le patient », explique le docteur Robert. Il soutient que la réalité du terrain indiffère la structure, la forme la plus méchante de mépris, ça tue des personnes, ça assassine l’humanité. « Ici, on ne pose aucune question, on écoute les réponses », ajoute le sage médecin.
La parole aux patients
Dans son livre, Dr Robert donne la parole à ses patients qui ont accepté de témoigner. C’est le cas de Robert qui est atteint du VIH qui, avec les médicaments, est devenu indétectable, donc intransmissible. « En 2001, on m’a diagnostiqué et on m’a donné deux ans à vivre. Je suis toujours là. J’ai vécu la discrimination et le mépris à cause de ma maladie. La clinique de Dr Robert m’a sauvé la vie. Sans eux, je ne serais pas vivant. Je suis chanceux, mon médecin, c’est comme un père, un ami. C’est un grand homme, il m’explique mon cheminement à travers ma maladie. Outre le témoignage d’Alain, ils sont une vingtaine à se raconter dans le libre de Dr Robert.