Une heure du conte pour enseigner la différence
Par Aurélie Moulun
Une centaine personnes attendait impatiemment Barbada de Barbades, une drag queen de renommée, à la bibliothèque de Saint-Colomban. Elle arrivait dans la salle, tout en couleurs et en paillettes, sous le regard pétillant des enfants. Sa mission : parler d’acceptation et d’estime de soi aux jeunes de 3 à 7 ans à travers une heure du conte.
Le 15 octobre dernier, Barbada commençait l’atelier en se présentant et en expliquant en quoi consiste l’art de la drag. Elle poursuivait en demandant aux enfants de se présenter à leur tour, une demande à laquelle les petits ont répondu avec entrain.
Après avoir fait le tour des enfants qui souhaitaient se présenter, elle a récupéré un livre, parmi beaucoup d’autres, qui tenait soigneusement à la verticale. Elle commençait la lecture du livre Le crocodile qui avait peur de l’eau de Gemma Merino. Barbada prenait le temps de bien montrer les images aux enfants absorbés. Elle écoutait leurs réactions et expliquait certains passages. Au cours de l’activité qui durait environ une heure, Barbada a pu lire trois contes au total.
Barbada de Barbades participe aux activités de l’Heure du conte dans les bibliothèques depuis maintenant cinq ans en plus d’enseigner la musique au primaire. « Je fais de la drag à temps plein. L’heure du conte, je la fais quand on m’invite, souvent les fins de semaine », explique-t-elle. L’artiste confiait d’ailleurs au Journal qu’elle ne s’attendait pas à une telle foule à Saint-Colomban et qu’elle en était très heureuse.
« Les couleurs, c’est pour tout le monde »
À travers les histoires qu’elle raconte, Barbada souhaite éduquer la jeune génération sur l’acceptation de la différence, et ce, dès l’âge de 3 à 7 ans.
« À cet âge-là, il y en a qui réalisent qu’ils sont différents et ils ont besoin de se faire dire que c’est très correct de l’être. Comme Eliott tantôt qui est venu me voir ou comme Thomas qui porte du rose et qui a les cheveux longs. Probablement qu’il se le fait dire à l’école que : ‘’ben voyons, t’es un gars ou t’es une fille ?’’ Alors, il devrait se dire, je suis qui je suis et si ça me tente comme garçon d’avoir les cheveux longs, ben je vais avoir les cheveux longs », lance l’artiste.
« Si ça me tente de porter du rose, il n’y a nulle part où c’est écrit que le rose c’est pour les filles et que le bleu c’est pour les garçons. C’est une conception qu’on s’est mis dans la tête. Les couleurs, c’est pour tout le monde. C’est une couleur ! D’ailleurs, dans la nature souvent, ce sont les mâles qui sont plus colorés que les femelles », ajoute Barbada avec une pointe d’humour.
Confiance en soi et acceptation
Pour l’artiste, il est important que les enfants aient confiance en eux, notamment en comprenant les autres. « Ils ont besoin de se faire dire même à cet âge-là, oui, ça se peut qu’il y ait des gens qui ne comprennent pas et ces personnes-là parfois, elles canalisent cette incompréhension par de la méchanceté », souligne-t-elle.
Barbada de Barbades confie d’ailleurs qu’elle parle en connaissance de cause.
« En tant que drag queen noire, en tant qu’homme, noir, gay, qui fait de la drag et qui enseigne la musique au primaire, je peux vous garantir que j’en ai subi de cette méchanceté parfois, de cette incompréhension-là », indique Barbada. « Ça aurait été définitivement positif pour moi d’avoir quelqu’un qui me dise ça quand j’étais à cet âge-là », considère-t-elle.