François Racine et la passion de la forge
Par Aurélie Moulun
Parmi les métiers vieux comme le monde, celui de forgeron en est certainement un à redécouvrir ! Pour ce faire, je suis allée visiter François Racine, résident de Saint-Hippolyte et forgeron depuis 10 ans. Il me reçoit dans son atelier pour me faire découvrir à quoi ressemble ce métier tranquillement oublié.
De la biologie à la forge
À la base, M. Racine avait fait des études universitaires en biologie ! Il a même complété une maîtrise de recherche.
« À la fin de tout ça je me suis dit : ‘’je n’ai pas envie de continuer à être derrière un bureau, à continuer les études, pis être vraiment dans l’intellectuel. J’ai voulu retourner à quelque chose d’un petit peu plus physique.’’ Donc j’ai commencé à faire des meubles », raconte-t-il.
C’est à ce moment que M. Racine souhaitait plutôt aller vers l’ébénisterie. Cependant, il explique que la concurrence est très présente dans ce domaine.
« Je me suis rendu compte que tout le monde en fait. La mélamine est très omni-présente aussi. Si tu veux faire du meuble en bois traditionnel, t’es en compétition avec une tonne de gens, avec la Chine et avec des meubles qui viennent de partout », explique-t-il.
Premier contact avec la forge
Il a donc cherché une manière de se démarquer de ses compétiteurs. « Je me suis dit que je pourrais faire des pentures et des poignées forgées et avoir des petits éléments esthétiques qui apportent un look différent qu’on ne trouve plus aujourd’hui dans le marché. »
« J’ai vite compris qu’en fait, avec les meubles, j’étais toujours en train d’essayer de vendre une démarcation. Alors qu’avec la forge, il y a des gens qui ont des besoins et qui ne trouvent personne pour le faire. Donc il y avait un marché qui était beaucoup plus intéressant pour moi. Et j’adore vraiment le métier, donc j’ai complètement bifurqué pour être 100 % forgeron », raconte M. Racine.
La valeur d’un objet forgé
Pour François, il y a une grande différence entre un objet forgé et un objet acheté dans une grande surface.
« On a un peu perdu le sens de ce que valait un objet. Tu peux acheter un couteau à 20 $ dans un magasin… Moi si j’achète la barre de métal pour faire le couteau, c’est ce que ça vient de me coûter juste pour avoir un bon acier. Sans compter les combustibles et le temps », souligne-t-il.
Ainsi, le forgeron a choisi de réaliser des pièces sur mesure plutôt que de les faire en série. Il trouve ses clients notamment sur les réseaux sociaux. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, François Racine ne manque pas de travail !
« J’ai pas besoin d’avoir des gens qui m’appellent tous les jours pour de nouveaux contrats ou pour des projets. Si j’en ai un par mois environ, ça peut faire mon année ! », dit-il enthousiaste. Son travail varie de projet en projet. Il y en a qui lui demanderont deux mois de travail, alors que d’autres se réalisent facilement en une seule journée.
Grâce aux réseaux sociaux et au bouche-à-oreille, le forgeron a réussi à se construire une clientèle suffisante pour faire de la forge son métier principal à temps plein.
L’avenir des forgerons
« C’est un métier qui tend à disparaître. Il ne reste presque plus de forgerons aujourd’hui », soutient M. Racine. Pour lui, il y a, d’une part, une relève à former et d’autre part un public à sensibiliser.
« C’est difficile à cause du fait que ça prenne plusieurs années avant d’avoir une capacité intéressante pour produire des pièces et en faire un métier. Ça demande un investissement de temps et d’énergie qui est souvent peu accessible pour la majorité des gens », raconte le forgeron.
« On a perdu le sens de ce que valait un objet » -François Racine
Il croit également en l’importance de re-sensibiliser les gens et la clientèle à la différence entre un produit forgé et un produit acheté dans une grande surface.
« Ne serait-ce qu’esthétiquement, c’est incomparable ! Mais, vu qu’on ne voit plus d’éléments forgés dans notre quotidien, on ne s’en souvient pas et on ne
s’en rend même pas compte finalement », déclare-t-il.
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Ne vous faites pas avoir par l’émission De l’acier et du feu !
Un forgeron n’est pas automatiquement un coutelier. François Racine déplore d’ailleurs que l’émission ait fait oublier au public les autres types de forgeron. Il existe plusieurs disciplines de la forge. Notamment, François Racine œuvre plutôt « un peu dans la serrurerie, un peu dans la ferronnerie et un peu dans la sculpture ».