(Photo : Nordy – Kam Vachon)
Le curée de la paroisse de Saint-Sauveur, Ronald Labonté, prend sa retraite cet été.

Être au cœur de la communauté

Par Simon Cordeau

Après 55 ans de ministère, le curé Ronald Labonté prend sa retraite. À la veille de ses 80 ans, il veut profiter de ses dernières années, voyager un peu. Mais les gens vont lui manquer. Être prêtre, à Saint-Sauveur-des-Monts, c’est célébrer la naissance, l’amour, la mort. Et malgré les scandales et les fidèles de moins en moins nombreux, M. Labonté est convaincu que l’Église a toujours sa place, au cœur de nos communautés.

C’est le premier jour du printemps. Il fait chaud et la neige fond à flots. Dans le presbytère, les fenêtres ouvertes laissent entrer une légère brise et, avec elle, les cris des enfants qui jouent dans la cour d’école, juste derrière.

L’évêque n’a pas renouvelé son mandat, dit le curé. Dans quelques mois, la fusion des diocèses de Saint-Jérôme et de Mont-Laurier sera complétée, et l’évêque souhaite faire de la réorganisation, explique-t-il. M. Labonté aurait pu se trouver une autre petite église quelque part dans le diocèse, dit-il, mais il voit plutôt l’occasion de prendre sa retraite. « Je suis en excellente santé. J’ai travaillé toute ma vie, donc je vais profiter du bon temps. […] Le 1er août, je serai en vacances », lance-t-il, sourire en coin.

Un curé du nord

« On sait qui va me remplacer. C’est Martin Tremblay, dont les parents restent à Sainte-Anne-des-Lacs », indique le curé. Pourtant, la relève se fait rare pour les prêtres. De plus en plus, il faut les faire venir d’autres régions, voire d’Afrique et d’Asie. « À Mont-Laurier, je crois, la moitié des prêtres sont africains. Quand j’étais au Grand Séminaire, dans les années 1960, on était 150. Ils sont à peu près 10 ou 12 actuellement. »

Le curé Labonté, lui, a célébré toutes ses messes dans le nord. Il a commencé comme vicaire à la cathédrale de Saint-Jérôme, pendant 4 ans. « Après ça, je suis allé à Sainte-Adèle. Puis je suis passé à la commission scolaire, comme conseiller à l’éducation chrétienne. » Il a ensuite officié à l’église de Morin-Heights pendant 30 ans. Il était aussi le prêtre itinérant de Montfort, Laurel, Lac-des-Seize-Îles, Weir et Huberdeau, avant qu’on lui confie également les églises de Sainte-Anne-des-Lacs et de Saint-Sauveur.

« J’ai fait une crise cardiaque, donc ils m’ont enlevé la section Montfort. J’ai gardé Saint-Sauveur et Sainte-Anne-des-Lacs. Puis Sainte-Anne-des-Lacs a été fermée. » Cela fait 17 ans qu’il est à Saint-Sauveur.

Célébrer

Chaque année, le curé Labonté estime qu’il célèbre une centaine de baptêmes, une vingtaine de mariages et une soixantaine de décès, bien que cela ait diminué un peu depuis la pandémie.

Je ne le savais pas, mais il se donne des messes tous les jours. Chaque matin de la semaine, vers 8h15, vous pouvez entendre sonner les cloches de l’église de Saint-Sauveur, au cœur du village. « Il vient, au minimum, 20 à 30 personnes. Ça peut varier, s’il fait beau, s’il y a de la glace ou pas. Mais il y en a tous les jours », assure le curé.

Il y en a toutefois moins qu’avant, admet-il. « Je me dis que la moitié des églises vont disparaître d’ici quelques années : ça, c’est un fait. » Mais pour le curé Labonté, l’im-portant est d’accueillir ceux qui viennent encore. Même s’ils passent seulement pour un certificat de baptême, ou simplement pour jaser.

