La parité selon Pascale Navarro : Au-delà de la pensée magique!
Par Sandra Mathieu
Supplément « La journée internationale de la femme 2019 »
La journaliste et chroniqueuse télé que l’on connaît pour ses essais féministes persiste et signe : le déséquilibre est bien réel et la première étape est d’en être conscient.
« La parité est un concept avec lequel il faut se familiariser et il y a encore un grand besoin de sensibilisation, lance-t-elle d’entrée de jeu. Bien sûr que si on applique la pensée magique et dans un monde idéal, on n’aurait pas besoin de parler de parité, mais si on prend en compte la réalité, il faut travailler encore pour avoir un portrait juste. Il y a un déficit, un déséquilibre et il faut le reconnaître. »
Le constat est clair pour elle : les femmes ne vont pas tout simplement apparaître et avoir le même traitement sans aller au front.
Quelques victoires
« Le fait d’en parler représente déjà une belle avancée. Il y a à peine 10 ans au Québec, c’était un mot inconnu. Au parlement, on vise le 40/60 et on est à 20/80 alors qu’il y a quelques années on s’approchait à peine du 15 %. On est de plus en plus conscients des systèmes qui fonctionnent par discrimination négative envers les femmes. »
Mme Navarro fait remarquer que les milieux qui ne sont pas conscients des inégalités les reproduisent inévitablement. « On doit changer les habitudes, et le changement, comme dans n’importe quel domaine, c’est très long. »
Elle déplore, par exemple, que dans les écoles, les livres au programme soient encore majoritairement des livres d’hommes et que de par ces choix, on poursuive l’enseignement des vieux mythes. « Il y a tellement de chefs-d’œuvre écrits par des femmes! »
Une femme qui l’inspire ?
« Lori St-Martin travaille depuis plusieurs décennies pour la parité en culture et étudie le traitement et la représentation des femmes dans les médias », explique Mme Navarro. Professeure en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal, c’est une spécialiste dans le domaine des études féministes en littérature. Elle est aussi membre et coordonnatrice de la recherche à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM.
Par ailleurs, Pascale Navarro applaudit des initiatives telles que Les éditions du Remue-ménage. La petite histoire : en 1975, des femmes avides de lectures féministes encore trop peu accessibles décident d’aller elles-mêmes à la recherche de textes et d’écrivaines. La maison d’édition est née dans le grand bouillonnement militant des années 1970 qui a fait naître plusieurs groupes et mouvements féministes marquants.
Encore beaucoup de chemin à faire
En ce qui a trait aux agressions sexuelles, même si leur traitement dans les médias évolue et que l’on a une meilleure écoute en général, selon la spécialiste nous n’en sommes qu’au balbutiement sur le plan des lois. « C’est une machine lourde à changer. Le rouleau conformiste est partout. On n’a qu’à penser à la socialisation des ados. Le progrès est lent et rempli de paradoxes : l’industrie de la chirurgie esthétique et des cosmétiques ne s’est jamais aussi bien portée! »
Pascale Navarro termine sur une note positive au niveau de la relève : « les jeunes féministes d’aujourd’hui sont très actives et loquaces, elles ne laisseront plus passer grand-chose! »
MINIBIO
Pascale Navarro Journaliste et auteure, Pascale Navarro a été chef de pupitre Livres à l’hebdomadaire Voir et chroniqueuse culturelle et littéraire à la Première Chaîne de Radio-Canada pendant une dizaine d’années. Elle a collaboré régulièrement à l’émission Bazzo.tv, sur les ondes de Télé-Québec, ainsi qu’à des publications comme la Gazette des femmes.
Elle a signé trois essais : « Interdit aux femmes » (avec Nathalie Collard, 1996), « Pour en finir avec la modestie féminine » (2003) et plus récemment « Les femmes en politique changent-elles le monde ? » (2010). Elle est lauréate 2007 du Prix Femme de Mérite, catégorie communications, du YWCA. Elle a participé à l’ouvrage 40 ans de vues rêvées – l’imaginaire des cinéastes québécoises depuis 1972.