Marcher pour la Maison de Sophia
Par Simon Cordeau
Une vingtaine de personnes ont marché à Saint-Jérôme jeudi, 24 novembre, pour supporter la Maison de Sophia. L’organisme, qui supporte et héberge des femmes en difficulté, fermera ses portes le 31 décembre, faute de financement.
« En fait, la marche est surtout pour l’itinérance féminine. Le but, c’est de reconnaître la mission et les besoins », explique Aude Matthyssen, coordonnatrice de la Maison de Sophia. Ce sont les participants au Programme préparatoire à l’emploi de Cap-Emploi qui organisaient cette marche.
« À moins d’un miracle, en ce moment, on ferme », continue Aude. La subvention qui permettait à l’organisme d’opérer n’a pas été renouvelée. La Maison de Sophia héberge présentement cinq femmes et une adolescente. « On a le soutien du CISSS pour les relocaliser. Le but est qu’elles ne se retrouvent pas à la rue. Aussi, on a une liste d’attente. On reçoit encore des appels. En 24 heures, je peux recevoir quatre demandes de services », s’inquiète la coordonnatrice.
Prendre du pouvoir sur soi
« Toute ma clientèle a vécu des violences. Donc elles ont besoin d’un endroit où elles peuvent se poser, en communauté tissée serré. Elles peuvent se retrouver, prendre pouvoir sur elles-mêmes. » Ces lieux sécuritaires et non-mixtes sont essentiels pour contrer l’itinérance féminine, souligne Aude. « Le seul autre établissement dans les Laurentides, c’est le Paravent, à Saint-Joseph-du-Lac, à côté d’Oka. Et ils ont moins de chambres que nous. »
Jessica Russell, qui participe à la marche, a été hébergée à la Maison de Sophia pendant presque un an. Après une séparation, elle a failli se retrouver à la rue. « Je vivais chez mon ex, donc j’avais vendu tous mes meubles. Et quand on s’est séparés, je me suis ramassée avec rien », raconte-t-elle.
En plus d’un endroit où dormir, la Maison de Sophia lui a donné du soutien et des ressources pour reprendre sa vie en main. « Sans elles, pour vrai, je n’aurais pas bénéficié de toute cette aide. Je ne serais pas en appartement aujourd’hui. » Et Jessica n’est pas la seule à se retrouver au dépourvu, explique Aude. La transition peut prendre plusieurs mois. « On parle de personnes qui ont vécu plusieurs traumatismes. Ce n’est pas juste une question de mettre ses papiers en ordre. Des fois, j’ai des femmes qui arrivent et qui n’ont jamais géré un budget de leur vie. Ce n’est pas demain matin qu’on peut faire ça non plus. »
Jessica regrette qu’une ressource qui l’a tant aidée disparaisse. « Les femmes qui sont là présentement, je ne sais pas où elles vont aller. J’ai peur pour elles. Pour moi, c’est une cause trop importante. Qu’on ferme une maison de femmes, qu’elle soit si peu soutenue, c’est impensable. »
Sensibiliser, soutenir et espérer
Dans le cadre du Programme préparatoire à l’emploi (PPE), les participants doivent monter un projet communautaire, explique Frédéric Demers de Cap-Emploi. Cela leur permet de s’habituer aux responsabilités et de reprendre leur place dans la communauté.
La fermeture de la Maison de Sophia leur tenait à coeur, surtout que des participantes y étaient hébergées. Ils ont donc décidé d’organiser une marche de soutien. Solliciter des commerçants de Saint-Jérôme, pour publiciser l’évènement, crée aussi des opportunités pour les participants, illustre Frédéric.
D’ailleurs, c’est aussi grâce au PPE que Jessica s’est trouvé un emploi récemment. « On travaille beaucoup sur nous, sur nos valeurs, sur ce qu’on veut vraiment, et si on est prêts ou pas à l’emploi. On a des pratiques d’entrevue. On a fait notre CV. Ça m’a vraiment beaucoup aidée. » Elle profitait d’ailleurs de sa journée de congé, jeudi, pour participer à la marche. « C’est pour sensibiliser les gens, solliciter des dons pour celles qui devront partir en appartement. J’espère aussi que ça puisse changer quelque chose pour la Maison de Sophia. »