« Ça doit être un contact positif. Ils ne seront pas à la messe le lendemain matin. Ça, j’en suis fort conscient. Mais je me dis qu’ils auront rencontré quelqu’un avec qui ils ont eu du plaisir. »

« Tant qu’il y aura des humains… »

L’Église a encore un rôle important à jouer. Ça, le curé en est convaincu. À preuve, chaque dimanche, entre 15 et 30 jeunes sont présents à la messe.

« On a mis de la valorisation dans la réussite, l’argent, etc. Mais un moment donné, ça arrive à une fin, ça. L’Église veut amener une réflexion, un sens. Tout le monde a besoin d’un sens à la vie. »

Par contre, les scandales ont sévèrement terni l’image de son institution ces dernières années, des prêtres pédophiles aux pensionnats autochtones. Mais le curé en parle franchement.

« L’Église a… un patrimoine, je dirais, qui est pénible. Il y a des choses inacceptables : les abus qui ont été faits, c’est totalement à condamner. Ça, on est tous d’accord. »

Il faut cependant nuancer nos jugements, croit-il. « On a connu dans l’Église des gens qui n’étaient pas tout à fait catholiques. Mais ça fait partie de la vie. L’Église est habitée par des gens, et les gens viennent avec leurs ambitions, leurs erreurs, leurs démons intérieurs. Donc l’Église est imparfaite, et elle doit vivre avec cette imperfection. »

Il rappelle qu’autrefois, les frères entraient dans la communauté à 14 ans : encore trop jeunes pour se connaître eux-mêmes. Pour les femmes, qui entraient vers le même âge, c’était la seule façon de faire carrière. « Elles pouvaient être infirmières, enseignantes, avoir des postes de direction. Ça ne se faisait pas à l’extérieur. »

L’Église a appris de ses erreurs, croit-il, même s’il reste beaucoup de chemin à faire. « Mais tant qu’il y aura des humains, il y aura des abus, des choses inacceptables. Les anges ne sont pas encore arrivés. »

Faire un bout de chemin

C’est un peu comme quand les gens viennent se confesser. Moins qu’avant, mais encore, à l’occasion. « Ça dépend de l’attitude que tu développes, de l’accueil que tu fais aux gens. Tu les prends comme ils sont et tu essaies de faire un bout de chemin avec eux. Je ne veux pas refaire le monde. Ils ne seront pas parfaits quand ils vont repartir d’ici, loin de là. Mais si tu arrives à faire un petit bout de chemin, à réfléchir… C’est ça qui fait la force de la rencontre. Et c’est ce que j’ai fait toute ma vie », raconte le curé Labonté.

C’est d’ailleurs ce qu’il trouve le plus difficile, en prenant sa retraite. « C’est toute la richesse des contacts humains qui va me manquer, c’est sûr. J’aime recevoir des gens, les découvrir, prendre le temps de jaser avec eux. C’est ça qui est l’essentiel. J’ai découvert des gens extraordinaires : des gens bien simples, mais fantastiques. »

Bien sûr, il gardera le contact. Après avoir voyagé un peu, il reviendra à Saint-Sauveur. Il restera engagé dans la communauté, auprès du Garde-Manger des Pays-d’en-Haut et au Comité Haïti Laurentides, entre autres.

Mais pour le curé Labonté, c’est dans les rencontres avec l’autre que Dieu se trouve. « Ce qu’on voudrait de Dieu, c’est qu’Il intervienne. Tu t’en vas croche : on te retourne et tu n’as pas le choix. Mais Dieu accepte la liberté des hommes. Et le jour où Il accepte la liberté, Il accepte l’erreur. Il accepte la méchanceté. Par exemple, si tu regardes une famille. Tu as des enfants, ils sont tout-petits. Ils ont leurs défauts, mais ils grandissent. Qui te dit que l’un d’eux ne deviendra pas le plus grand des bandits? Et tu vas l’accepter pareil, parce que c’est ton fils. Parce que tu l’aimes. »

« La foi, ce n’est pas croire. C’est avoir rencontré quelqu’un qui donne du sens à ta vie. C’est une rencontre profonde. Et Dieu, il est dans le cœur des gens. »

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